lundi, décembre 19, 2011

Grand Paris : 10.000 startups ?

Les Echos de la semaine dernière consacraient un dossier à "la compétition pour créer une Silicon Valley européenne".

Hélas, ce papier, comme tant d'autres, accumule une fois encore les contresens.

D'abord, parce qu'il se fait le relai complaisant de la communication de la Tech City de Londres. Certes, avec la débâcle de la finance, qui pesait un tel poids dans son économie, Londres semble se lancer avec force dans la bataille de l'attractivité. Certes, Londres revendique 600 jeunes entreprises de technologie, s'essaye à un festival grand public, profite de son homogénéité linguistique avec les Etats-Unis et revendique auprès des Américains le rôle de porte d'entrée vers les marchés européens (ce qui prouve une fois encore que les subtilités de la géographie internationale échappent parfois à nos amis d'outre-Atlantique).

Ensuite, parce que cet article semble résumer la vitalité française aux statuts fiscaux des JEI et des bénéficiaires du CIR, et au dantesque projet du pôle technologique de Saclay.

Enfin parce qu'on assiste toujours au même contresens sur ce qu'est la Silicon Valley : combien de fois faudra-t-il dire que la Valley est tout sauf une technopole. Etendue sur plus de 80 km, avec de grandes villes (San Francisco, San José), de grands campus à fortes personnalités (UNC, Berkeley, Stanford), des villages, des zones urbaines), avec de nombreux écosystèmes enchevêtrés. Et déjà une longue histoire appuyée sur les particularités économiques et culturelles de la région. Rien à voir avec ces gestes colbertistes dont on nous rebat les oreilles...

Seule bonne note, le journal semble avoir repéré la vitalité de métropoles ascendantes comme Stockholm ou Berlin, où, effectivement il se passe quelque chose.

Quand donc est-ce que les responsables politiques et administratifs, quand donc est-ce que les journalistes laisseront tomber leurs oeillères et regarderont la situation comme elle est ?



Fête d'inauguration de Futur en Seine 2011
L'écosystème de startups en Ile de France est tout simplement hallucinant. Il bénéficie certes de la concentration des grandes entreprises de technologie du plateau de Saclay, qui connaît donc bien quelques centaines de startups. Il bénéficie également  de la puissance de ses universités et de ses écoles d'ingénieur. Mais il ne résulte pas, ni ne se résume, à ce plateau.

Des dizaines de milliers de jeunes entrepreneurs, qui travaillent en réseau, explorent des voies originales (j'en ai déjà parlé ici), et se concentrent massivement à Paris, Montreuil, Boulogne, Issy-les Moulineaux, Saint-Denis et un peu partout autour du périphérique.

Nous n'avons pas les outils pour recenser ce tissu extraordinaire. Les équipes de Cap Digital ont travaillé avec le Syntec et ont recensé près de 20.000 PME impliquées dans les TIC en Ile de France. Simplement avec les codes NAF.

PLus récemment, et pour en avoir le coeur net, Cap Digital a sollicité ses partenaires et amis de Systematic, Silicon Sentier, Capital Games, La FICAM et le Pôle audiovisuel nord parisien. La seule liste des adhérents directs de nos 6 structures, et des PME avec lesquelles nous sommes en relations régulières, aboutit à 1833 entreprises.

Grâce à la collaboration bienveillante de l'IGN, et à quelques nuits blanches de François Hanat, nous avons pu développer une carte de ces 1833 premières entreprises. Si d'autres associations nous rejoignent (AFDEL, Syntec, IE-Club, GFII, Fédération française des Télécom), nul ne sait combien nous en recenserons. 10.000 ? 15.000 ? 20.000 ?


Regardez cette carte sur http://francenumerique.ign.fr/. Amusez-vous à zoomer pour regarder les densités dans certaines zones urbaines. Pensez à tous ces entrepreneurs.

Et posons-nous, ensemble, une dernière question. Pourquoi est-ce que Londres (qui revendique 600 startups) ou Israël (qui en compte 3.000), ou maintenant Berlin réussissent à créer un tel buzz avec des forces tellement inférieures ?
Manquons-nous de puissance marketing ? Nous manque-t-il une belle histoire, comme ont su la bâtir les Israéliens ? Manquons-nous tout simplement d'outils de suivi statistique et de données fiables ? Sommes-nous trop dispersé ? Avons-nous trop de structures dispersées ? (ce que je ne pense pas : Internet nous a appris l'avantage des organisations un peu floues et un peu redondantes) ?
Nos différentes élites, économiques, administratives et politiques savent-elles simplement ce qu'il en est ?

Je ne sais où est le problème, mais je pense qu'il est grand temps de le prendre à bras le corps...


9 commentaires:

  1. Parfaitement d'accord avec toi Henri. Il est grand temps de passer à la vitesse supérieure en matière de marketing international de notre Ecosystème de startups.
    Vincent

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  2. Excellent billet. Je suis 100% d'accord avec ton analyse. La raison principale? Les "élites" comme on les appelle ne connaissent pas le numérique. Point.
    Et donc les investissements sont toujours faibles dans ce domaine et conservateurs : on achète en masse quand un marché est installé. Et quand il est installé, ce sont les américains qui le dominent car chez eux, les achats en masse ont précédés la vague...
    Qu'on pense aux bases de données : on avait de belles boites dans le domaine dans les années 80. Aujourd'hui : 100% des SGBD sont américains : Oracle, DB2, MSQL et même le libre...

    Pour les associations, on peut aussi ajouter : Scientipole ou Eurocloud mais aussi les "incubateurs", le camping, le founder institute, la startup academy... Le tissu est en effet très riche.
    Mais les achats auprès de ce tissu ne sont pas suffisants. C'est là que la puissance publique doit se mobiliser.

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  3. Très beau billet plein de bon sens. Ce qui nous manque, c'est un peu de volonté Communautaire et de volontarisme de l’État Français.

    Ayant fait partie des entrepreneurs de la vague pré-2000, et toujours en action, j'ai pu constater comme les Français sont hostiles à l'idée de l'enrichissement individuel au travers du travail et de l'innovation.

    Enfin, j'aimerai entendre de l'état qu'il engage une démarche rénovatrice du financement des entreprises. Pourquoi pas au travers d'une défiscalisation des investissements à hauteur de 70 à 100% de ceux-ci. Par les temps qui courent, je sais bien que ce discours n'est pas politiquement correct et j'en remercie l'opposition actuelle pour cela. Mais c'est ce qui nous différencie de la situation Israélienne pour ce que j'en ai vue sur place. Pour le reste nos atouts ne sont pas moindre.

    Pedro ABRANTES
    COO et Business Developpeur

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  4. Intéressant article. Un détail quand même : USC est bien loin de la Silicon Valley, sauf si cette dernière s'étend jusqu'à LA.

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  5. L'approche par la quantité me parait quand même très discutable (d'autant que dans votre carte, il y a des associations et des agences de communication cotées, bravo l'esprit Start-up). Ok des centaines de jeunes diplômés bloquent quelques centaines d'euros chaque année pour avoir le droit de s'appeler entrepreneur. So what ? Le problème n'est pas une histoire de nombre de créations, mais d'où elles vont.

    Et au passage, on peut difficilement dire que la France manque d'interventionnisme : Entre les statuts fiscaux avantageux, TEPA, le CIR, les concours et les incubateurs je doute que le problème soit lié à l'implication de l'état. Avec les investisseurs de Seed (ISAI, KIMA, JAINA) et les VC traditionnels le problème n'est probablement pas non plus les financements tout court.

    Le problème c'est de signer ses premiers 200k€-300k$ de marge brute, chiffre a partir duquel on peut commencer à passer les négociations avec les départements achats de grands groupes et répondre aux petits appels d'offre du public.

    A industrie comparable, un deal se signe en parfois 2 fois moins de temps au UK, pour des "paniers moyens" qui peuvent être le double. Je n'ai pas une connaissance exhaustive de la scène UK, mais je peux citer une douzaines de boîtes qui sont passées de la création à 2m de livres de marge brute en moins de 2 ans. Combien de sociétés Françaises peuvent en dire autant (attention j'ai dis marge brute hein). A mon avis très peu.

    En France, j'ai l'impression que certes on a les ingés, mais on a pas les clients, ou alors des clients avec 9 mois de cycles de décisions et 150 j de délai de paiement... On s'en passerait.

    Là a mon avis est la vraie raison de la supériorité de Londres sur Paris, la capacité a signer des contrats importants et rapidement. La capacité des acheteurs - privés ou publics d'ailleurs comme l'évoque Alain - à signer des chèques à de jeunes sociétés innovantes. Quant à Berlin, avec un Burn qui est un quart du burn parisien, je comprends qu'ils aient le luxe d'avoir plus d'idées :D

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  6. @ Anonyme. Dont acte, USC corrigé en UNC. Merci

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  7. @ Autre anonyme : les autres écosystèmes aussi valorisent le quantitatif.
    Et certes nous avons des problèmes en Rance. On le sait bien et on se bagarre. Mais nous avons cette communauté magnifique. Peut-être même encore plus soudée que les structures en place ne les comprennent pas. Pourquoi ne pas se le redire de temps en temps ?

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  8. @Henri Alors oui, vu comme ça, je suis tout à fait d'accord. La communauté est dense, autant s'en féliciter !

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  9. Tout à fait d'accord avec le deuxième anonyme, on ne peut pas dire qu'on manque d'implication de l'état ou des collectivités locales en France, on manque de CLIENTS !!! Le tissu économique et le droit du travail en France datent d'il y a un siècle, on travail les uns contre les autres en interne et externe au lieu de travailler ensemble. Pour résumer il faut changer notre culture économique. Mais quand on entend les commentaires et analyses sur la crise de la dette par exemple, on réalise qu'on a encore beaucoup de chemins à faire pour y arriver...

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