mardi, février 22, 2011

Révolutions Arabes : Plutôt René Girard que Mark Zuckerberg

Il y a quelque chose d'inconvenant à qualifier les Révolutions Arabes de « Révolutions Facebook » ou de « Révolution Twitter ». Et le bain de sang qui a commencé en Libye le confirme.
Réduire ces mouvements populaires à leur seul versant médiatique serait aussi imprécis et limité que si l’on s’avisait de réduire la Résistance à une conséquence de Radio Londres.
Une telle imprécision, répétée à longueur de colonnes, est encore une fois le signe d’une société qui pressent en son sein de grands bouleversements, pour lesquels elle ressent à la fois fascination, crainte et aversion.
Internet n’est pas une réalité exogène à nos sociétés. C’est le plus remarquable outil de création, d’innovation et de partage dont se soit dotée l’humanité. Rien d’étonnant à ce qu’un peuple qui s’ébroue, un peuple jeune, qui a achevé sa transition démographique, dont la population est éduquée, s’en serve avec naturel. Rien d’étonnant, mais rien non plus de « magique ».

Les Révolutions Arabes ne sont pas des « révolutions Internet ». S’il y a contagion dans l’aspiration des peuples à l’émancipation et à une démocratie plus achevée, et si cette contagion utilise le média le moins facile à manipuler et à censurer, il y a aussi des spécificités propres à chaque situation.
Le régime Ben Ali était miné de l’intérieur, le vieux despote malade et affaibli, la guerre de succession engagée. L’armée égyptienne, qui avait porté Moubarak au pouvoir, l’en a chassé pour d’innombrables raisons, mais sans doute aussi pour conserver son propre pouvoir. La Libye pourrait tomber, on le souhaite à son peuple, mais son indifférence à l’opinion internationale, la force de pression que représente son pétrole, la folie apparente de ses dirigeants, et le faible sentiment national dans un pays divisé en trois populations bien distinctes font craindre une histoire beaucoup plus sanglante.

Non, ce qui me frappe, ce n’est pas le rôle de Twitter ou Facebook. Rien de surprenant à ce que les jeunes révoltés s’empressent d’y puiser des contacts et des nouvelles, comme nos Résistants le faisaient avec Radio Londres. Ce qui me frappe, c’est la dimension collective, mimétique, sacrificielle de ces mouvements.