lundi, octobre 21, 2013

Data Revolution : le troisième acte de la révolution numérique


La révolution numérique n'est pas linéaire. Elles procède par vagues, qui se chevauchent et se dépassent les unes les autres.

Les trois révolutions numériques

Il y a quarante ans, le numérique, c’était l’informatique, c'était surtout de la puissance de calcul et le rêve d'approcher les fonctions cognitives supérieures de l'Homme... Ca allait déjà changer le monde : des ingénieurs aventureux, qui découvraient ce monde nouveau avec émerveillement, bricolaient des Apple, inventaient des codes courts (Microsoft), ou, en France, calculaient la voilure du Concorde ou la trajectoire de la fusée Ariane. 
L'imaginaire de cette première vague de la Révolution numérique, c'était 2011, l'Odysséee de l'espace, et IBM développait tranquillement ce qui allait devenir de Deep Blue, l'ordinateur qui allait, finalement, battre Gary Kasparov aux échecs, en 1996.

Il y a vingt ans, nous entrions sans trop nous en rendre compte dans la deuxième étape de la Révolution numérique. Internet commençait à conquérir le grand public. Les ordinateurs, puis les humains, puis tous les objets entraient dans ce grand système d'interconnexion. On préparait tranquillement l’avènement du Docteur Watson d'IBM, qui conjuguerait non seulement la puissance d'un Deep Blue de troisième génération, mais aussi de puissantes capacités sémantiques lui permettant de rechercher sur Internet toutes les réponses imaginables et de gagner le jeu télévisé Jeopardy, en 2011. 
Avec l'émergence de la mobilité, avec les outils du web 2.0, avec la vague des objets communicants, l'informatique devenait pervasive, omniprésente, transformatrice, ouvrant sur de nouvelles vagues de cette Révolution numérique : les big data, l'âge de la Multitude, etc.
Cette "révolution numérique" n'était pas la révolution informatique. Les acteurs n'en furent pas les mêmes. De nouveaux géants prirent des positions clés, et, en Europe notamment, la plupart des géants de la première révolution furent durement éprouvés.

vendredi, octobre 11, 2013

Commission Lauvergeon : lancer la course au large...

La Commission Innovation 2030, présidée par Anne Lauvergeon, a remis aujourd'hui ses conclusions au Président de la République.

Le rapport complet est disponible ici.  Installée le 19 avril dernier, la commission rassemblait 20 personnalités de trajectoires et d'horizons différents. J'ai eu l'honneur et le plaisir d'être l'un d'entre eux. Elle a travaillé depuis lors autour d'une feuille de route assez claire : conquérir des positions de forces sur les marchés stratégiques de 2030.

Très vite, nous nous sommes accordés sur la nécessité, au delà de la question des thématiques porteuses, d'infléchir les politiques d'innovation elles-mêmes. En effet, même en identifiant les sujets les plus prometteurs, il nous semble difficile d'être ambitieux sans faire évoluer l'environnement lui-même (ce que nous appelions "le PH de l'aquarium" pour nous souvenir que même les plus beaux poissons succombent s'ils ne sont pas placés dans l'environnement adéquat), et sans infléchir les politiques d'innovation elles-mêmes...

Sept ambitions françaises

Il s'agissait tout d'abord proposer une stratégie concentrée sur un nombre limité de thématiques. La stratégie, c'est bien souvent savoir hiérarchiser ses priorités, et dans notre bon vieux pays, la dilution des bonnes intensions commence à ressembler à un fléau national. Pour identifier des objectifs cibles, nous avons croisé plusieurs critères, pour rechercher :
  • des marchés porteurs, au vu des tendances lourdes (environnement, démographie, économie, évolutions sociétales...) ;
  • des marchés où l’innovation scientifique, technique et industrielle peut faire la différence ;
  • des secteurs où les atouts actuels de la France rendent nos ambitions légitimes ;
  • des secteurs où l'intervention publique peut apporter une accélération ;
  • des secteurs susceptibles de créer de l'emploi et de la puissance industrielle.
Au terme de ces analyses, et en assumant la responsabilité d'avoir été selectifs, nous avons identifié sept ambitions qui nous semblent particulièrement prometteuses :

Le stockage de l’énergie
Le développement des énergies renouvelables, pour la plupart intermittentes, l’optimisation de la production électrique et le développement de la portabilité nécessitent des innovations de rupture  indispensables à la réussite de toute transition énergétique.
Le recyclage des matières
La raréfaction et le renchérissement des métaux mais aussi la protection de l’environnement rendront indispensables le recyclage, en particulier des métaux rares.
La valorisation des richesses marines : métaux et dessalement de l’eau de mer
La valorisation des métaux présents au fond de la mer et un dessalement moins énergivore de l’eau de mer apporteront des ressources indispensables à une population en croissance. 
Les protéines végétales et la chimie du végétal
De nouveaux produits alimentaires reposant sur des protéines végétales devront être conçus pour répondre à la croissance de la demande alimentaire mondiale que le secteur de l’élevage ne pourra seul satisfaire.
La médecine individualisée
Le développement des sciences « omiques » (génomique, protéinomique, etc.), les liens croissants entre dispositifs médicaux et thérapies ainsi que le développement du numérique vont faire émerger une médecine de plus en plus personnalisée, porteuse d’une plus grande efficacité collective et individuelle, avec des traitements adaptés. 
La « silver economy », l’innovation au service de la longévité
D’ici 15 ans, 1,2 milliard d’habitants auront plus de 60 ans dans le monde. Les seniors assureront la majorité des dépenses en France. Une économie nouvelle se développera répondant entre autres à la perte d’autonomie.
La valorisation de données massives (Big Data)
La multiplication des données créées par les particuliers, les entreprises et les pouvoirs publics sera porteuse de nouveaux usages et de gains de productivité. La mise à disposition par l’Etat et par ses opérateurs des données publiques constituera une opportunité pour favoriser l’essor de nouvelles start-up. 

mercredi, octobre 02, 2013

Quelle mesure pour les données publiques ? (Shannon, McLuhan et les BigData)

Le Premier ministre a récemment adressé au gouvernement, par voie de circulaire, un Vademecum de l'ouverture et du partage des données publiques, afin de faciliter l'appropriation de cette démarche en en rappelant les fondements et les enjeux, et en répondant aux questions que se posent bien des administrations confrontées à une démarche concrète d'ouverture...

Autant qu'on puisse en juger, la démarche a été bien accueillie, et le document circule, y compris par des voies imprévues, et diffuse auprès des administrations et des collectivités locales.

Tout naturellement, certains commentateurs se sont demandés, devant ce rappel des fondamentaux, ce qui s'était passé depuis la mise en place de la nouvelle organisation.

Et c'est là que l'on a vu fleurir, ici ou là, l'argument selon lequel l'ouverture se ralentirait, puisque Etalab  n'aurait "libéré" que 50.000 nouveaux fichiers en un an, contre 300.000 fichiers les deux années précédentes. Cet article de l'IFRAP, par exemple, est particulièrement éloquent.

La valeur des séries complètes

Alors certes, il nous faudra expliquer que le nombre de fichiers est un bien pauvre paramètre pour décrire l'impact d'une politique d'open data. Il nous faudra dire, par exemple, que sur les 300.000 fichiers recensés par www.data.gouv.fr en décembre 2012, presque 290.000 provenaient du découpage par communes (et intercommunalités) de 6 fichiers de l'INSEE (recensement de la population, etc.).

Il nous faudra expliquer que dans les nouveaux fichiers se cachent des documents extrêmement importants : réserve parlementaire, attributaires de marchés publics, aides à la presse, population carcérale, et d'autres, plus ésotériques, mais très importants pour les professionnels, comme ceux de France Agrimer ou de l'ARCEP, ou de l'ATIH, et d'autres enfin, qui marquent de nouvelles manières d'envisager l'action publique, comme les données ayant servi de base aux travaux de la mission Queyranne Desmaël Jürgensen  [J'espère que personne ne se sentira lésé de n'être pas mentionné : je ne prends ces exemples que pour les besoins de la démonstration...].

dimanche, septembre 29, 2013

(Billet invité) Serge Bossini : La liquidation de la valeur par la donnée, et ses conséquences révolutionnaires


C'est toujours un plaisir d'accueillir des amis sur ces pages. Serge Bossini est aujourd'hui n°2 du SGMAP. Mais c'est aussi un ami, mathématicien (normalien, agrégé et docteur), ingénieur des Ponts, urbaniste, engagé en politique (ancien directeur général de la fédération nationale des élus socialistes et républicains, ancien directeur de cabinet de la Ministre de la réforme de l'Etat,  de la fonction publique et de la décentralisation).
Et c'est enfin un inlassable compagnon de réflexion sur cette révolution de la donnée que nous essayons de cerner dans ces pages.

En 1936, Walter Benjamin écrivait : « on ne peut saisir la signification sociale du cinéma si l’on néglige son aspect destructeur, son aspect cathartique : la liquidation de la valeur traditionnelle de l’héritage culturel. » Dans le même essai, il prédisait le bouleversement parallèle que cette reproductibilité technique imprime à la création artistique et au gouvernement en organisant « une nouvelle sélection, une sélection devant l’appareil, de laquelle la vedette et le dictateur sortent vainqueurs. »
Assurément, nous sommes dans « le monde d’après », au regard des annonces de Walter Benjamin. Dans un monde où l’État démocratique et la création artistique ont finalement dompté le fauve cinématographique. Un regard rétrospectif vers le « bref vingtième siècle » doit toutefois nous inciter à la prudence, alors que la valeur, non seulement la valeur culturelle, mais toute valeur d’échange, est aujourd’hui susceptible d’être liquidée par la donnée. Formulation un peu plus précise du fameux « Softwareeats the world ».
Il ne s’agit pas d’un complot. Le potentiel de destruction est consubstantiel à la donnée elle-même, à sa reproductibilité parfaite, sans fin, gratuite ou presque.
Nous lisons beaucoup d’articles relatifs aux conséquences de cette liquidation sur les modèles économiques. Mais très peu traitent de ses effets sur l’État. Pourtant, la révolution de la donnée pointe trois fusils sur l’État : celui du déficit, celui de la dérégulation et celui du discrédit.
Cela nous regarde.

mercredi, septembre 11, 2013

L'avis du Conseil national du numérique sur la fiscalité du numérique

Le Conseil national du numérique a remis ce jour à Bernard Cazeneuve et Fleur Pellerin son rapport et son avis sur la fiscalité du numérique.

Sans surprise, ce collège d'éminents représentants des secteurs numériques, après audition de nombreux autres représentants du secteur, recommande de ne pas créer de taxe sur les industries numériques... ce dont se félicitent les représentants institutionnels de ces industries.

Malgré ce résultat prévisible, ce travail me semble marquer de grandes avancées. Il y a quelques mois seulement, la question de la fiscalité du numérique se cantonnait, fondamentalement, à deux positions extrêmes :
- le discours larmoyant autour du numérique qui "détruisait de la valeur" dans l'ancienne économie et qu'il fallait taxer à titre de compensation (pour ne pas dire "punition") ;
- et le discours arrogant de ceux qui disaient "nous créons la croissance et il ne faut donc pas nous taxer" (position qui n'a aucun fondement sérieux, ni moral ni économique).

On n'en n'est plus là, et c'est heureux.

dimanche, mai 12, 2013

La Maison Blanche lance la deuxième étape de sa politique d'open data

Jeudi 9 mai, la Maison Blanche a lancé la deuxième phase de sa politique d'open data.


A l'occasion de la visite d'un incubateur d'entreprises à Austin, le Président Barack Obama, convaincu que "les données sont une ressource dont la valeur croît d'autant plus qu'elle est aisément accessible par le public" a annoncé un ensemble de mesures destinées à accélérer la politique d'open data. On se rappelle que le Mémorandum sur la transparence et l'open gouvernement avait été la première décision signée par Obama après sa prise de fonctions en 2009...

Ces annonces nouvelles s'inscrivent dans une triple ambition : "Le gouvernement ouvert renforce notre démocratie, favorise le développement de meilleurs services au public et contribue à la croissance économique". La montée en puissance des deux thématiques de la modernisation de l'action publique et du soutien à la recherche et à la croissance économique, qui étaient peu présentes dans le mémorandum sur la transparence et l'open gouvernement de janvier 2009, est intéressante. Elle caractérisait déjà la feuille de route du gouvernement français, publiée le 28 février dernier. Elle préfigure une réflexion sur les conditions permettant à l'ouverture des données d'avoir leur plein impact. La transparence, à elle seule, ne suffit pas...

Au coeur des annonces de la Maison blanche, un "ordre exécutif" d'une page intitulé "L'information publique devra être, par défaut, ouverte et lisible à la machine" (difficile de traduire littérairement et littéralement "Making Open and Machine Readable the New Default for Government Information"...)


jeudi, mai 02, 2013

Questions et calculs sur les dettes publiques et la démographie en Europe

Je discutais récemment avec mon ami Maurice Ronai (dont je vous conseille l'excellent blog, Travaux Publics) quand nous avons commencé à nous interroger sur le sens des comparaisons entre les dettes européennes. On sait en effet que certains pays, comme l'Espagne ou l'Allemagne, ont connu une terrible chute de la fécondité, alors que d'autres, comme la France ou l'Angleterre, ont des taux de fécondité autour de deux enfants par femme.

La question n'est pas sans intérêt. Et pas seulement parce que nous savons, au moins depuis Alfred Sauvy, que les liens entre l'économie et la démographie sont nombreux et complexes. Elle est intéressante parce que la politique familiale française, dont nous nous enorgueillissons à juste titre représente chaque année un investissement de l'ordre de 100 milliards d'euros, un ordre de grandeur qui n'est pas si éloigné du montant annuel du déficit public (137 milliards en 2010, 98 milliards en 2012).

mardi, avril 30, 2013

Assises de l'entrepreneuriat : une nouvelle donne ?

J'étais ce lundi après-midi au séminaire de conclusion des Assises de l'entrepreneuriat.
J'en suis sorti, comme la plupart des participants : conquis.
Et même, au risque de l'emphase, avec le sentiment d'avoir assisté à un moment essentiel de l'histoire de l'entrepreneuriat dans notre pays, et en particulier de l'histoire de la gauche et de l'entrepreneuriat.
Prenez le temps, si vous le souhaitez, d'écouter le discours du Président de la République : vous sentirez rapidement immédiatement le climat en question. Et pour ceux qui connaissent les arcanes du PS, vous sentirez aussi à quel point nous avons pu avoir le sentiment de voir naître un nouveau récit de la gauche sur les entreprises, ou à tout le moins la victoire d'une composante de la gauche qui avait fort peiné à se faire entendre jusqu'à présent...

Le détail des mesures est précisé sur le site du Ministère du redressement productif. Pour ceux, comme moi, qui avaient manifesté leur inquiétude face à certaines dispositions de la loi de finances 2013, et qui avaient participé à certaines des discussions à Bercy, il y eut d'abord des annonces fortes et très encourageantes :

- la simplification drastique, et l'allègement considérable, de la taxation des plus-values. Il faut bien comprendre l'importance de cette question. Au nom de la décision de taxer les revenus du capital à l'égal des revenus du travail, le ministère du budget avait décidé de taxer également les plus-values sur le capital constitué ou investi par les entrepreneurs, alors même que de nombreuses voix, et pas seulement celles des pigeons, affirmaient que la constitution d'un capital n'avait rien à voir avec la rente issue du placement d'un capital. En corrigeant le tir, la loi de finances avait ensuite créé de nombreuses catégories, complexifiant encore un système déjà foisonnant, qui comptait désormais plus de 40 taux d'imposition différents. A dater de cette année, les choses vont devenir très simple : la plus-value sera taxée comme les revenus du travail en cas de détention inférieure à deux ans. Après deux ans, elle bénéficiera d'un abattement de 50 %. Après 8 ans, d'un abattement de 65 %. En cas de départ à la retraite ou de création d'entreprise, de 85 %. Et ce, pour les entrepreneurs, leurs financiers  leurs salariés, etc.
- au delà de cette mesure très attendue, quelques autres avancées majeures, en particulier la suppression de l'indicateur "040" du fichier de la Banque de France, qui pouvait pénaliser pendant de longues années l'entrepreneur ayant connu une faillite ;
- différentes dispositions favorisant l'investissement dans les jeunes entreprises non cotées, comme la réforme du Plan d'épargne en actions ou une avancée vers la facilitation du Crowdfunding.

lundi, avril 15, 2013

"L'innovation est une dissidence"

Même si je m'y suis fait rare dans la dernière ligne droite, Etalab oblige, j'ai eu le plaisir et la chance de participer aux travaux de la commission Beylat-Tambourin sur notre système d'aide à l'innovation at au transfert de technologie.

Réunis dans un groupe de travail varié et passionnant, mêlant chercheurs, entrepreneurs, VC, administrations, pôles de compétitivités et enseignants, nous avons travaillé près de huit mois autour d'une seule question : comment améliorer la puissance d'innovation dans notre pays, et comment aider le succès de ces innovations.

Le rapport complet est téléchargeable ici, et je vous le recommande. Vous y trouverez notamment beaucoup de chiffres très éloquents. Je ne vais pas le résumer, il débute par une excellente synthèse.
Je voudrais juste commenter ici ce qui me semble avoir été repéré très vite comme le coeur de la question, et qui a guidé l'ensemble des recommandations.

L'innovation n'est pas la simple suite logique et naturelle de la recherche. Elle ne se planifie pas. Elle ne se quantifie pas avec des critères aussi simples que les budgets de R&D ou le nombre de brevets déposés. L'innovation, cela commence avec le geste d'un créateur qui propose quelque chose de neuf. Cela commence toujours avec l'aventure d'une petite équipe qui plonge dans l'inconnu pour y tracer de nouvelles voies. Et ça ne devient une innovation que lorsque la société l'accepte, lorsque cela trouve sa place. C'est un progrès, et ce sont les utilisateurs qui décident ce qui est progrès, et ce sont leurs pratiques qui transforment la proposition en ce qui peut être qualifié de progrès. L'innovation, c'est donc presque toujours un imprévu, qui sanctionne un risque.

Ce n'est pas pour autant quelque chose d'imprévisible, sur lequel le politique n'aurait aucune prise. Tous les grands territoires d'innovation (Etats-Unis, Israël, Europe du Nord, Corée, Chine...) ont une grande politique d'innovation. Il faut une ambitieuse politique de recherche, il faut un transfert efficace des résultats de cette recherche, il faut un intense effort de recherche-développement, il faut que l'Etat et les grands groupes apprennent à faire des achats innovants, et il faut de grandes générations d'entrepreneurs. Mais il faut une aussi société accueillante à ces entrepreneurs : des capitaux, des clients, mais surtout une culture, une acceptation sociale. Il faut, aussi, une société tolérante à l'échec. Aucun de ces ingrédients ne peut manquer, faute de quoi, un pays ne peut devenir, ou rester, un grand pays innovant.


mardi, mars 19, 2013

Non, les données ne sont pas du pétrole...

Il ne se passe plus une semaine sans un dossier spécial titrant sur "les data, pétrole du XXIe Siècle", "data is the new oil", "les données, le nouvel or noir", "vos données personnelles valent 315 milliards d'euros", "profitez des opportunités des big data", voire même un "trésor caché" et j'en passe.

On comprend bien la métaphore : les données personnelles, les données publiques, les données de l'internet des objets seraient comme le pétrole : une ressource naturelle, fluide, susceptibles de toutes sortes de transformations, et porteuses d'un énorme potentiel de valeur. Plus encore, elles seraient le ferment d'une nouvelle révolution industrielle, appelées à plier l'économie mondiale à leur puissant potentiel industriel.

On comprend la métaphore, mais elle n'en n'est pas moins lassante. C'est en passe de devenir l'un de ces memes qu'affectionne Internet, comme son prédécesseur, le fameux "content is king". Elle désigne un aspect du réel mais, par sa force de suggestion, en dissimule d'autres et entraîne une cascade d'attitudes et de raisonnement, parfois fortement biaisés.  C'est surtout une pauvre métaphore, qui débouche sur une pauvre pensée. Car, comme toute métaphore, elle est partiellement fausse, elle contraint la pensée et lui fait prendre des chemins hasardeux. La donnée, c'est à la fois beaucoup plus compliqué, et, dans l'économie, c'est à la fois beaucoup moins, et beaucoup plus que du pétrole.

mardi, février 05, 2013

(billet invité) Alain Cadix : le designer "et ingénieur et artiste"


Alain Cadix est ancien directeur de l’ENSCI – Les Ateliers. Il conduit aujourd’hui l’Initiative d’excellence du Pôle de recherche et d’enseignement supérieur « Hautes études, Sorbonne, arts et métiers » (Pres HéSam) dont fait partie le Centre Michel Serres pour l’innovation. 


Lorsque je pris mes fonctions à l’ENSCI – Les Ateliers en 2007, moi qui n’étais pas designer, je fus persuadé que le designer n’était « ni ingénieur ni artiste » et qu’il se situait dans une position intermédiaire. Peu de temps après je m’étais convaincu qu’il devait être « et ingénieur et artiste ». Pour lui-même comme pour l’industrie. A l’heure d’un redressement recherché, je vais tenter d’expliciter cette position.

Un petit survol historique tout d’abord : jusqu’à la révolution industrielle la figure dominante de l’univers productif fut celle de l’artisan ; l’artisan était aussi un artiste en son métier. Au 19ème siècle apparut la figure de l’ingénieur dans l’industrie. Bien plus tard se dessina celle du designer, d’abord dans le monde anglo-saxon puis, vers le milieu du 20ème siècle, en France. C’est en 1949 que Jacques Viénot et Jean Parthenay créèrent l’agence Technès et en 1953 que l’ingénieur Roger Tallon les rejoignit.  C’est à cette époque que naquit le design industriel dans notre pays. Entre temps  œuvrèrent des ingénieurs – maîtres en esthétique dont Gustave Eiffel à la fin du 19ème  et André Citroën au début du 20ème furent les figures emblématiques d’une grande tradition. 

En ce début de 21ème siècle, qu’est-ce qu’un designer ? Pour y répondre il faut d’abord (re)dire ce qu’est le design. Je le définis pour ma part comme l’art de donner forme aux objets à dessein. A partir de dessein, objets, forme, il se décline dans ses multiples champs d’intervention contemporains, même si, encore, la majorité des français le considère seulement comme un art décoratif. Le dessein se projette dans un espace multidimensionnel, individuel / collectif, social ou sociétal / économique.  Le dessein est politique et esthétique. Les objets, quant à eux, sont des systèmes, des produits et services, des espaces, avec leurs parts de matérialité et d’immatérialité, reflet de la nature tangible et intangible en même temps de l’industrie de ce siècle. La forme, enfin, n’est pas qu’un bord, une limite, elle est une structure finalisée, fonctionnelle, dessinée et destinée à l’usage ; elle est la concrétisation esthétique d’un concept ; elle est un aboutissement, comme l’affirme le designer Jean-Louis Fréchin. J’insiste sur ce point en prenant trois références. Paul Klee, tout d’abord, pour qui « la forme au sens vivant est une forme avec des fonctions sous-jacentes : en quelque sorte une fonction de fonctions » ; Piet Mondrian ensuite, dont les propos sur l’architecture s’appliquent, selon moi, au design : « en architecture (en design, donc), l’extérieur s’exprime selon la construction interne » ; Steve Jobs enfin, pour qui le design, loin de se limiter à un habillage, « est l’âme d’un produit qui s’exprime du cœur jusqu’à l’enveloppe extérieure, couche par couche ». La forme de l’objet, raison d’être du designer, est le résultat, au profit des parties prenantes, des compromis (et des synthèses aussi) entre économie et imaginaire, entre fonction et esthétique, entre cœur technique et enveloppe sensorielle, intérieur pressenti et extérieur ressenti. Le seul fait que l’intérieur et l’extérieur soient indissociables, que dessiner le second ne puisse se faire sans maîtriser le premier, donne du poids à la position « et ingénieur et artiste ». 

dimanche, janvier 20, 2013

Rapport Colin / Collin : de la fiscalisation du numérique à la fiscalité post-numérique


Nicolas Colin (mon coauteur et ami) et Pierre Collin (l'un des spécialistes de la fiscalité au Conseil d'Etat), viennent de remettre leur rapport sur  la fiscalité numérique, rédigé à la demande du Ministre de l'économie et des finances, du Ministre du redressement productif, du Ministre délégué chargé du budget et de la Ministre déléguée chargée des petites et moyennes entreprises, de l'innovation, et de l'économie numérique.


Le document intégral est téléchargeable, et il mérite une lecture attentive.

L'analyse part des mêmes constats que L'Age de la multitude. Mais elle prend à bras le corps la question de la fiscalité qui était simplement posée dans notre livre.

Le point de départ est simple et irréfutable. Chaque grand changement économique et industriel a exigé une adaptation radicale de la fiscalité. Adaptation indispensable pour coller aux nouvelles stratégies de création de valeur, et de ce fait, empêcher que l'impôt n'en vienne à devenir inefficace, inéquitable ou même pénalisant pour l'économie.
Ainsi, la Révolution industrielle a-t-elle appelé l'impôt sur les sociétés. La complexification et la ramification des chaînes de production était en train d'affaiblir le potentiel de ce mode de prélèvement quand la France a inventé la TVA, moyen élégant de fiscaliser des chaînes extrêmement intriquées sans créer de doublons, de travailler sur les échanges transfrontaliers, et surtout d'associer les assujettis fiscaux à l'effort de perception de l'impôt.
La Révolution numérique appelle à n'en pas douter une réforme de ce type.

mercredi, janvier 09, 2013

Le gouvernement donne une nouvelle impulsion à la politique des pôles de compétitivité


A l’occasion du Conseil des Ministres de ce jour, Arnaud Montebourg, Fleur Pellerin, Cécile Duflot, et  Geneviève Fioraso ont annoncé la pérennisation pour six ans de la politique des pôles de compétitivité, ainsi que de nouvelles mesures de soutien : Fonds Unique Interministériel, Investissements d’Avenir, BPI France, … et renforcé les missions confiées aux pôles de compétitivité dans le cadre du « Pacte pour la croissance, la compétitivité et l’emploi ».

Le Club des Pôles Mondiaux se félicite vivement des décisions prises. En effet, les Présidents des 18 pôles stratégiques pour la France, ainsi que les milliers d’entreprises, de laboratoires publics et d’établissements de formation adhérents, ont toujours plaidé au cours de ces derniers mois pour une phase 3.0 de cette politique qui permettra :
- La relance de l’innovation et du transfert de technologies, enjeu majeur pour notre industrie
- Le passage de l’idée au marché pour des milliers de projets et des centaines de consortia constitués autour de la recherche collaborative qu’il convient désormais de transformer en emplois et en création de richesses pour la France
- Le renforcement des liens entre les grands groupes et les PME/ETI de nos pôles à travers des partenariats stratégiques, la politique d’achat, une prise en compte de la dimension internationale
- L’accompagnement de la croissance, voire de l’hyper-croissance de nos entreprises sur des niches où l’innovation joue un rôle majeur
- L’ajustement des compétences et des Ressources Humaines aux nouveaux défis industriels dans la mesure où, paradoxalement à la situation de l’emploi en France, de nombreux métiers au sein de nos pôles sont en tension et des milliers de postes sont non pourvus
Concernant la relation des Pôles avec le territoire, le Club des Pôles Mondiaux a constamment rappelé que les projets stratégiques naissent dans la proximité, là où la confiance entre les acteurs se noue. C’est pourquoi, les Présidents de Pôle se réjouissent des rapprochements proposés par le gouvernement avec les collectivités locales, en particulier les Régions, tant au sein de la gouvernance de chacun de nos Pôles, de la politique des pôles qu’à travers la BPI France qui jouera un rôle majeur dans la croissance de nos entreprises.