dimanche, octobre 11, 2015

Être et devenir

Le dimanche matin, au Studio Saint-André des Arts (mais aussi dans de nombreuses villes françaises), vous pouvez assister à la projection d'un film intitulé Être et devenir, consacré à ces familles qui choisissent d'élever elles-mêmes leurs enfants dans le respects de leurs rythmes, de leurs passions et de leurs propres talents.

C'est un film à voir et à partager. Plus précis, plus profond et plus nuancé, d'ailleurs, que ne le montre la bande-annonce.

La première fois que j'ai entendu parler de "homeschooling", c'était par un inspecteur de l'Education nationale qui me parlait de communautés dans des vallées pyrénéennes. Je pensait que le phénomène ne concernait que quelques communautés de soixante-huitards et quelques autres groupes de réactionnaires forcenés et un poil sectaires.

Il y a peut-être des asociaux qui choisissent cette voie, c'est probable. Mais ce ne sont pas ceux-là qu'a rencontrés Clara Bellar. Son film, au contraire, nous entraîne dans un monde d'adultes responsables, qui s'interrogent, s"inquiètent, échangent, expérimentent, dialoguent, apprennent et qui, finalement, osent inventer quelque chose d'essentiel.

Ce n'est pas à proprement parler une méthode que nous découvrons, mais plutôt une attitude, un parti pris. Les enfants aiment apprendre, ils savent apprendre, à bien y regarder ils apprennent tout le temps. Puis ils arrivent à l'école où l'on commence à les contraindre à apprendre, et où, bien trop souvent, cette disposition spontanée devient une contrainte. Mais que se passe-t-il si on prend cette capacité d'apprendre au sérieux et si on décide de pousser ces enfants dans leur propre logique, leur propre dynamique ? Si on les pousse à ressentir leur propre logique, à la prendre au sérieux et à la pousser au bout ?

 


dimanche, août 30, 2015

Le Quantified self, pivot de la révolution des données

Il y a bientôt trois ans, j'avais chroniqué le Guide pratique du quantified self de mon ami Emmanuel Gadenne, l'un des explorateurs acharnés de cette tendance qui, petit à petit, se fait mouvement. 
Il y a un an environ, Pierre Guyot et Camille Gicquel m'ont contacté pour me demander une préface à un nouvel ouvrage sur cette question passionnante, beaucoup plus spéculatif cette fois...

J'ai accepté, tout d'abord parce qu'il s'agit d'un très bon ouvrage, que je vous conseille vivement, qui ne méconnaît aucune des dimensions et des questions sous-jacentes à un évolution qui, insensiblement envahit notre quotidien, qui s'appuie sans aucun doute sur des forces profondes, dans nos psychologies mêmes et dans les nouvelles logiques du marché.
J'ai accepté aussi parce que cette tendance, insuffisamment analysée, me semble effectivement mériter toute notre attention. Le "quantified self", cette propension que nous avons tous, peu ou prou, à "mesurer" nos "paramètres", poids, nombre de pas chaque jour, nombre de calories consommées, nombre de cigarettes électroniques utilisées, bilan carbonne, et j'en passe, cette tendance n'est pas seulement au coeur d'un nombre croissant de services et de business modèles. Elle se place aussi au coeur même des paradoxes et des tensions de notre modernité. C'est le point tectonique où se rencontrent le corps et la technologie, l'intime et le marché, le désir et la mathématique. Comme dans toutes les zopnes où se mêlent courants froids et courants chauds, c'est donc aussi une zone d'intense créativité, riche de paradoxes, riche peut-être aussi de dangers et de controverses.

Le livre est finalement sorti peu avant l'été. Je vous recommande ce "Quantified Self, les apprentis sorciers du "moi connecté", publié chez l'excellent FYP édition, et j'ai le plaisir de partager avec vous cette préface rédigée à l'été 2014.

lundi, avril 20, 2015

Big data : du nouveau dans l'ordre symbolique ?


Et si les données restructuraient aussi nos inconscients ?

La question peut sembler étrange, mais regardons un peu le quotidien d'un adolescent d'aujourd'hui...

Sortant du Lycée, Jacques prend son smartphone et trouve un Autolib disponible puis identifie, près de sa destination, une station de dépôt où il réserve une place libre. Par sa requête, il enrichit le système informatique qui permettra de mieux encore répartir les Autolib pendant que quelques urbanistes, qui ont accès aux données diffusées en open data, se passionnent pour la sociologie des déplacements des parisiens. Jacques n’en a cure : il calcule rapidement un itinéraire sur Googlemaps et accepte la proposition de Google d’envoyer un SMS à son amie pour lui annoncer son heure d’arrivée au café Signes. Pendant le trajet, son petit appareil Fitbit - ou quelle qu’en soit la marque - mesure sa dépense énergétique et enrichit les informations pour le « coach électronique » qui l’accompagne dans son programme personnel. Au passage, son terminal étant connecté à son Smartphone, il enrichit l’interface de stockage de ses données de santé, il ne sait pas trop pourquoi mais ça servira bien un jour. Arrivé au café Signes, il fait un « check » sur Foursquare, ce qui donne envie à deux autres amis d’attraper un UberPop qui passait dans les parages et allait dans la bonne direction et de les rejoindre pour une belle soirée printanière. Ensemble, ils décident d’aller au Cinéma : Cinémur (désormais Ciné-Loisir), en analysant les comportements de leurs amis sur Facebook va leur proposer le film le plus populaire dans leur cercle d’amis. Au passage, notre lycéen va signaler sa soirée sur Facebook, enrichissant ainsi d’autres applications d’analyse prédictive. Un rapide coup d’œil que sa « timeline » pour voir les informations ou vidéos partagées par ses propres amis. Moins de 12 %, en fait, de tout ce que partagent ses amis, 12 % qui ont été déterminées par un algorithme visant à pousser les utilisateurs  à rester le plus longtemps possible sur la page. Les vidéos les plus burlesques sont nettement favorisées, on s'en doute. Et le coup de mou du camarade de lycée risque de passer inaperçu.