Ainsi donc, pour finir en beauté la première année du mandat de M. Trump, la FCC (l'agence de régulation des télécommunications aux Etats-Unis, supposée indépendante - comme notre ARCEP-, mais désormais présidée par un proche du président) a décidé de se débarrasser de la neutralité du net. C'est la fête chez l'opérateur Comcast qui célèbre l'événement (et les nouvelles baisses d'impôts) en offrant un bonus de 1000$ à chacun de ses plus de 150.000 salariés. Incidemment, AT&T fait de même mais sans mentionner la décision de la FCC.
Décision, rappelons-le, très fortement contestée, par exemple par l'Attorney général de New York qui a ouvert une procédure après avoir constaté des infractions massives (deux millions de faux votes au moins, après usurpation d'identité) au cours de la consultations.
Décision éminemment politique. Cette question est aussi grave, pour le numérique, que la sortie de l'accord de Paris l'était pour le climat. La neutralité du net, c'est le principe de non-discrimination des paquets transportés, que ce soit en fonction de l'émetteur, du destinataire ou du contenu... C'est un principe très simple : les opérateurs du réseau ne se mêlent pas de ce qui y passe... A part quelques exceptions très compréhensibles (cybersécurité par exemple) la régulation du réseau se fait à la périphérie, par exemple en démantelant le serveur de musique piratée.
Comme pour tous les principes fondateurs, il est parfois difficile de s'accorder sur la portée exacte de ce principe (c'est comme la liberté d'expression : on peut en reconnaître des limites). Mais l'intention est nette, comme le rappelle très bien La Quadrature du net : "Le principe de neutralité du réseau découle directement du principe, bien plus ancien, de neutralité du transporteur. Il indique que le transporteur, à qui est confié un message, ne peut utiliser les informations qui lui sont fournies que dans un but spécifiquement technique (acheminer le message à destination, ce pour quoi il est payé ), et rien d'autre. Aucune discrimination n'est appliquée en fonction de l'émetteur, du récepteur ou de la nature de l'information transmise." C'est la traduction technique de ce serment ancien comme la Poste, et que prêtent aujourd'hui encore les postiers : "Je m’engage à respecter scrupuleusement l’intégrité des objets déposés par les clients, l’inviolabilité et le secret des correspondances et des informations concernant la vie privée d’autrui, dont j’aurais connaissance dans l’exécution de mon service"). Bref, entendre que les Etats-Unis sont prêts à y renoncer est aussi grave que si le PDG de La Poste nous annonçait soudain qu'il allait désormais facturer différemment les lettres d'amour.
C'est un principe qui est au coeur de l'architecture du réseau Internet, et qui a conditionné les choix qui ont fait de cette plateforme la plus grande plateforme d'innovation ouverte qu'ait connu l'humanité.
Les enjeux de la bataille de la neutralité
Les articles qui commentent cette décision ont beaucoup insisté sur les menaces sur la neutralité commerciale des fournisseurs d'accès Internet, comme le souligne cette infographie de l'AFP.
C'est effectivement l'un des grands risques de cette décision.