mercredi, octobre 17, 2012

Aperçus sur l'écosystème numérique français

Nous avons tenu hier, à l'Assemblée nationale, une intéressante rencontre du Collectif du numérique et des parlementaires.
L'occasion pour nombre d'entre nous de retrouver quelques-uns des députés et sénateurs qui s'intéressent réellement à nos enjeux : Corinne Ehrel, Laure de la Raudière, Jean-Louis Gagnaire, Michel Aslanian, Lionel Tardy, Thomas Thévenoud et la découverte du jour, le sénateur André Gattolin.

C'est Fleur Pellerin qui a ouvert le colloque, avec une intervention centrée sur le programme numérique présenté la semaine dernière en conseil des ministres, avec notamment un développement appuyé sur la souveraineté numérique et sur les transformations du travail.
Puis elle revint sur le fameux article 6 du projet de loi de finances 2013, pour rappeler que le projet de loi de finances avait d'emblée marqué son engagement auprès des PME et des PME innovantes (notamment à travers le maintien des dispositifs JEI et CIR - qui sera même élargi à l'innovation), pour confirmer les amendements gouvernementaux déjà annoncés (restauration de la fiscalité actuelle pour les entrepreneurs et les capitaux risqueurs moyennant une certaine durée de détention et le respect de certains seuils), mais aussi pour défendre le principe de la concertation avec les entrepreneurs et de l'amélioration d'un texte qui aurait eu, sans cela, des conséquences économiques catastrophiques (ceci en réponse à certaines contestations à gauche). Le Parlement va maintenant commencer son travail, et de nombreuses évolutions, dans les deux sens, restent possibles. La vigilance reste de mise.

jeudi, octobre 11, 2012

L'impôt sur les sociétés doit intégrer une analyse du risque

Le débat sur le projet de loi de finances 2013 n'est pas fini. Un grand nombre de Français s'y intéressent. Partout, de grands débats semblent s'ouvrir sur le type d'imposition qui serait juste. L'argument économique, que je proposais dans mon dernier billet, n'intéresse visiblement pas beaucoup. On voudrait savoir ce qui fonde la justesse d'un taux d'imposition sur les dividendes et sur les plus-values.
Et il me semble que l'on bute toujours sur la même question : la difficulté à asseoir le raisonnement sur le risque. Regardez par exemple le débat qui a opposé Marie Ekeland, coprésidente de l'association France Digitale, et la députée socialiste Karine Berger vendredi dernier. La première souligne l'aléas considérable que représente un investissement dans une jeune pousse, et la seconde lui oppose l'espérance de gains qui justifie cet investissement.



Alors que je lui parlais de ce petit échange, mon ami Jean-Michel Lasry m'a rappelé un concept qui, me semble-t-il, éclairerait très utilement le débat : le rendement du capital corrigé du risque. De manière amusante, il a été forgé dans le monde des banques de marché dans les années quatre-vingt-dix pour mettre fin aux pratiques incontrôlables de certains traders.

lundi, octobre 08, 2012

Fiscalité des investissements : une question de politique industrielle

Le débat sur la loi de finances 2013 s'enlise dans des considérations de plus en plus politiciennes, voire dans une sorte de morale (où est le bon argent ? Le mauvais ? Le bon bénéfice ? Le mauvais ?). C'est dommage, pour une question qui devrait être avant tout industrielle...
Car la question centrale, il me semble, est de savoir si le "redressement productif" espéré pour la France est possible après une telle taxation des gens qui portent le risque d'innovation, qu'ils soient entrepreneurs, salariés de startups ou ceux qui financent cette prise de risque et cette croissance.

Peut-on surmonter le choc fiscal qui se prépare sans un surcroît d'innovation et donc sans un surcroît d'audace et de prise de risque ?
Je ne le pense pas. 
Et c'est pourquoi il y a maintenant urgence à poser le débat dans les seuls termes qui comptent vraiment sur cette question : les termes de la politique industrielle.


Différentes études, que connaît bien le ministère du redressement productif, montrent que les entreprises bénéficiant d'apports en capitaux et en expertise des business angels et fonds d'investissements ont des taux de croissance en emplois environ 50% supérieurs aux autres PME. Si l'on considère en outre que ces entreprises très petites (unipersonnelles, auto-entrepreneurs, etc) ont une productivité moindre que les entreprises de taille plus importante (car la productivité connaît des effets d'échelle), on commence à deviner l'impact de cette forme de financement. 
Or, si nous avons trois fois moins d'entreprises moyennes que l'Allemagne (ce qu'on nous a tellement rappelé pendant la campagne présidentielle), nous avons aussi deux fois plus de très petites entreprises que notre voisin. C'est là le problème de notre système économique : comment faire grossir ces très petites entreprises.

jeudi, octobre 04, 2012

Retour de Bercy

Medef, Syntec, Croissance Plus, Cap Digital, Systematic, France active, Afic... en tout, une vingtaine d'associations et d'entrepreneurs étaient donc reçus aujourd'hui, à l'Invitation de Pierre Moscovici, Jérôme Cahuzac et Fleur Pellerin pour échanger sur les dispositions controversées du projet de loi de finances 2013.

Le plus impressionnant, à mon avis a été l'unanimité avec laquelle les participants ont récusé l'idée selon laquelle les revenus de cession d'une entreprise pourraient être analysés comme un revenu du capital. "Notre travail n'est pas un placement financier, nos résultats ne sont pas une rente" ont dit de nombreux participants.

Après une heure trente d'entretien, le Ministre de l'économie et des finances et le ministre du budget ont annoncé un ensemble de mesures allant dans le bon sens. Elles sont détaillées dans la presse, pas besoin de trop les développer dans ce blog. Pour aller à l'essentiel :
- la taxation (ils disent "prélèvement libératoire") sur les plus-values de cession restera de 19 % (comme aujourd'hui) pour les entrepreneurs qui auront conservé leurs titres 5 ans ;
- les revenus de cession réinvestis dans un nouveau projet seront intégralement défiscalisés, de même que les revenus des entrepreneurs partant à la retraite ;
- le projet de loi de finance de la sécurité sociale sera amendé au parlement pour que le "carried interest" des capitaux risqueurs (le carried interest, pour faire simple, c'est le fondement de la rémunération des partenaires d'un fond d'investissement) ne soient pas comptabilisés en salaire (et donc pas assujettis aux charges sociales et patronales).

De l'Open Data à l'Open government : les percées de l'administration Obama


C’est Tim O’Reilly qui a lancé l’expression.
En 2009, cinq ans après avoir forgé et popularisé l’expression « web 2.0 », il organisa à Washington le « Gov 2.0 summi», série de conférences traitant de questions aussi diverses que : la manière dont l’État pourrait s’approprier le cloud computing ; les stratégies de création de plateformes ; le concept de nation digitale ; l’usage des données massives pour améliorer le système de santé et en réduire les coûts ou plus généralement la conduite du changement. Bref, il lançait l'agenda de l'Open government.

Au cours de cette rencontre, qui fut reconduite en 2010, émergeait une forte conviction : les technologies, les méthodes et plus encore les valeurs de la révolution numérique fournissent d’infinies ressources pour améliorer l’efficacité et la transparence de l’action publique.
Dans un article sur Techcrunch, Tim O’Reilly résumait ainsi le fond de son analyse : «Le véritable secret de l’État 2.0 est de penser l’État comme une plateforme. S’il est une chose que nous avons apprise des industries technologiques, c’est que tous les grands gagnants ont été des entrepreneurs de plateformes : des personnes dont le succès en a soutenu d’autres, qui se sont construits sur leur travail et en ont multiplié l’impact»
Il y a, comme toujours avec Tim O’Reilly, une composante de storytelling. Mais il est intéressant de le prendre au mot, et de chercher si nous pouvons observer, concrètement, de véritables inflexions des politiques publiques. Après tout, la révolution numérique a transformé bien des pratiques individuelles et collectives. Elle a bouleversé sous nos yeux bien des organisations. Pourquoi ne ferait-elle pas évoluer l’État lui-même ?
Et c'est là que nous devons reconnaître le caractère innovant de l'administration Obama.

mardi, octobre 02, 2012

Pourquoi je ne veux pas être un pigeon



L'économie numérique, le monde des entreprises innovantes, la blogosphère, Facebook et la twittosphère sont en ébullition.

Le projet de loi de finances 2013 comporte une sacrée bourde (le résumé des dispositions fiscales est ici).

Il prévoit en effet, comme l'avait annoncé le candidat Hollande, d'aligner la fiscalité des revenus du patrimoine sur la fiscalité du travail, et donc de créer une tranche supérieure à 45 % sur les plus-values (taxés aujourd'hui à 32 %). Ce qui, avec la CSG et la RDS, pourrait atteindre un prélèvement de 60 % sur les tranches supérieures dans certains cas.
Conscient de l'impact sur le financement des entreprises, Bercy a déjà réalisé quelques aménagements à cette règle : défiscalisation progressive pour le créateur d'entreprise détenant ses parts sur une longue durée ; allègement fiscal pour l'entrepreneur qui part à la retraite ou pour l'investisseur qui réinvestit 80 % de ses gains dans un nouveau projet.
A bien y regarder, il y a même des mesures favorables aux entrepreneurs qui lèvent leurs options sur les actions. 


Pour autant, le projet, s'il devait demeurer en l'état, resterait économiquement néfaste :
- il comprend quelques bourdes de rédaction (le compteur pour la détention longue durée des parts serait remis à zéro au 1 janvier 2013) ;
- il omet le cas des entreprises d'hypercroissance (a votre avis, où vont se domicilier les fondateurs de Criteo, qui est passée en 6 ans de 0 à 250 millions d'euros de CA, qui est revenue en France, qui a créé 750 emplois ultra qualifiés et prépare son entrée en Bourse ?) ;
- et surtout, il semble confondre complètement les modèles économiques du Venture capital, des fonds d'investissements et de la finance traditionnelle, et de ce fait ignorer les modes de rémunération du capital-risque.

Nous devons donc travailler proprement dans les trois mois qui viennent (c'est la durée de l'élaboration complète d'une loi de finances, et le texte qui sort de ce long processus est généralement très différent du texte initial). Et le faire en tenant compte de la mécanique parlementaire, et du jeu des amendements et des navettes parlementaires. Il y a bien des entrées dans ce texte auxquelles on pourrait accrocher de nettes améliorations.

Personnellement, je pense que l'ensemble du projet devrait être refondé sur d'autres bases, et s'articuler autour de trois idées fortes :
1- le choc de rigueur en cours exige un choc d'innovation d'une ambition au moins aussi grande. La rigueur sans conquête de nouveaux marchés, c'est la récession ;
2- Les succès des entrepreneurs qui revendent doivent être analysés comme les revenus exceptionnels des sportifs (il ne s'agit pas d'un revenu récurrent mais d'un résultat rare, - exceptionnel - qui se prépare pendant toute une carrière) ;
3- S'il est bien une priorité pour les politiques industrielles, ce devrait être de faire naître en France une industrie du capital-risque prospère et puissante, et rien n'est trop beau pour attirer les talents mondiaux de ce métier vers notre écosystème (comment ne pas être alarmé de constater que la Silicon Valley - 7 millions d'habitants - investit chaque année 500 fois plus d'argent en venture capital que toute la France ?)