En 1992, peu de temps après la chute du mur de Berlin, le politologue américain Francis Fukuyama nous prédisait, tout simplement La Fin de l'histoire et le dernier homme.
Fascinés par leur victoire contre l'URSS, et sans doute appatés par les relents hégéliens de ce texte, les intellectuels du monde entier lui assuraient un succès inattendu. De manière étonnante, personne ne sembait s'inquiéter du recours à une expression, "le dernier homme", que Nietzsche avait pourtant adoptée pour nous dresser le portrait peu enthousismant du stade ultime du nihilisme...
Trente ans plus tard, le jihad à toutes les sauces, la géopolitique de la Russie, la trajectoire de "pays émergents" qui sont devenus bien plus qu'émergents nous permettent de remettre ces analyses à leur juste place, et d'apprendre à nous méfier, comme avait su le faire Derrida dès 1993, des prétentions à fermer le rideau de l'histoire...
Pourtant, ces théories de la fin de l'histoire, de la fin du progrès, de la fin de l'homme lui-même semblent avoir la vie dure, et connaissent,depuis quelques années, un nouvel avatar avec les théories, très appréciées dans les milieux économiques, sur la "fin de l'innovation".
Le prix Nobel d'économie, Edmund Phelps, en tirait un livre l'an dernier, expliquant que toute la crise depuis la fin des Trente glorieuses provenait de l'incapacité à innover de l'Occident (thèse que je ne conteste pas complètement d'ailleurs). Surfant sur la vague, pas toujours avec la même érudition, d'autres économistes ont tenté, récemment, de prouver que la révolution numérique n'avait pas été si importante que cela, finalement. D'autres encore reconnaissent son impact, tout en la considérant comme désormais épuisée.
D'après Le Monde du 1er septembre, cette thématique sera au coeur d'un prochain rapport du Conseil d'analyse économique. Un consensus émergerait chez les économistes : la croissance serait durablement affectée par le manque de gains de productivité de notre économie, lui-même imputable à la faible puissance d'innovation actuelle, et au caractère trop faiblement disruptif des technologies numériques.
Bon. En première instance, ça me rappelle cette planche de Gotlib :
Mais en même temps, on n'a pas vu le rapport. Laissons-lui sa chance. Car ce qui est sûr, c'est que la question mérite quelques élaborations...