Hier, se tenaient à Paris les Innovation Days France Israël, auxquels Cap Digital se réjouit de participer, et où de nombreux Français découvrent l'énorme Yossi Vardi, je voudrais partager avec vous quelques leçons que j'ai tirées de mon récent voyage d'étude dans ce bel écosystème.
J'ai en effet eu la chance, le mois dernier, de participer à un voyage d'étude organisé par les amis du Orange Institute avec le précieux concours de Roseline Kalifa. Au cours de ce séjour, nous avons également fait escale au festival DLD Tel Aviv.
Je connaissais un peu le pays, et je connaissais aussi sa puissance technologique, mais je n'avais pas encore encore rencontré sa communauté d'entrepreneurs. Et en rentrant en France, je me suis rendu compte que nombre de mes amis ignoraient complètement à quel point Israël était une terre de technologies et de startups, patrie par exemple d'ICQ, qui a donné naissance à au réseau Microsoft Messenger.
Une chose, pourtant, est sûre : l'écosystème français a beaucoup à faire avec cet écosystème de création, à quatre heures d'avion de Paris, qui a de nombreuses passerelles avec la France, et qui sait tellement bien attaquer les marchés internationaux et notamment américain.
Le marketing israélien des startups.
Certes, ne soyons pas dupes. Nous avons reçu, de la part d'innombrables interlocuteurs, un discours marketing très cohérent, ciselé et efficace.
Mais nous devrions en tirer une première leçon. Il existe une communauté cohérente, ambitieuse, volontaire. Elle sait se présenter et se vendre avec force. Elle a de grandes figures, des thèses, des succès à valoriser, mais aussi un positionnement, un storytelling, un marketing intelligent. Qui pourrait le lui reprocher ?
Je pense pour ma part que nous pourrions largement prouver que l'écosystème français - voire francilien - est de rang au moins égal. Reste qu'il nous faudrait faire ce travail : recenser nos PME de manière exhaustive, produire les données pertinentes, nous entendre sur une vision globale, instaurer un climat d'ambition et de confiance, construire une volonté collective, puis nous battre sur tous les fronts pour valoriser et développer cette valeur.
Et qui nous en empêche, si ce n'est nous-mêmes ?
Startup nation ?
Le livre de Dan Senor et Saul Singer a sans doute beaucoup fait pour cette prise de conscience collective, tant nous avons retrouvé de traces de ses réflexions au cours de nos conversations suivantes. Il explore les racines culturelles de cette forme particulière d'esprit d'entreprise.
Alors certes, il y a la situation géopolitique, le côté "nécessité fait loi". On ne badine pas avec l'efficacité dans un pays qui peut être traversé par un véhicule ennemi en trente minutes. Il y a les conséquences sociales de cet état de guerre permanente : tous les Israéliens font trois ans de service militaire, toutes les Israéliennes font deux ans de service militaire, dans une armée organisée en petites unités très autonomes. Tous les Israéliens font aussi un mois de période de rappel par an, au sein de la même unité, ce qui - entre autres conséquences - redistribue périodiquement les différentes hiérarchies sociales.
Mais il n'y a pas que cela. D'ailleurs, s'il n'y avait que cela, tous les pays en guerre, ou tous les pays menacés, devraient être des pays de startups. Ce qui est bien loin d'être le cas.
La technologie et la chutzpah
Au cours de ce court voyage, j'ai d'abord été frappé par le positionnement de ces dizaines d'entrepreneurs que nous avons rencontrés.
A San Francisco, on vous dira qu'il ne sert à rien de créer une startup si ce n'est pas pour essayer de changer le monde... En France, on ajoute quelques composantes esthétiques, sociales, politiques qui nous rendent parfois un peu plus compliqués (mais aussi plus nuancés). Les entrepreneurs rencontrés - je ne prétends pas avoir une vision globale, bien sûr - m'ont semblé très souvent être de pures boîtes d'ingénieurs. Disons que le profil type de la startup croisée à Tel Aviv était une entreprise hautement technologique, centrée sur un asset technologique, positionnée résolument sur un marché BtoB, et fondamentalement décidée à être rachetée par un plus gros acteur technologique. Mais ceci avec une détermination sans faille, une remarquable vitesse d'exécution, une vitesse d'accès au marché américain qui peuvent légitimement nous faire envie, ici, en France (tout cela dit sans misérabilisme, nous jouons une autre partie).
Il semble que le célèbre Technion Institute, célèbre université et centre de recherche de 13.000 étudiants uniquement consacré à l'enseignement des sciences et des technologies, y soit pour beaucoup. 70 % des startup technologiques israéliennes compteraient l'un de ses anciens élèves parmi les fondateurs, et quelqu'un m'a même affirmé que les entreprises mondiales dirigées par l'un de ses anciens élèves représenteraient le 7e PIB mondial. Les plus grandes entreprises mondiales y ont implanté des centres de recherche : Google, Cisco, IBM, Microsoft, HP, Motorola, Ericson, et j'en passe...
En même temps, j'ai été frappé par la prééminence d'un certain état d'esprit que les Israéliens appellent, en hébreux, la chutzpah, et que Dan Senor et Saul Singer décrivent ainsi : "culot, courage effronté, présomption accompagnée d’une arrogance telle qu’aucun mot dans aucune autre langue ne peut lui faire justice". Nous avons rencontré des gens d'une véritable audace intellectuelle, ne s'arrêtant devant aucun tabou, aimant la discussion, la polémique et le paradoxe. Quelque chose de très particulier et qui n'est pas sans rappeler l'esprit du pilpoul dont me parlent ceux de mes amis qui ont suivi les cours de Talmud Torah.
On le sentait bien dans le joyeux foutoir créatif du DLD, installé près du vieux port de Jaffa, qui a quand même du parfois sembler un peu surprenant aux organisateurs allemands de la manifestation d'origine.
J'ai en effet eu la chance, le mois dernier, de participer à un voyage d'étude organisé par les amis du Orange Institute avec le précieux concours de Roseline Kalifa. Au cours de ce séjour, nous avons également fait escale au festival DLD Tel Aviv.
Je connaissais un peu le pays, et je connaissais aussi sa puissance technologique, mais je n'avais pas encore encore rencontré sa communauté d'entrepreneurs. Et en rentrant en France, je me suis rendu compte que nombre de mes amis ignoraient complètement à quel point Israël était une terre de technologies et de startups, patrie par exemple d'ICQ, qui a donné naissance à au réseau Microsoft Messenger.
Une chose, pourtant, est sûre : l'écosystème français a beaucoup à faire avec cet écosystème de création, à quatre heures d'avion de Paris, qui a de nombreuses passerelles avec la France, et qui sait tellement bien attaquer les marchés internationaux et notamment américain.
Le marketing israélien des startups.
Certes, ne soyons pas dupes. Nous avons reçu, de la part d'innombrables interlocuteurs, un discours marketing très cohérent, ciselé et efficace.
Mais nous devrions en tirer une première leçon. Il existe une communauté cohérente, ambitieuse, volontaire. Elle sait se présenter et se vendre avec force. Elle a de grandes figures, des thèses, des succès à valoriser, mais aussi un positionnement, un storytelling, un marketing intelligent. Qui pourrait le lui reprocher ?
Je pense pour ma part que nous pourrions largement prouver que l'écosystème français - voire francilien - est de rang au moins égal. Reste qu'il nous faudrait faire ce travail : recenser nos PME de manière exhaustive, produire les données pertinentes, nous entendre sur une vision globale, instaurer un climat d'ambition et de confiance, construire une volonté collective, puis nous battre sur tous les fronts pour valoriser et développer cette valeur.
Et qui nous en empêche, si ce n'est nous-mêmes ?
Startup nation ?
L'une de nos premières rencontres fut Saul Singer, l'un des auteurs de l'ouvrage Israël, the Start-up Nation, qui apporte beaucoup d'éléments d'analyse.
Plutôt que de le paraphraser, je préfère citer son éditeur qui présente ainsi l'ouvrage :
Start-up Nation adresse la question à 1000 milliards de dollars. Comment se fait-il qu'Israël, un pays de 7,1 millions d'habitants, créé il y a 60 ans, entouré d'ennemis, en état de guerre permanente depuis sa création, sans ressources naturelles, produisent plus de startups que des pays plus grands, en paix et plus stables comme la Chine, l'Inde, la Corée, le Japon, le Canada ou le Royaume-Uni ? Comment a fait Israël pour attirer deux fois plus d'investissements en capital-risque par habitant que les Etats-Unis, et trente fois plus que l'Europe ?
Israël a plus de sociétés côtés au NASDAQ que tout autre pays non américain, plus que l'Europe, l'Inde et la Chine ajoutées. Et l'innovation israélienne ne se limite pas à l'informatique, la sécurité ou la communication ; l'Etat Juif est leader mondial en dépôt de brevets médicaux, et c'est un puissant acteur global en biotechs et cleantech.
Le livre de Dan Senor et Saul Singer a sans doute beaucoup fait pour cette prise de conscience collective, tant nous avons retrouvé de traces de ses réflexions au cours de nos conversations suivantes. Il explore les racines culturelles de cette forme particulière d'esprit d'entreprise.
Alors certes, il y a la situation géopolitique, le côté "nécessité fait loi". On ne badine pas avec l'efficacité dans un pays qui peut être traversé par un véhicule ennemi en trente minutes. Il y a les conséquences sociales de cet état de guerre permanente : tous les Israéliens font trois ans de service militaire, toutes les Israéliennes font deux ans de service militaire, dans une armée organisée en petites unités très autonomes. Tous les Israéliens font aussi un mois de période de rappel par an, au sein de la même unité, ce qui - entre autres conséquences - redistribue périodiquement les différentes hiérarchies sociales.
Mais il n'y a pas que cela. D'ailleurs, s'il n'y avait que cela, tous les pays en guerre, ou tous les pays menacés, devraient être des pays de startups. Ce qui est bien loin d'être le cas.
La technologie et la chutzpah
Au cours de ce court voyage, j'ai d'abord été frappé par le positionnement de ces dizaines d'entrepreneurs que nous avons rencontrés.
A San Francisco, on vous dira qu'il ne sert à rien de créer une startup si ce n'est pas pour essayer de changer le monde... En France, on ajoute quelques composantes esthétiques, sociales, politiques qui nous rendent parfois un peu plus compliqués (mais aussi plus nuancés). Les entrepreneurs rencontrés - je ne prétends pas avoir une vision globale, bien sûr - m'ont semblé très souvent être de pures boîtes d'ingénieurs. Disons que le profil type de la startup croisée à Tel Aviv était une entreprise hautement technologique, centrée sur un asset technologique, positionnée résolument sur un marché BtoB, et fondamentalement décidée à être rachetée par un plus gros acteur technologique. Mais ceci avec une détermination sans faille, une remarquable vitesse d'exécution, une vitesse d'accès au marché américain qui peuvent légitimement nous faire envie, ici, en France (tout cela dit sans misérabilisme, nous jouons une autre partie).
Il semble que le célèbre Technion Institute, célèbre université et centre de recherche de 13.000 étudiants uniquement consacré à l'enseignement des sciences et des technologies, y soit pour beaucoup. 70 % des startup technologiques israéliennes compteraient l'un de ses anciens élèves parmi les fondateurs, et quelqu'un m'a même affirmé que les entreprises mondiales dirigées par l'un de ses anciens élèves représenteraient le 7e PIB mondial. Les plus grandes entreprises mondiales y ont implanté des centres de recherche : Google, Cisco, IBM, Microsoft, HP, Motorola, Ericson, et j'en passe...
En même temps, j'ai été frappé par la prééminence d'un certain état d'esprit que les Israéliens appellent, en hébreux, la chutzpah, et que Dan Senor et Saul Singer décrivent ainsi : "culot, courage effronté, présomption accompagnée d’une arrogance telle qu’aucun mot dans aucune autre langue ne peut lui faire justice". Nous avons rencontré des gens d'une véritable audace intellectuelle, ne s'arrêtant devant aucun tabou, aimant la discussion, la polémique et le paradoxe. Quelque chose de très particulier et qui n'est pas sans rappeler l'esprit du pilpoul dont me parlent ceux de mes amis qui ont suivi les cours de Talmud Torah.
On le sentait bien dans le joyeux foutoir créatif du DLD, installé près du vieux port de Jaffa, qui a quand même du parfois sembler un peu surprenant aux organisateurs allemands de la manifestation d'origine.
Une culture nationale de l'innovation ?
Ce sentiment d'une culture originale de l'innovation a été brillamment illustré par l'intervention de l'un des professeurs rencontrés au Technion, Yitzhak Bir, qui nous a gratifiés d'un formidable exposé sur l'innovation. Ce Monsieur a un jour reproché à l'institutrice de sa fille de ne pas lui apprendre à se poser des questions comme "pourquoi les feuilles des arbres ont-elles deux faces différentes ?". Devant son air éberlué, il lui expliqua alors que toutes les réponses sont désormais accessibles sur google, mais que se poser de bonnes questions n'est pas donné à tout le monde.
Ses étudiants reçoivent des conseils comme :
- Frottez-vous aux choses, soyez curieux, émerveillez-vous, exercez votre cerveau ;
- Ramenez tout à vos préoccupations (même si ce n'est pas vrai en pratique) ;
- Ne compartimentez pas le savoir ou l'expérience ;
- Essayez toujours d'en savoir un peu plus que "nécessaire" sur votre environnement, intéressez-vous à la manière dont les choses fonctionnent.
Et en même temps, ils apprennent à quel point il est difficile de rester concentré sur la tâche, ils savent que le succès ou les financements ne viennent pas toujours facilement au talent ("God is not here to take care of this justice"), et qu'il est difficile de construire des entreprises favorables à l'esprit d'innovation.
J'ai croisé, en France, quelques rares maîtres comme cela, mais ils s'intéressaient plus souvent aux sciences humaines qu'à l'entreprise.
Ses étudiants reçoivent des conseils comme :
- Frottez-vous aux choses, soyez curieux, émerveillez-vous, exercez votre cerveau ;
- Ramenez tout à vos préoccupations (même si ce n'est pas vrai en pratique) ;
- Ne compartimentez pas le savoir ou l'expérience ;
- Essayez toujours d'en savoir un peu plus que "nécessaire" sur votre environnement, intéressez-vous à la manière dont les choses fonctionnent.
Et en même temps, ils apprennent à quel point il est difficile de rester concentré sur la tâche, ils savent que le succès ou les financements ne viennent pas toujours facilement au talent ("God is not here to take care of this justice"), et qu'il est difficile de construire des entreprises favorables à l'esprit d'innovation.
J'ai croisé, en France, quelques rares maîtres comme cela, mais ils s'intéressaient plus souvent aux sciences humaines qu'à l'entreprise.
Une stratégie nationale
Il faut souligner combien ces succès reposent aussi sur une politique industrielle. J'ai trouvé une note un peu ancienne de La vie des idées qui en présente l'historique. Dès le milieu des années 70, le gouvernement israélien semble avoir misé massivement sur l'innovation technologique. Il a conjugué pour cela une politique de recherche, de grands programmes, des incitations à la création d'entreprise... comme nous le faisons en France. Mais il l'a fait en partenariat très étroit avec l'allié américain, et avec une sorte de pragmatisme qui nous manque parfois à notre extrémité de la Méditerranée. Ce qui marchait ailleurs, Israël l'a importé.
Israël est aujourd'hui le pays le l'OCDE qui consacre la plus forte part de son PIB à la R&D : 4,6 %. Du coup, les biens de haute technologie représentent 50 % de ses exportations.
Ce résultat est du, sans aucun doute, à un Etat qui a cru très tôt à ses entrepreneurs et au capital-risque. Comme le rappelle cet article du Nouvel Observateur, l'Etat s'est très tôt comporté bien plus en investisseur à risque (examinant le potentiel de marché des innovations proposées) qu'en subventionneur. De plus, il a développé une stratégie originale et audacieuse pour attirer les meilleurs capitaux risqueurs mondiaux (donc, Américains) en construisant des garanties originales contre le risque. Ce programme, Yozma, doté de 100 millions de dollars, a permis d'attirer 150 millions de dollars d'investissements internationaux. L'Etat a récupéré sa mise initiale, augmentée de 50 %, en moins de cinq ans.
J'espère que ces quelques notes de voyage vous donneront envie de mieux connaître cet écosystème. Il a réellement beaucoup de choses à nous apprendre, et nous avons de beaux partenariats à inventer avec ces entrepreneurs. Et d'ailleurs, Cap Digital et la Région Ile de France y ont un représentant, que vous pouvez contacter : Daniel Bessis.
Israël est aujourd'hui le pays le l'OCDE qui consacre la plus forte part de son PIB à la R&D : 4,6 %. Du coup, les biens de haute technologie représentent 50 % de ses exportations.
Ce résultat est du, sans aucun doute, à un Etat qui a cru très tôt à ses entrepreneurs et au capital-risque. Comme le rappelle cet article du Nouvel Observateur, l'Etat s'est très tôt comporté bien plus en investisseur à risque (examinant le potentiel de marché des innovations proposées) qu'en subventionneur. De plus, il a développé une stratégie originale et audacieuse pour attirer les meilleurs capitaux risqueurs mondiaux (donc, Américains) en construisant des garanties originales contre le risque. Ce programme, Yozma, doté de 100 millions de dollars, a permis d'attirer 150 millions de dollars d'investissements internationaux. L'Etat a récupéré sa mise initiale, augmentée de 50 %, en moins de cinq ans.
J'espère que ces quelques notes de voyage vous donneront envie de mieux connaître cet écosystème. Il a réellement beaucoup de choses à nous apprendre, et nous avons de beaux partenariats à inventer avec ces entrepreneurs. Et d'ailleurs, Cap Digital et la Région Ile de France y ont un représentant, que vous pouvez contacter : Daniel Bessis.
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