Je n’avais pas encore pris le temps de voir The Social Network, de David Fincher. Pourtant, j’étais le coeur de cible naturel : un film sur l’aventure Facebook scénarisé par Aaron Sorkin – le créateur de The West Wing quand même. C’est dire si j’ai peu le temps d’aller au cinéma.
Un long trajet en avion m’a permis de le voir enfin. Et à ma grande surprise, je n’ai pas du tout vu le film qu’on m’avait annoncé.
Les amis m’avaient dit : « pas mal, va le voir ». Mais ils n’avaient pas l’air si chauds que ça.
La presse et le discours ambiant en faisaient surtout l’histoire d’un type sans foi ni loi, qui avait trahi tous ses amis pour devenir milliardaire. D’autres parlaient de ce gars, un peu nerd, qui avait développé un site pour mieux draguer les filles, et qui était devenu « milliardaire malgré lui » (ce qui est d’ailleurs le titre du livre ayant inspiré le film).
J’ai vu au contraire un film consacré à l’art et la manière de changer le monde avec le numérique, et au prix à payer pour y parvenir. Tellement centré sur ce sujet qu’il en devenait même parfois un peu didactique, voire pesant.
Fondamentalement, The Social Network me semble être construit en trois actes, qui montrent les trois renoncements consentis par Mark Zuckerberg. Trois trahisons, peut-être, mais de lui-même bien plus que des autres.
- Il y a d’abord le renoncement à l’ordre ancien. Approché par des gosses de riche, nantis et éduqués, membres des meilleurs clubs et excellents à l'aviron, qui lui proposent, avec un brin de condescendance, de développer une sorte de Who’s who de Harvard, il envisage (ou feint) de les aider, avant de lancer son propre service. Il renonce de ce voie à la carrière toute tracée au sein de l’ancienne élite, de ses méthodes, de ses valeurs et de sa vision de l’ordre social. De manière très significative, ses comparses commencent par refuser de l’attaquer en justice (parce que ce n’est pas « gentleman », puis décident de le faire lorsqu’ils réalisent que même les gentlemen anglais commencent à utiliser Facebook.