mercredi, mars 23, 2011

(Billet invité) Pierre Bellanger : L'avenir des réseaux sociaux

J'ai le plaisir de partager avec vous cette réflexion de Pierre Bellanger, fondateur et PDG de Skyrock, et donc de la plate-forme Skyblog, sur l'avenir des réseaux sociaux.



Les premiers services de réseaux sociaux sur Internet ont eu pour promesse initiale d’aider à la mise en relation entre elles de personnes appartenant à des populations définies par un besoin ou une situation.

Sous la forme originelle de groupes de soutien, les malades souffrant d’une même pathologie se retrouvent sur des forums précurseurs de ces services. Aux États‐Unis, dès 1995, un des premiers réseaux, « Classmates », permet de se lier, à nouveau, avec ses camarades de scolarité. « BlackPlanet », ensuite, fondé en 1999, s’adresse à la communauté afro‐américaine. « Friendster », lancé en 2002, a pour vocation de favoriser la mise en relation avec les amis de ses amis. « MySpace », en ligne en 2003, séduit la nouvelle génération américaine par la liberté de ses profils sous pseudonyme et son orientation musicale. « Facebook », enfin, fondé en 2004, est, à son origine, réservé à quelques universités, puis au seul monde scolaire et réticule, de ce fait, les étudiants sous leur véritable identité. Une adresse email en .edu était nécessaire au début pour y adhérer.

En Asie, le coréen « CyWorld » débute en 1999 et fédère la jeune génération qui s’y retrouve sous le couvert d’avatars. Au Japon, « Mixi », fondé en 2000, recrute sur invitation, favorisant la constitution d’un réseau homogène. Le chinois « Renren », créé en 2005, se focalise sur la communauté estudiantine ‐ avec quand même plus 160 millions de membres ‐  qui échangent sous pseudo.

En Europe, « Skyrock » lance son réseau social de blogs en 2002 et rassemble, comme la radio, la libre expression de la nouvelle génération et en est le leader français et européen. «Skyrock » est sous pseudo comme « Hyves » aux Pays‐Bas, fondé en 2004, tandis que «Tuenti » en Espagne, lancé en 2006, est sur invitation.

Avant même Internet et le Web, les premières communautés virtuelles se réunissent par la mise en réseau d’ordinateurs : dès 1979, sur « the Source » et ensuite sur « the WELL » à partir de 1985, avant de s’étendre sur « Prodigy »,   « Compuserve », et « America Online ».
La rareté de l’usage, la faible notoriété, le coût et la difficulté d’y accéder rendaient ces premiers réseaux endogamiques, ultra‐minoritaires et spécialisés. Ils répondaient avant l’heure à la première promesse du réseau social sur Internet : l’entre soi.

« Facebook » va faire le choix radical de quitter cet entre‐soi par des élargissements successifs imposés à ses membres jusqu’à devenir ce qu’il est aujourd’hui : le premier réseau social universel sous identité réelle avec plus d’un demi‐milliard de membres.
Le résultat est fantastique : c’est un hybride mutant entre la micro‐socialisation et la globalisation planétaire.

Comme « Facebook » est conçu initialement pour un monde universitaire où, en un même lieu  ‐ le campus  ‐, et entre égaux identifiés,  ‐ les étudiants  ‐   le travail, les relations et les loisirs sont unifiés et sans passé, il oblige tous ses utilisateurs à l’unité d’identité dans un réseau relationnel monocontextuel et unidimensionnel : la famille, les relations de travail, les amis issus de divers moments de la vie ou activités se retrouvent ensemble sur une même page sans distinction.
L’expérimentation et les évolutions d’identité de l’adolescent n’y ont pas leur place. La complexité des relations et l’hétérogénéité des contextes de socialisation d’un adulte  ‐ lui‐ même à facettes ‐ n’y sont pas prises en compte.

D’où la dénaturation sur le service du sens du mot « ami » qui comprime en un seul mot sans nuance des réalités relationnelles pourtant subtiles et indissociables de leurs circonstances comme de leurs histoires.