jeudi, décembre 29, 2011

Le crowdfunding va-t-il sauver l'économie américaine ?

La communauté économique américaine s'intéresse beaucoup, ces jours-ci, à une nouvelle initiative de l'administration Obama : le Crowdfunding Bill.

Ce texte, qui est déjà passé à la chambre des représentants, et attend la discussion au Sénat, modifie la loi sur l'accès au capital des entrepreneurs. Vous pouvez trouver la version votée le mois dernier ici-même.

L'objectif du texte est simple : faciliter la levée de fonds des startups en assouplissant considérablement la possibilité de recourir aux petites sommes versées par des particuliers, jusqu'à concurrence de 2 millions de dollars. En deçà de ce plafond, les contrôles de la SEC, si drastiques en cas d'introduction en bourse et interdisant quasiment de procéder à des levées de fonds via les réseaux sociaux, sont considérablement assouplis. Il suscite d'ores et déjà d'intéressants débats sur sa portée et ses conséquences.

La vogue du crowdfunding

Le crowdfunding (littéralement "financement par la foule") est une idée assez naturelle pour les enfants des réseaux sociaux et du web 2.0.

A dire vrai, la tradition est plus ancienne. Faire financer son film ou son livre par souscription ou par appel à l'investissement des particuliers n'est pas une idée si iconoclaste qu'on l'imagine. A bien y regarder, on trouve même dans l'histoire taurine espagnole une longue tradition de penas de villages finançant le premier habit de lumière, et les services d'un apoderado, pour aider au démarrage de la carrière d'un jeune talent prometteur.

lundi, décembre 19, 2011

Grand Paris : 10.000 startups ?

Les Echos de la semaine dernière consacraient un dossier à "la compétition pour créer une Silicon Valley européenne".

Hélas, ce papier, comme tant d'autres, accumule une fois encore les contresens.

D'abord, parce qu'il se fait le relai complaisant de la communication de la Tech City de Londres. Certes, avec la débâcle de la finance, qui pesait un tel poids dans son économie, Londres semble se lancer avec force dans la bataille de l'attractivité. Certes, Londres revendique 600 jeunes entreprises de technologie, s'essaye à un festival grand public, profite de son homogénéité linguistique avec les Etats-Unis et revendique auprès des Américains le rôle de porte d'entrée vers les marchés européens (ce qui prouve une fois encore que les subtilités de la géographie internationale échappent parfois à nos amis d'outre-Atlantique).

Ensuite, parce que cet article semble résumer la vitalité française aux statuts fiscaux des JEI et des bénéficiaires du CIR, et au dantesque projet du pôle technologique de Saclay.

Enfin parce qu'on assiste toujours au même contresens sur ce qu'est la Silicon Valley : combien de fois faudra-t-il dire que la Valley est tout sauf une technopole. Etendue sur plus de 80 km, avec de grandes villes (San Francisco, San José), de grands campus à fortes personnalités (UNC, Berkeley, Stanford), des villages, des zones urbaines), avec de nombreux écosystèmes enchevêtrés. Et déjà une longue histoire appuyée sur les particularités économiques et culturelles de la région. Rien à voir avec ces gestes colbertistes dont on nous rebat les oreilles...

Seule bonne note, le journal semble avoir repéré la vitalité de métropoles ascendantes comme Stockholm ou Berlin, où, effectivement il se passe quelque chose.

Quand donc est-ce que les responsables politiques et administratifs, quand donc est-ce que les journalistes laisseront tomber leurs oeillères et regarderont la situation comme elle est ?

dimanche, décembre 11, 2011

Hervé Rannou : Smart grids, la "révolution internet" de l'énergie (billet invité)

Hervé Rannou, le fondateur d'Items International, a accepté de partager avec nous son enthousiasme pour les nouvelles perspectives qui s'ouvrent avec l'irruption des nouvelles technologies dans les marchés de l'énergie. Je l'en remercie.


Les Réseaux Intelligents d’Energie (Smart Grids) font partie de ces sujets qui semblent devoir être rangés dans la case « Technologies », bien loin des préoccupations politiques ou stratégiques.

C’est peut être au contraire l’un des véritables sujets des prochaines années tant son impact va être majeur pour les acteurs du secteur de l’énergie électrique tout comme pour ceux du secteur du numérique. Il va aussi toucher les collectivités et les citoyens. Il va enfin accompagner de manière indissociable le développement et la maîtrise des nouvelles énergies.

Quelques repères permettent de se faire une idée plus précise de ces différents points :

1- Définition : Les Réseaux Intelligents (ou Smart Grids) font référence à l’ensemble des technologies numériques (Informatique et télécoms) utilisées pour optimiser le fonctionnement des réseaux électriques. On différencie les Smart Grids 1) « amont » qui concernent la production, le transport et en partie la distribution, 2) « aval » sur la partie qui concerne les compteurs intelligents allant des services au consommateurs jusqu’à la le traitement des données qui permet de gérer les besoins en production et transport.

2- Intégration des énergies renouvelables. Parce que les énergies renouvelables sont intermittentes (également qualifiées de « fatales »), elles mettent en risque la stabilité du réseau. C’est la raison pour laquelle un plafond a été fixé à 30% comme limite à tout endroit du réseau de transport de ne pas dépasser. Les Réseaux intelligents « Amont » constituent un élément incontournable de l’évolution des réseaux électriques afin de dépasser cette limite.

3- Réduction des pertes. On estime qu’autour de 10 % de l’énergie électrique est perdue dans les réseaux du fait d’une non-optimisation de l’ensemble des ressources et leur insuffisante coordination. Les Smart Grids constituent également le moyen d’optimiser ces ressources.

mardi, décembre 06, 2011

Economie des startups : leçons israéliennes

Hier, se tenaient à Paris les Innovation Days France Israël, auxquels Cap Digital se réjouit de participer, et où de nombreux Français découvrent l'énorme Yossi Vardi, je voudrais partager avec vous quelques leçons que j'ai tirées de mon récent voyage d'étude dans ce bel écosystème.

J'ai en effet eu la chance, le mois dernier, de participer à un voyage d'étude organisé par les amis du Orange Institute avec le précieux concours de Roseline Kalifa. Au cours de ce séjour, nous avons également fait escale au festival DLD Tel Aviv.

Je connaissais un peu le pays, et je connaissais aussi sa puissance technologique, mais je n'avais pas encore encore rencontré sa communauté d'entrepreneurs. Et en rentrant en France, je me suis rendu compte que nombre de mes amis ignoraient complètement à quel point Israël était une terre de technologies et de startups, patrie par exemple d'ICQ, qui a donné naissance à au réseau Microsoft Messenger.

Une chose, pourtant, est sûre : l'écosystème français a beaucoup à faire avec cet écosystème de création, à quatre heures d'avion de Paris, qui a de nombreuses passerelles avec la France, et qui sait tellement bien attaquer les marchés internationaux et notamment américain.


Le marketing israélien des startups.


Certes, ne soyons pas dupes. Nous avons reçu, de la part d'innombrables interlocuteurs, un discours marketing très cohérent, ciselé et efficace.
Mais nous devrions en tirer une première leçon. Il existe une communauté cohérente, ambitieuse, volontaire. Elle sait se présenter et se vendre avec force. Elle a de grandes figures, des thèses, des succès à valoriser, mais aussi un positionnement, un storytelling, un marketing intelligent. Qui pourrait le lui reprocher ?

Je pense pour ma part que nous pourrions largement prouver que l'écosystème français - voire francilien - est de rang au moins égal. Reste qu'il nous faudrait faire ce travail : recenser nos PME de manière exhaustive, produire les données pertinentes, nous entendre sur une vision globale, instaurer un climat d'ambition et de confiance, construire une volonté collective, puis nous battre sur tous les fronts pour valoriser et développer cette valeur.
Et qui nous en empêche, si ce n'est nous-mêmes ?


Startup nation ?


L'une de nos premières rencontres fut Saul Singer, l'un des auteurs de l'ouvrage Israël, the Start-up Nation, qui apporte beaucoup d'éléments d'analyse.
Plutôt que de le paraphraser, je préfère citer son éditeur qui présente ainsi l'ouvrage : 
Start-up Nation adresse la question à 1000 milliards de dollars. Comment se fait-il qu'Israël, un pays de 7,1 millions d'habitants, créé il y a 60 ans, entouré d'ennemis, en état de guerre permanente depuis sa création, sans ressources naturelles, produisent plus de startups que des pays plus grands, en paix et plus stables comme  la Chine, l'Inde, la Corée, le Japon, le Canada ou le Royaume-Uni ? Comment a fait Israël pour attirer deux fois plus d'investissements en capital-risque par habitant que les Etats-Unis, et trente fois plus que l'Europe ?
Israël a plus de sociétés côtés au NASDAQ que tout autre pays non américain, plus que l'Europe, l'Inde et la Chine ajoutées. Et l'innovation israélienne ne se limite pas à l'informatique, la sécurité ou la communication ; l'Etat Juif est leader mondial en dépôt de brevets médicaux, et c'est un puissant acteur global en biotechs et cleantech.

lundi, novembre 28, 2011

Jean-Louis Missika : Mutations numériques et mutations cognitives, de l'écriture au web

Mardi 22 novembre dernier, j'ai eu l'occasion, parmi beaucoup d'autres d'assister à la leçon inaugurale de la Chaire "économie et gestion des industries numériques et des nouveaux médias" prononcée par Jean-Louis Missika. Le thème en était "Mutations numériques et mutations cognitives, de l'écriture au web", c'est-à-dire la manière dont des technologies cognitives, comme l'écriture, ou le web, modifient le travail même de la pensée.
Jean-Louis me fait l'amitié de m'autoriser à reporter cette conférence sur ce blog, ce qui me permet d'avoir le plaisir de la partager avec vous. 
Les illustrations, en revanche, sont de mon cru.


J’ai choisi de faire cette leçon sur un sujet très classique : la relation entre cette catégorie très particulière de technologies qu’on nomme technologies cognitives et les pratiques culturelles au sens large, notamment dans les domaines politiques et scientifiques. Par technologie cognitive, il faut entendre les technologies qui manipulent les signes, les stockent et les diffusent : ainsi le langage, l’écriture, l’imprimerie, la rotative, le télégraphe, le téléphone (fixe ou mobile), la radio, le cinéma, la télévision, le web sont des technologies cognitives. Cette liste n’est pas exhaustive même si les ruptures technologiques dans ce domaine sont rares.

La thèse que je défendrai est la suivante : l’émergence d’une technologie cognitive bouleverse et réagence les processus de délibération qui régissent les pratiques d’une communauté ou d’une société. Le bouleversement peut concerner l’architecture du réseau de délibération, les organisations et les individus qui participent à la délibération, les normes et les conventions qui la structurent. Ou tout cela à la fois.

Pour mieux comprendre la mutation numérique en cours, qui est difficile à appréhender, justement parce que nous la vivons au jour le jour, j’ai choisi, comme d’autres avant moi, de l’étudier à la lumière de celles qui l’ont précédée. La distance historique et la comparaison permettent de cerner ce que change le déploiement social de la technologie cognitive dans nos manières de voir, de juger, de discuter, de réfléchir. Le détour par l’histoire permet de puiser chez les historiens, les anthropologues, les sociologues, les philosophes - qui ont choisi d’étudier les technologies cognitives et qui forment une sorte de collège invisible - les idées, les concepts et les méthodes qui nous aident à décoder cette mutation numérique. D’où le sous-titre de cette leçon : de l’écriture au web.

Dans son livre sur l’Aventure de l’Encyclopédie, Robert Darnton a montré que cette œuvre était autant une affaire d’éditeurs, d’imprimeurs, et de libraires que de philosophes. Il insiste sur le fait qu’il a voulu écrire l’histoire d’un livre et non pas d’une idée, et la liste qu’il dresse des questions  à l’origine de son travail est éclairante pour notre sujet : « Comment de grands mouvements intellectuels tels que celui des Lumières se sont-ils répandus dans la société ? Jusqu’où se sont-ils étendus ? Quelle a été la mesure de leur influence ? Quelle forme la pensée des philosophes a-t-elle revêtue quand elle s’est matérialisée sur le papier ? que révèle cette entreprise sur la transmission des idées ? La base matérielle de la littérature et la technologie de sa production ont-elles eu une grande influence sur sa substance et sa diffusion ? Comment fonctionnait le marché littéraire et quel rôle jouaient les éditeurs, libraires, représentants de commerce et autres intermédiaires de la communication culturelle ? » (p.21) Cet ensemble de questions illustre le déplacement que permet la mise en relation entre technologie cognitive et pratique culturelle : on échappe au raisonnement tautologique où l’on explique les révolutions scientifiques par l’apparition de méthodologies nouvelles, ou le changement culturel par l’émergence d’idées nouvelles. En focalisant son attention sur le processus de création, de conservation et de médiation de connaissances, dans sa dimension technique et organisationnelle, Darnton met à jour la construction d’un réseau social dont l’architecture originale va permettre la diffusion des idées révolutionnaires à l’échelle européenne, et jouer un rôle important dans l’événement révolutionnaire lui-même. Il ne vous a pas échappé que j’ai employé le terme « réseau social » à dessein. A la lecture de l’Aventure de l’Encyclopédie, cet usage n’est pas anachronique, bien au contraire.

L’écriture donc, et son invention. Dans un ouvrage qui est devenu un classique, La raison graphique, sous-titré « La domestication de la pensée sauvage », Jack Goody montre que les différences culturelles entre sociétés s’expliquent en partie par la maîtrise ou l’absence de maîtrise de l’écriture. L’expression orale implique la présence physique de l’auditoire, et l’acte de communication s’épuise dans l’  « ici et maintenant » de sa performance. Pas de trace et d’inscription ailleurs que dans la mémoire des auditeurs, pas d’examen et de réexamen du texte, pas de confrontation avec d’autres textes, seule la confrontation entre orateurs permet d’opposer des points de vue. Goody note qu’ « il est certainement plus facile de percevoir les contradictions dans un texte écrit que dans un discours parlé, en partie parce qu’on peut formaliser les propositions de manière syllogistique, et en partie parce que l’écriture fragmente le flux oral, ce qui permet de comparer des énoncés émis à des moments et dans des lieux différents. » (p.50).
Comment les choses se passent-elles dans le champ politique ? L’inscription et la conservation par l’écrit d’une parole politique auparavant exclusivement orale, permettent la construction d’objets politiques complexes tels que le traité de paix ou la déclaration de droits humains.

jeudi, novembre 24, 2011

Avec les smartphones, la médecine devient Rock N'Roll

Le site Proxima Mobile, de la délégation aux usages de l'Internet, nous informe régulièrement des progrès du concours X-Prize consacré au développement d'un fabuleux outil de diagnostic médical : le Tricorder (hommage à Star Trek que vous aviez bien sûr repéré).

Il a mille fois raison de le faire.

Ce nouveau défi illustre de manière exemplaire ce mouvement du numérique qui sort désormais des écrans pour entrer dans nos villes, dans nos vies et même dans nos corps.

Elle montre aussi combien les rêves, et notamment ceux de la science-fiction, et la pensée à partir des usages et des expériences utilisateurs peuvent être féconds.

Elle devrait aussi nous réveiller, avant que nous ne rations la prochaine vague du numérique, celle pourtant pour laquelle nous devrions être particulièrement outillés.

Regardez cette vidéo promo de l'un des candidats au concours : le projet Scanadu.


mercredi, novembre 16, 2011

Eduquer après la Révolution numérique

J'étais invité aujourd'hui à intervenir au Séminaire Sankoré "Faire la classe à l'heure du numérique", deux journées passionnantes d'échanges et de débats sur les transformations éducatives.

Après de  table ronde, intitulée "l'innovation technologique au service de l'éducation" était visiblement pensée comme celle des représentants de la technologie et des éditeurs, et l'on m'avait demandé de parler de l'éducation à l'heure de la troisième Révolution industrielle.


Pour moi, la question de l'impact de la Révolution numérique sur l'éducation doit être pensée à partir de trois convictions.


1- Nous vivons aujourd'hui une nouvelle Révolution industrielle. C'est une transformation technique, économique et sociale globale, qui, comme la première Révolution industrielle, modifie en même temps l'économie, l'urbanisme, les rapports sociaux, etc.
Comme mes amis Bernard Stiegler ou Yann Moulier Boutang, je pense que la révolution en cours nous plonge dans un tout nouveau régime de la production et de l'échange économique.
Pour faire court, à un premier capitalisme centré sur la production (celui de l'école de Ferry), privilégiant l'ingénieur, la propriété intellectuelle, la captation de la force physique des ouvriers, a succédé un second capitalisme articulé autour de la production de masse, la communication de masse et la consommation de masse, privilégiant le marketing et tentant de capter le désir des consommateurs. Nous sortons aujourd'hui péniblement de cette ère pour entrer dans un monde hyper-instruit, hyper-connecté et hyper-outillé, essayant de capter la créativité des consommateurs, et privilégiant donc le design des systèmes et des interfaces.


2- Les systèmes éducatifs ne font pas seulement de la pédagogie. Ce sont des projets politiques, qui, en même temps qu'ils transmettent du savoir, créent aussi de la mémoire, de l'ordre social et de la sélection acceptable, qui s'articulent avec les autres systèmes de transmission (la famille, l'entreprise, la société), et qui répondent aux besoins exprimés par la société. Ce sont aussi des systèmes techniques qui utilisent les technologies de leur époque, ainsi que les techniques d'organisation disponibles.
En 1833, par exemple, la loi Guizot fait obligation aux communes de plus de 500 habitants d'entretenir une école primaire de garçons, qui crée les écoles normales d'instituteur, et normalise « l'instruction morale et religieuse, la lecture, l'écriture, les éléments de la langue française et du calcul, le système légal des poids et mesures. » Elle est contemporaine des développements de l'édition (Louis Hachette, ancien élève de Guizot à l'Ecole normale supérieure, a créé sa librairie-éditeur en 1826) qui ont a la fois bénéficié du développement de l'enseignement de l'orthographe, et permis cette uniformisation de l'écriture dans tout le pays. Elle est également contemporaine de techniques d'organisation napoléoniennes.
Les différentes lois Ferry, entre 1879 et 1883, entraînent une massification de l'éducation et des choix d'organisation - nous pourrions presque dire d'industrialisation - qui ne peuvent être compris sans le contexte de la massification et de la taylorisation du travail dans l'usine.
On ne peut donc pas penser un projet d'éducation de masse sans se demander aussi ce qu'il produit à l'échelle de la société, et à quelles logiques d'organisation et d'instrumentation il répond.
La séquence qui va de la réforme Haby à la décision de conduire 80% d'une classe d'âge au baccalauréat (en fait, nous sommes un peu au dessus de 70 %) couronne spectaculairement une société de consommation et de communication de masse.

3- Il est donc évident qu'à organisation constante, et sans repenser les objectifs (sociaux) et les méthodes du système éducatif, le numérique apporte peu. Je l'ai exprimé assez souvent depuis plusieurs années. Une rafale de nouveaux articles, et les premières évaluations après équipements massifs l'ont confirmé récemment. Un très bon papier d'Internet Actu a fait le point récemment sur ce -relatif - désenchantement. Je vous le conseille. Un autre indice, peut-être plus étonnant encore, est fourni par l'exemple des Waldorf Schools, prestigieuses écoles privées américaines, onéreuses (17.000 dollars par an au primaire, 25.000 dollars par an au Lycée), couronnées de succès, et qui déploient une stratégie extrêmement conservatrice, privilégiant les activités physiques et l'apprentissage Hands On, et bannissant les écrans. Les cadres de la Silicon Valley se précipitent pour y inscrire leurs enfants.
J'ai eu le plaisir de rencontrer, il y a peu de temps le professeur Yitzhak Brick, du Technion Institute. Il nous a raconté combien il avait interloqué une enseignante en lui disant que tout ce qu'il attendait d'elle, c'était qu'elle apprenne à ses filles à se demander pourquoi les deux faces des feuilles des arbres étaient différentes. Son raisonnement était pourtant simple : tout ce que l'on peut vouloir comprendre est aujourd'hui accessible sur Internet. La chose la plus essentielle est d'apprendre à se poser des questions. Des questions joyeuses, insolentes, perspicaces, et porteuses de découvertes. Il avait raison. Voilà le genre de défis que nous devons relever.

Au nom de ces trois constats, nous pouvons donc nous poser brièvement deux questions :
- quelles sont les caractéristiques du nouveau monde industriel dans lequel nous sommes entrés ?
- comment ces caractéristiques nous permettent-elles de repenser une stratégie d'éducation de masse ?
(...)

lundi, novembre 07, 2011

Open Data, Open Government, Croissance économique

J'ai été convié par le Centre d'analyse stratégique et Etalab à intervenir au colloque "Nouveaux usages d'Internet, nouvelle gouvernance pour l'Etat", colloque centré sur les Open data, qui s'est tenu ce lundi à la Cité des Sciences et de l'Industrie, pour la table ronde Quels sont les leviers stratégiques de l'Etat pour encourager l'innovation et l'économie numérique ? 
Une vidéo intégrale de la table ronde a été mise en ligne ici.


Très intéressant colloque, au passage, avec de belles interventions sur l'économie, l'efficacité administrative et la géostratégie...


Que peut faire l'Etat pour le numérique ?


Bien que largement né d'initiatives publiques, y compris françaises, Internet, profondément marqué par son origine libertaire et Californienne, a longtemps été une énigme, voire un problème, pour les gouvernements.
Ses principes fondamentaux, son architecture end to end, la vitesse avec laquelle les entreprises et les particuliers s'en sont emparés, la manière dont il crée de la valeur (économique et sociale) tout en déstabilisant profondément les positions acquises, le mélange inédit des sphères privée et publique, marchande et non-marchande, son caractère transfontalier... tout concourt à faire du réseau un objet bien difficile à appréhender pour les politiques publiques classiques.

Même si de réels progrès ont été effectués ces dernières années, ce n'est donc faire injure à personne que de dire que, si le numérique Français ne se porte pas trop mal, tant dans ses succès que dans son impact économique global, ces succès se sont, pour l'essentiel, bâtis en dehors de l'intervention publique.

Il faut donc rappeler quand même que, si la politique d'Open data est susceptible d'apporter beaucoup aux entreprises innovantes et aux utilisateurs, elle ne résoudra pas tout. Et avant de parler de ce nouvel or noir, il est bon de se rappeler que nombre des problèmes du secteur restent inchangés : les insuffisances de la politique d'aide à la création d'entreprises, l'instabilité juridique et fiscale dont elles pâtissent, le manque de capitaux investis, le plafond de verre - largement culturel - qui pénalise la croissance de ces jeunes entreprises, les difficultés qu'elles rencontrent  à contracter avec les grands groupes industriels, la faiblesse de l'investissement public sur ces secteurs, les difficultés à reconnaître l'innovation par les usages, et tant d'autres points qui restent à améliorer.
(...)

mercredi, novembre 02, 2011

Jonathan Zittrain : pourquoi les gens sont-ils gentils ?

J'avais raté cette intervention de Jonathan Zittrain. Elle est pourtant aussi essentielle que drôle.

Jonathan Zittrain est professeur de droit à Harvard, spécialisé sur Internet, la propriété intellectuelle, les biens communs, la censure, le filtrage du net, etc.

Il s'est beaucoup intéressé aux capacités cumulatives d'Internet, c'est-à-dire à la manière dont les gens ajoutent sans cesse des fonctionnalités qui autorisent elles-mêmes de nouvelles fonctionnalités, suscitent des propriétés émergentes et permettent, ce faisant, des développements qui n'étaient même pas imaginables au démarrage du projet. Il a ainsi lancé de nombreux projets collaboratifs et communautaires, comme le projet H2O ou l'OpenNet initiative, qui permet un suivi collectif de la censure sur Internet.

Son dernier livre, cependant, The Future of Internet and how to stop it (2008) était relativement pessimiste. Constatant l'émergence d'importants réseaux privés et fermés, comme les propose Apple, et de grandes plateformes centralisées et censurables, comme les proposent Facebook ou Google, il prédisait la fin d'un cycle de l'Internet et l'émergence de nouveaux monopoles.

C'est pourquoi cette conférence TED de 2009 est passionnante. D'une part, elle propose une approche joyeuse, et presque ludique, des mêmes questions, avec un étonnement central : ça ne devrait pas marcher, mais pourtant, ça marche.

D'autre part, sous une apparence anecdotique et pince sans rire, elle réussit le tour de force de repositionner avec simplicité tout ce qui fait le succès et l'importance d'Internet : l'architecture end-to-end, la décentralisation du routage, l'économie de la contribution, l'émergence de biens communs.

Regardez cette conférence, have fun, c'est passionnant.


vendredi, octobre 21, 2011

Nicolas Colin : Internet est un jeu d'enfants (billet invité)



Je discutais l'autre jour avec mon ami Nicolas Colin, le fondateur de 1x1connect, quand il a commencé à m'expliquer pourquoi on améliorerait les chaînes de valeur si on apprenait à se demander ce que comprendrait un bébé de notre produit. L'idée était séduisante, et je lui ai donc demandé s'il accepterait de la partager avec nous. D'où ce beau billet invité dont je le remercie.


"Mais considères-tu que les internautes ont trois ans d'âge mental ?" me demande un ami. Je commence par lui répondre que ce n'est pas infamant d'avoir trois ans d'âge mental ! Des chercheurs en ont apporté la preuve : l'intelligence des enfants, bien que différente de la nôtre, est considérable. Un adulte sait planifier, anticiper, se concentrer. Un enfant, lui, excelle dans l'art d'imaginer, d'explorer, de détourner, d'improviser, de s'approprier les objets et les événements de la vie quotidienne. Un adulte sait mettre en oeuvre les moyens nécessaires pour atteindre un but qu'il s'est fixé sous des contraintes d'efficience et d'efficacité – non sans rigidité. Un enfant, dans son apprentissage et sa découverte du monde, échappe plus facilement aux routines enfermantes et aux idées reçues – avec souplesse et agilité. En d'autres termes, un adulte est un bon exécutant, un enfant est un excellent innovateur.

Mais l'entrée dans l'âge adulte est-elle irréversible ? "La plus puissante des muses, c'est notre enfant intérieur" a un jour déclaré le musicien et improvisateur Stephen Nachmanovitch, rappelant cette idée commune : en chacun de nous sommeille un enfant, celui que nous avons été au début de notre vie, qui ne disparaît jamais tout à fait – et que nos expériences avec les services et produits du Web peuvent nous permettre d'éveiller à nouveau. Vous avez bien lu : les nourrissons et les petits enfants sont un excellent benchmark pour les professionnels du Web. Et c'est une contrainte vertueuse, pour les professionnels de la conception, du design et du marketing en ligne, que de se demander comment un enfant recevrait et s'approprierait leur proposition de valeur.

samedi, octobre 08, 2011

Steve Jobs au Panthéon ?


Hier soir, un ami, que je respecte énormément m’a envoyé la question suivante : 
« Que la mort d'un champion du marketing (Steve Jobs) soulève une telle émotion planétaire et des actes de dévotion (cf. les déclarations d'Obama, les comparaisons avec Martin Luther King, les manifestations jusqu'en France...), bien supérieurs à celle que provoquerait la mort de n'importe quel grand scientifique, penseur,  écrivain ou  politique, drôle de symbole du monde actuel, ne trouves tu pas ? Ca fait réfléchir...  ? »

Je ne partage pas du tout l’idée que Steve Jobs n’aurait été qu’un as du marketing. Et je ne trouve pas choquant qu’il accède au statut de "grand homme", à l’égal d’un grand chercheur ou d’un grand artiste.
Mais je trouve en même temps la question très légitime. Il est compréhensible qu’un esprit humaniste puisse prendre cette réaction unanime pour un symptôme supplémentaire de la marchandisation du monde. 
La question mérite d'être posée. Elle est d'ailleurs brillamment dans cet article de la Harvard Business Review qui nous rappelle que Ralph Steinman, l'un des trois lauréats du prix Nobel de médecine de lundi dernier est décédé la semaine dernière dans l'indifférence générale.

Je suis bien sûr ébahi et choqué par l’hystérie de certaines réactions. J’ai été estomaqué par les temples à Steve qui fleurissent devant les boutiques Apple, comme je l’ai vu tout à l’heure, à Londres. Et je pense comme l’a dit @loic qu’il n’aurait pas du tout aimé tout cela. 

Je ne suis pas non plus ignorant des graves questions que pose le pouvoir  croissant d’Apple : un système propriétaire, fermé, un contrôle drastique et unilatéral des contenus accessibles sur le AppStore, un quasi monopole sur la vente de musique en MP3 et surtout une stratégie dont j’ai parlé dans un autre article qui met Apple au rang de ces nouveaux géants barbares en position de s’imposer dans la course à la captation de l’initimité des clients et au monopole de la relation efficace. 
Apple, Google, Facebook sont tous trois en position de capter une part importante du web à leur profit, de le travailler dans le sens de leur seul intérêt. Ce n'est pas rassurant. Ce n’est pas le web que nous voulons.

Mais ces inquiétudes stratégiques, pas plus que ces débordements émotionnels, n'empêchent pas que Steve Jobs a été un « grand homme », un exemple pour beaucoup, qu’il a changé la vie des gens et que nous aurions beaucoup à apprendre de son oeuvre. L’honnête homme d’aujourd’hui ne doit plus seulement connaître les Vies de hommes illustres de Plutarque, il devrait aussi connaître et méditer la vie et l’oeuvre de créateurs de ce gabarit.

lundi, octobre 03, 2011

Presence : la réalité enrichie selon Facebook

Je parlais, dans mon dernier billet, de cet Internet qui sort désormais des écrans pour envahir la ville, et qui est en train de donner naissance à une nouvelle "vie numérique". Je pensais essentiellement à la réalité enrichie, aux prothèses, au corps enrichi, aux capteurs et senseurs disséminés dans la ville, au transport intelligent, à la géolocalisation, au design des objets et des interfaces, etc.

Mais j'aurais pu vous parler aussi des animations issues du projet Facebook Presence, qui, en marge des grandes keynotes, ont émaillé la dernière F8 conference de Facebook (le 22 septembre dernier, à San Francisco).

C'est Julien Nicault, le lead developer de Cinémur, représentant MFG-Labs à cette conférence (car nous étions mentionnés comme partenaires grâce à un beau travail réalisé autour de Cinémur et aux diligences de Julien Codorniou), qui a pu me les relater en détail et a aussi eu la gentillesse de me passer ses photos.

Je n'ai pas le sentiment que ces animations fondées sur Presence, certes un peu geek voire parfois un peu gadget, aient été relevées et relatées comme elles le méritent par la presse et la blogosphère.

Elles ont même été largement éclipsés par l'annonce de l'ouverture prochaine de la Facebook Timeline, et par celle des considérables extensions de l'Open Graph Protocol. Et il est vrai que ces deux annonces seront lourdes de conséquences, sur lesquelles nous reviendrons très prochainement. Pourtant, ils me semblent extrêmement intéressants, au minimum comme une indication de ce qu'est l'imaginaire de Facebook et de ses développeurs, et peut-être aussi comme indice de ce vers quoi tendent aujourd'hui la technologie et les usages.


jeudi, septembre 29, 2011

Le capital numérique de Paris


Le débat sur "la filière TIC française" et les moyens de la soutenir est reparti de plus belle, notamment sous l'impulsion de nombreux acteurs, dont le CNN, la filière STICE, le fameux rapport McKinsey ou encore la CCIP.

Régulièrement auditionné, je dois presque toujours commencer par déplacer le débat, pour rappeler que le numérique ne se limite pas à Internet, que le numérique n'est pas une filière industrielle parmi d'autres, que nous faisons face à une transformation économique et sociale globale, qui est d'ailleurs de plus en plus une compétition entre métropoles, et que chaque écosystème doit d'abord trouver son propre projet, sa propre vision, sans chercher à copier les autres.

Je sais que nous sommes tous d'accord sur ces points, mais il est bien difficile de traduire cette vision dans le langage des politiques publiques institutionnelles. Parce qu'il se passe bien quelque chose ici, dans la métropole parisienne, quelque chose qui dépasse largement tout ce qui pourrait être enfermé dans une simple filière industrielle.

Le numérique, au sens large, est un secteur porteur en France. Selon l'étude de McKinsey déjà citée, il est responsable de 25 % de la croissance française et de 25 % de la création nette d'emplois - pour les deux tiers grâce à la transformation des autres industries-. La France est le pays au monde constatant le plus fort revenu logiciel par habitant. Nous sommes par exemple le seul pays à part les US dont la balance commerciale des applications I-Phone soit positive.

Paris, "Europe's hottest startup capital"
(c'est le titre d'un article de Wired UK cet été).

La métropole parisienne, qui rassemble plus de la moitié de la recherche, de l'investissement et de l'emploi est le moteur de ce succès français.

Régulièrement classée comme première ou deuxième ville la plus innovante au monde, reconnue par l'Europe comme la région la plus dense en emplois dans les TIC (plus de 15% des emplois), elle est objectivement l'une des quatre ou cinq régions mondiales qui pèsent en matière de création numérique.
On ne parle pas seulement ici d'un potentiel. A l'évidence, la France a vu naître les plus belles startups mondiales non américaines : Critéo, Jolicloud, Netvibes, Dailymotion, Price-Minister, Deezer, Exalead et beaucoup d'autres sont là pour en témoigner. Et j'en omets beaucoup, des célèbres, mais aussi celles de la jeune garde qui arrive.

jeudi, septembre 22, 2011

L'algorithme du mémorial du 11 septembre

Il y a deux semaines, nous avons partagé  la conférence de Kevin Slavin sur la manière dont les algorithmes façonnent désormais concrètement le monde. Le monde physique, je veux dire.

Je viens aujourd'hui de découvrir, grâce à une intervention de la Strata conference, une illustration insoupçonnée, et assez profonde, de cette thèse.

Au cours des cérémonies de commémoration du dixième anniversaire des attentats du World Trade Center, nous avons tous vu, à la télévision, des images du mémorial du 11 septembre.

Personnellement, j'ai été frappé par sa simplicité dépouillée, et par son adéquation avec la fatalité du destin des victimes de l'attentat. Ces chutes d'eau ininterrompue rappellent à la fois le mouvement de l'effondrement des tours, que personne ne peut oublier, et fait méditer sur la vie, et la mort, de toutes ces victimes. Sur l'inéluctabilité et la fatalité de leur destin à partir du moment où les avions ont frappé les tours.

Nous avons également vu de nombreuses images de familles à la recherche du nom d'un proche parmi la liste qui entoure le monument, et le recueillement devant ce nom.

Je ne me doutais pas, en revanche, de la complexité du développement algorithmique qui avait présidé à la répartition de ces noms et des raisons profondes qui avaient présidé à cette organisation.
...


lundi, septembre 05, 2011

Kevin Slavin et la physique de la culture

Je vous parlais il y a un an du High Frequency Trading et de sa probable contribution au mini krach (9% de perte de valeur boursière) qui avait frappé Wall Street en moins de deux minutes le 6 mai 2010.

Cette remarquable conférence TED de Kevin Slavin (le fondateur de Area/Code, racheté par Zynga) reprend cette question de manière passionnante, profonde et un peu inquiétante. Car quand il dit que les algorithmes façonnent le monde, il ne parle pas en Pythagoricien. Il parle bien de terraformation. Quand il parle de physique de la culture, il parle bien de physiciens de la guerre froide qui décident aujourd'hui des films que vont produire Hollywood.

Regardez plutôt...


Allez, bonne rentrée à tous. Et pour vous remonter le moral, ne ratez pas cette belle interview de Michel Serres, qui nous rend bien plus optimistes sur l'avenir de nos petites poucettes.

lundi, août 22, 2011

Henri Verdier's Homepage

J'ai décidé de créer un deuxième blog, destiné à recueillir les articles de presse, interviews ou autres, qui me sont consacrés mais ne justifient pas forcément un billet complet sur ce blog.

C'est la Henri Verdier's homepage.

Voilà, c'est dit.

jeudi, août 18, 2011

Rebecca MacKinnon et le "consentement des connectés"

Rebecca MacKinnon est journaliste, essayiste et militante. Elle a dirigé le bureau de Shanghaï, puis le bureau de Tokyo de CNN.
Elle collabore aujourd'hui avec de nombreuses fondations et est membre du board de la Wikimedia Foundation.

Rebecca a donné le mois dernier une TED conférence sur la liberté d'Internet.

C'est une intervention essentielle par sa simplicité et sa profondeur. Rebecca MacKinnon ne nous parle pas ici de "code as a law", de netneutralité, de censure technologique, de deep packet inspection ou autres concepts ardus. Mais visiblement elle les connaît bien.
Elle nous en parle, simplement, à travers quelques exemples extrêmement faciles d'accès.

Jugez-en vous-mêmes.


mardi, août 02, 2011

#Debtceiling : le tweetclash d’Obama a-t-til été une bonne opération ?


Comme je l'évoquais dans mon dernier billet, le débat sur la dette US a permis à Obama d’innover, une fois encore, en matière de communication politique, en organisant le plus grand Tweetclash de l’histoire.

Un à un, plus de 100 représentants Républicains au Sénat et au Congrès se sont vus interpeller devant plus de 9 millions de followers, qui ont pu à leur tour relayer le message.

Alors qu'un accord a été scellé hier soir, est-il possible d’évaluer la contribution de cette démarche à la résolution de la crise ? Est-il possible d'en tirer d'autres leçons en préparation de 2012 ?

Certes, ce n'est pas encore sur Twitter que se noue l'essentiel du débat politique. Cette crise a mobilisé l'ensemble des médias américains, et a lancé, aux Etats-Unis, un véritable débat national. Mais il est quand même intéressant d'analyser la séquence Twitter de cet immense affrontement.

samedi, juillet 30, 2011

Crise de la dette : le TweetClash Géant d'Obama

Il y a quelques jours encore, je déplorais devant quelques amis le fait que nous ne voyons émerger aucune innovation stratégique ou tactique dans la campagne 2012.

L'échec des créateurs des possibles, et la relative atonie de la Coopol, ayant souffert, pour l'un de sa conception initiale, et pour l'autre du budget consenti, semblaient avoir bridé les imaginations.

Et pourtant, nous avons assisté hier soir à une véritable première en matière de communication politique.

Au moment où la crise de la dette atteint son acmé, et où il semble même impossible que les Etats-Unis réussissent à se mettre d'accord avant lundi, Barak Obama vient encore d'innover en lançant un TweetClash géant.

Fort de plus de 9 millions de followers sur Twitter (c'est l'un des comptes les plus suivis au monde), Obama a lancé une tentative de mobilisation de masse des twittonautes, en leur demandant d'interpeller les représentants républicains au congrès.

Comme ceci :



Barack Obama 
Wyoming voters: Tweet  and ask him to compromise on a balanced deficit solution.


jeudi, juillet 28, 2011

Web social : y a-t-il un tipping point où l'opinion bascule ?

La blogosphère et la twittosphère bruissent d'un article récemment publié dans la Physical Review, intitulé Social consensus through the influence of committed minorities.

En fait, plus que l'article lui-même, c'est le communiqué de presse qui l'accompagne qui a lancé le buzz (plus de 80.000 occurrences au bout de deux semaines). Intitulé Minority rules: Scientists discover tipping point for the spread of ideas, il suggère que l'étude aurait mis en évidence un point d'inflexion constant : quand une conviction devient partagée par 10 % de la population, elle est très rapidement adoptée par l'ensemble de la population.


Il n'est pas indifférent, je crois, de constater que le communiqué de presse provient du SNARC (Social Cognitive Networks Academic Research Center) du Rensselaer Polytechnic Institute, et que celui-ci ait reçu une dotation de 16,75 millions de dollars de l'armée US pour étudier ces questions. Les Etats-Unis semblent tirer plus rapidement que nous les conséquences de leur mauvaise anticipation des révolutions arabes, et souhaitent se diter de solides outils d'analyse de l'opinion...
Le fund raising est un véritable art, de ce côté de l'Atlantique.



Cette idée de tipping point, d'un certain point de vue et dans certaines circonstances, rencontre le sens commun. Elle est sans doute très prédictive pour certains phénomènes de mode. On imagine bien que c'est comme ça que certaines destinations touristiques deviennent tout d'un coup incontournables pour les Russes tandis que d'autres deviennent des must pour les Allemands.
On comprend donc le buzz, et on a envie d'en savoir un peu plus.

Je me suis donc un peu penché sur cet article. Je le trouve passionnant, mais pas du tout dans le sens où le communiqué de presse semble le suggérer. Une petite analyse s'impose.

lundi, juillet 25, 2011

7 sondages mondiaux par minute

Je viens de tomber par hasard sur cette belle infographie

60 Seconds - Things That Happen On Internet Every Sixty Seconds
Infographic by- Shanghai Web Designers

Elle nous vient de Dubaï...
Elle nous montre, avec des chiffres récents, l'emprise incroyable qu'a pris Internet dans la vie quotidienne de la planète. 600 nouvelles vidéos par minute sur Youtube, 100.000 tweets, 13.000 ventes d'applications I-Phone... On le sent bien, mais ça fait toujours du bien d'avoir des chiffres actualisés.

Ce qui m'a frappé, tout comme Milan Stankovic, qui l'a relevé sur Twitter, ce sont deux chiffres étrangement similaires.
Presque 700.000 recherches par minute sur Google. Presque 700.000 modifications de statuts par minute sur Facebook.

mercredi, juillet 20, 2011

L'effet Figaro (les trois premières heures de l'affaire #DSK)

(Reprise et développement du billet initialement publié sur le blog MFG-Labs)

Je suis souvent frappé par la pauvreté des modèles implicites d'analyse de l'opinion. La plupart des commentateurs nous parlent des "influenceurs" et des "passeurs" d'opinion, comme s'ils commentaient la diffusion d'une circulaire ministérielle dans une administration...

Quelle pauvreté quand on compare ce discours au célèbre texte de Beaumarchais sur la calomnie :
D'abord un bruit léger, rasant le sol comme une hirondelle avant l'orage.... telle bouche le recueille, et, piano, piano, vous le glisse en l'oreille adroitement ; le mal est fait : il germe, il rampe, il chemine, et, rinforzando, de bouche en bouche, il va le diable ; puis tout à coup, ne sais comment, vous voyez la calomnie se dresser, siffler, s'enfler, grandir à vue d'oeil ; elle s'élance, étend son vol, tourbillonne, enveloppe, arrache, entraîne, éclate et tonne, et devient un cri général, un crescendo public, un chorus universel de haine et de proscription...

C'est pourquoi nous cherchions, chez MFG-Labs, un modèle nous permettant d'analyser la propagation d'une information.

L'affaire #DSK nous a fourni le parfait modèle. C'est un scoop bien daté, facile à tracer, facile à monitorer, qui a enflammé la twittosphère en quelques heures. L'équipe de MFG a donc choisi d'extraire tous les tweets des 14 et 15 mai dernier traitant de cette affaire, et de regarder ce qu'on pouvait en apprendre concernant la diffusion d'une opinion.

Nous ne sommes certes ni les premiers ni les seuls. Mais il m'a semblé intéressant de partager avec vous quelques observations et quelques questions, qui montrent tout le chemin qui reste à faire pour réellement apprendre à interpréter cette masse de données désormais disponibles sur les réseaux.

Il n'est pas très difficile d'extraire tous les tweets sur un sujet donné, et éventuellement d'en retracer le graphe dynamique.

Reste à savoir comment les représenter.

jeudi, juillet 14, 2011

Le graphe secret de Google +


Le web social a transformé notre monde, et Google + (avec 10 millions d’utilisateurs en deux semaines) est bien destiné à en devenir l’un des géants. Or, avec Google +, le web social vient de changer de trajectoire.

Tous les réseaux sociaux s'approprient les informations qu’on y partage et les relations qu’on y établit. Cette capacité à nous « profiler » était intégrée. On essayait de la contrôler tant bien que mal en choisissant les informations qu’on publiait ou non.

Cette paix armée vient d’être rompue.

Elle est rompue par  la puissance de monitoring d’un réseau social qui connaît aussi mes activités « non sociales » comme par exemple mes recherches en ligne, mes amis blogueurs, les lecteurs de mon blog, les destinataires de mes mails, et qui maintenant connaît la structure profonde de mon réseau social et la nature des échanges qui s’y produisent.

Mais surtout, elle est rompue par la production par les autres d’un savoir constitué à mon insu, et sa maîtrise par Google. Un savoir dont je ne sais rien.

Je parle, naturellement, des cercles.