samedi, décembre 08, 2012

Direction Etalab


Le Premier ministre a annoncé jeudi qu’il me confiait la direction d’Etalab, le service en charge de l’ouverture des données publiques, responsable notamment du portail Data.gouv.fr. J'y travaillerai auprès de Jérôme Filippini, le Secrétaire général pour la modernisation de l’action publique. Nous travaillerons en particulier étroitement avec Marylise Lebranchu, Ministre de la réforme de l'Etat, de la décentralisation et de la fonction publique, et avec  Fleur Pellerin, ministre déléguée chargée des petites et moyennes entreprises, de l'innovation et de l'économie numérique, 
J’ai accepté avec fierté cette belle mission. Je crois profondément que l’open data et le « gouvernement comme une plateforme » sont aujourd’hui les meilleurs moyens pour améliorer l’efficacité de l’Etat, renforcer la démocratie, mais aussi pour soutenir l’innovation et la croissance économique dans notre pays. Je crois aussi qu'à l'Age de la multitude, le contrôle de l'ouverture de ses propres données fait partie intégrante d'une stratégie de souveraineté.

lundi, décembre 03, 2012

Connais-toi toi même (petite philosophie du #QuantifiedSelf )

Cela fait un bon moment que je voulais vous parler du livre de mon vieil ami, Emmanuel Gadenne : Le Guide pratique du Quantified Self, Mieux gérer sa vie, sa santé, sa productivité, publié par l'excellent FYP éditions (éditeur de référence des think tank et des explorateurs du numérique...).
Outre qu'il vient d'un formidable village lorrain, Emmanuel Gadenne, consultant dans une grande société de conseil et de service technologique, est un explorateur méthodique et obstiné de la révolution numérique en cours.
Avec les Explorateurs du web (où l'on retrouve plein d'autres amis), il a travaillé avec rigueur des questions essentielles comme le microblogging, les monnaies libres, la géolocalisation ou le twinome...
Il anime le blog Webusage, consacré lui aussi à l'émergence de nouvelles pratiques et de nouveaux arts de vivre.

Passionné par le Quantified Self, il a créé la branche parisienne de ce mouvement mondial avec, entre autres, Christophe Ducamp ou Olivier Desbiey...

jeudi, novembre 15, 2012

Le numérique dévore le monde : la présentation

Je devais conclure aujourd'hui la première matinée de travail de la conférence sur "L'homme dans son environnement numérique"organisée par le CESE, l'Académie des technologies et le conseil général de l'économie, de l'industrie, de l'énergie et des technologies.

La journée avait été conçue autour de changements de société ("l'homme connecté sait-il tout ?", "Santé : que sait le patient ? que sait le médecin ?", "Ville : comment la ville s'ouvre-t-elle au citoyen numérique ?"). J'ai pourtant choisi de parler de stratégie industrielle, car je crois qu'il faut aussi savoir que cette grande métamorphose économique et sociale a des leaders, qui ont des agendas. J'ai donc choisi de m'inspirer du billet de Nicolas Colin "Le numérique dévore le monde... depuis les Etats-Unis", qui réinterprète lui-même librement la célèbre tribune "Why Software is eating the World ?" confiée par Mark Andreessen au Wall Street Journal il y a un an.
Il faut absolument lire ce texte de Mark Andreessen et celui de Nicolas...
Je voulais en effet rappeler que la révolution que nous vivons est d'abord une révolution d'entrepreneurs (terme qui, pour moi, inclue toutes les formes d'entrepreneuriats, y compris hors du champ de l'entreprise), et que nous ne pouvons pas prétendre la penser sans analyser d'(abord leurs objectifs et leurs méthodes...

mardi, novembre 13, 2012

Sculpteo et Netatmo récompensés au CES : pourquoi c'est important...


Cocorico.
On a appris hier soir que Sculpteo allait recevoir l'un des Best of innovations awards du Consumer Electronic Show qui se tiendra à Las Vegas dans deux mois, et que la jeune société Netatmo allait pour sa part remporter trois innovation awards. Il y a donc des entreprises françaises qui gagnent des prix dans le temple des Samsung, des Sony et des LG electronics. Le CES, c'est le festival de Cannes de l'électronique grand public. Plus de 100.000 innovations chaque année et près de 200 prix.
Après la déroute de notre électronique grand public, des startups relèvent le gant.

Sculpteo, qui fabrique et commercialise une de ces fameuses "imprimantes 3D" avec laquelle on peut produire n'importe quel objet par injection de plastique, a été fondée par Clément Moreau et Eric Carreel. Eric est par ailleurs le fondateur d'Inventel (dont la technologie fut stratégique dans l'aventure de la Livebox d'Orange), rachetée par Technicolor. Eric Carreel a aussi lancé Withings (la balance, le tensiomètre...) et Invoxia (qui avait remporté un Best of innovations award en 2012). Son imprimante 3D était présentée au dernier Futur en Seine (merci à Silicon.fr pour la photo).


Netatmo vous est peut-être moins familière, mais elle ne tardera pas à le devenir. Elle vient de recevoir trois innovation awards au même CES 2013 (catégories "santé bien être", "technologie pour un monde meilleur" et "appareil domestique"). La société n'a qu'un an et son produit n'est disponible que depuis deux mois. Netatmo fabrique et commercialise des stations météorologiques, indoor et outdoor, avec suivi de différentes paramètres de pollution.

jeudi, novembre 01, 2012

Les big data, c'est pas que pour la pub


La promesse du big data, que nous avons souvent évoquée sur ce blog, est bien trop souvent traduite dans les faits en techniques de ciblage marketing. C'est compréhensible quand on voit les succès de Critéo, Google, ou des moteurs de recommandation d'Amazon ou de Netflix. Mais c'est aussi un appauvrissement de ce que l'on pourrait attendre de la naissance des Datasciences.

Quatre jours d'immersion à Boston puis New-York, avec les amis du Orange Institute, m'ont heureusement permis de rencontrer des projets d'une toute autre envergure, qu'il s'agisse des réflexions du Medialab sur la Feedback economy ; de la conception, ici ou là, de nouveaux services en matière de santé, de transport ou d'énergie ; ou d'autres approches, plus globales, de ces données désormais ambiantes. J'ai notamment découvert deux passionnants projets au service de l'intérêt général, l'un porté par l'ONU, l'autre par la Mairie de New-York.

mercredi, octobre 17, 2012

Aperçus sur l'écosystème numérique français

Nous avons tenu hier, à l'Assemblée nationale, une intéressante rencontre du Collectif du numérique et des parlementaires.
L'occasion pour nombre d'entre nous de retrouver quelques-uns des députés et sénateurs qui s'intéressent réellement à nos enjeux : Corinne Ehrel, Laure de la Raudière, Jean-Louis Gagnaire, Michel Aslanian, Lionel Tardy, Thomas Thévenoud et la découverte du jour, le sénateur André Gattolin.

C'est Fleur Pellerin qui a ouvert le colloque, avec une intervention centrée sur le programme numérique présenté la semaine dernière en conseil des ministres, avec notamment un développement appuyé sur la souveraineté numérique et sur les transformations du travail.
Puis elle revint sur le fameux article 6 du projet de loi de finances 2013, pour rappeler que le projet de loi de finances avait d'emblée marqué son engagement auprès des PME et des PME innovantes (notamment à travers le maintien des dispositifs JEI et CIR - qui sera même élargi à l'innovation), pour confirmer les amendements gouvernementaux déjà annoncés (restauration de la fiscalité actuelle pour les entrepreneurs et les capitaux risqueurs moyennant une certaine durée de détention et le respect de certains seuils), mais aussi pour défendre le principe de la concertation avec les entrepreneurs et de l'amélioration d'un texte qui aurait eu, sans cela, des conséquences économiques catastrophiques (ceci en réponse à certaines contestations à gauche). Le Parlement va maintenant commencer son travail, et de nombreuses évolutions, dans les deux sens, restent possibles. La vigilance reste de mise.

jeudi, octobre 11, 2012

L'impôt sur les sociétés doit intégrer une analyse du risque

Le débat sur le projet de loi de finances 2013 n'est pas fini. Un grand nombre de Français s'y intéressent. Partout, de grands débats semblent s'ouvrir sur le type d'imposition qui serait juste. L'argument économique, que je proposais dans mon dernier billet, n'intéresse visiblement pas beaucoup. On voudrait savoir ce qui fonde la justesse d'un taux d'imposition sur les dividendes et sur les plus-values.
Et il me semble que l'on bute toujours sur la même question : la difficulté à asseoir le raisonnement sur le risque. Regardez par exemple le débat qui a opposé Marie Ekeland, coprésidente de l'association France Digitale, et la députée socialiste Karine Berger vendredi dernier. La première souligne l'aléas considérable que représente un investissement dans une jeune pousse, et la seconde lui oppose l'espérance de gains qui justifie cet investissement.



Alors que je lui parlais de ce petit échange, mon ami Jean-Michel Lasry m'a rappelé un concept qui, me semble-t-il, éclairerait très utilement le débat : le rendement du capital corrigé du risque. De manière amusante, il a été forgé dans le monde des banques de marché dans les années quatre-vingt-dix pour mettre fin aux pratiques incontrôlables de certains traders.

lundi, octobre 08, 2012

Fiscalité des investissements : une question de politique industrielle

Le débat sur la loi de finances 2013 s'enlise dans des considérations de plus en plus politiciennes, voire dans une sorte de morale (où est le bon argent ? Le mauvais ? Le bon bénéfice ? Le mauvais ?). C'est dommage, pour une question qui devrait être avant tout industrielle...
Car la question centrale, il me semble, est de savoir si le "redressement productif" espéré pour la France est possible après une telle taxation des gens qui portent le risque d'innovation, qu'ils soient entrepreneurs, salariés de startups ou ceux qui financent cette prise de risque et cette croissance.

Peut-on surmonter le choc fiscal qui se prépare sans un surcroît d'innovation et donc sans un surcroît d'audace et de prise de risque ?
Je ne le pense pas. 
Et c'est pourquoi il y a maintenant urgence à poser le débat dans les seuls termes qui comptent vraiment sur cette question : les termes de la politique industrielle.


Différentes études, que connaît bien le ministère du redressement productif, montrent que les entreprises bénéficiant d'apports en capitaux et en expertise des business angels et fonds d'investissements ont des taux de croissance en emplois environ 50% supérieurs aux autres PME. Si l'on considère en outre que ces entreprises très petites (unipersonnelles, auto-entrepreneurs, etc) ont une productivité moindre que les entreprises de taille plus importante (car la productivité connaît des effets d'échelle), on commence à deviner l'impact de cette forme de financement. 
Or, si nous avons trois fois moins d'entreprises moyennes que l'Allemagne (ce qu'on nous a tellement rappelé pendant la campagne présidentielle), nous avons aussi deux fois plus de très petites entreprises que notre voisin. C'est là le problème de notre système économique : comment faire grossir ces très petites entreprises.

jeudi, octobre 04, 2012

Retour de Bercy

Medef, Syntec, Croissance Plus, Cap Digital, Systematic, France active, Afic... en tout, une vingtaine d'associations et d'entrepreneurs étaient donc reçus aujourd'hui, à l'Invitation de Pierre Moscovici, Jérôme Cahuzac et Fleur Pellerin pour échanger sur les dispositions controversées du projet de loi de finances 2013.

Le plus impressionnant, à mon avis a été l'unanimité avec laquelle les participants ont récusé l'idée selon laquelle les revenus de cession d'une entreprise pourraient être analysés comme un revenu du capital. "Notre travail n'est pas un placement financier, nos résultats ne sont pas une rente" ont dit de nombreux participants.

Après une heure trente d'entretien, le Ministre de l'économie et des finances et le ministre du budget ont annoncé un ensemble de mesures allant dans le bon sens. Elles sont détaillées dans la presse, pas besoin de trop les développer dans ce blog. Pour aller à l'essentiel :
- la taxation (ils disent "prélèvement libératoire") sur les plus-values de cession restera de 19 % (comme aujourd'hui) pour les entrepreneurs qui auront conservé leurs titres 5 ans ;
- les revenus de cession réinvestis dans un nouveau projet seront intégralement défiscalisés, de même que les revenus des entrepreneurs partant à la retraite ;
- le projet de loi de finance de la sécurité sociale sera amendé au parlement pour que le "carried interest" des capitaux risqueurs (le carried interest, pour faire simple, c'est le fondement de la rémunération des partenaires d'un fond d'investissement) ne soient pas comptabilisés en salaire (et donc pas assujettis aux charges sociales et patronales).

De l'Open Data à l'Open government : les percées de l'administration Obama


C’est Tim O’Reilly qui a lancé l’expression.
En 2009, cinq ans après avoir forgé et popularisé l’expression « web 2.0 », il organisa à Washington le « Gov 2.0 summi», série de conférences traitant de questions aussi diverses que : la manière dont l’État pourrait s’approprier le cloud computing ; les stratégies de création de plateformes ; le concept de nation digitale ; l’usage des données massives pour améliorer le système de santé et en réduire les coûts ou plus généralement la conduite du changement. Bref, il lançait l'agenda de l'Open government.

Au cours de cette rencontre, qui fut reconduite en 2010, émergeait une forte conviction : les technologies, les méthodes et plus encore les valeurs de la révolution numérique fournissent d’infinies ressources pour améliorer l’efficacité et la transparence de l’action publique.
Dans un article sur Techcrunch, Tim O’Reilly résumait ainsi le fond de son analyse : «Le véritable secret de l’État 2.0 est de penser l’État comme une plateforme. S’il est une chose que nous avons apprise des industries technologiques, c’est que tous les grands gagnants ont été des entrepreneurs de plateformes : des personnes dont le succès en a soutenu d’autres, qui se sont construits sur leur travail et en ont multiplié l’impact»
Il y a, comme toujours avec Tim O’Reilly, une composante de storytelling. Mais il est intéressant de le prendre au mot, et de chercher si nous pouvons observer, concrètement, de véritables inflexions des politiques publiques. Après tout, la révolution numérique a transformé bien des pratiques individuelles et collectives. Elle a bouleversé sous nos yeux bien des organisations. Pourquoi ne ferait-elle pas évoluer l’État lui-même ?
Et c'est là que nous devons reconnaître le caractère innovant de l'administration Obama.

mardi, octobre 02, 2012

Pourquoi je ne veux pas être un pigeon



L'économie numérique, le monde des entreprises innovantes, la blogosphère, Facebook et la twittosphère sont en ébullition.

Le projet de loi de finances 2013 comporte une sacrée bourde (le résumé des dispositions fiscales est ici).

Il prévoit en effet, comme l'avait annoncé le candidat Hollande, d'aligner la fiscalité des revenus du patrimoine sur la fiscalité du travail, et donc de créer une tranche supérieure à 45 % sur les plus-values (taxés aujourd'hui à 32 %). Ce qui, avec la CSG et la RDS, pourrait atteindre un prélèvement de 60 % sur les tranches supérieures dans certains cas.
Conscient de l'impact sur le financement des entreprises, Bercy a déjà réalisé quelques aménagements à cette règle : défiscalisation progressive pour le créateur d'entreprise détenant ses parts sur une longue durée ; allègement fiscal pour l'entrepreneur qui part à la retraite ou pour l'investisseur qui réinvestit 80 % de ses gains dans un nouveau projet.
A bien y regarder, il y a même des mesures favorables aux entrepreneurs qui lèvent leurs options sur les actions. 


Pour autant, le projet, s'il devait demeurer en l'état, resterait économiquement néfaste :
- il comprend quelques bourdes de rédaction (le compteur pour la détention longue durée des parts serait remis à zéro au 1 janvier 2013) ;
- il omet le cas des entreprises d'hypercroissance (a votre avis, où vont se domicilier les fondateurs de Criteo, qui est passée en 6 ans de 0 à 250 millions d'euros de CA, qui est revenue en France, qui a créé 750 emplois ultra qualifiés et prépare son entrée en Bourse ?) ;
- et surtout, il semble confondre complètement les modèles économiques du Venture capital, des fonds d'investissements et de la finance traditionnelle, et de ce fait ignorer les modes de rémunération du capital-risque.

Nous devons donc travailler proprement dans les trois mois qui viennent (c'est la durée de l'élaboration complète d'une loi de finances, et le texte qui sort de ce long processus est généralement très différent du texte initial). Et le faire en tenant compte de la mécanique parlementaire, et du jeu des amendements et des navettes parlementaires. Il y a bien des entrées dans ce texte auxquelles on pourrait accrocher de nettes améliorations.

Personnellement, je pense que l'ensemble du projet devrait être refondé sur d'autres bases, et s'articuler autour de trois idées fortes :
1- le choc de rigueur en cours exige un choc d'innovation d'une ambition au moins aussi grande. La rigueur sans conquête de nouveaux marchés, c'est la récession ;
2- Les succès des entrepreneurs qui revendent doivent être analysés comme les revenus exceptionnels des sportifs (il ne s'agit pas d'un revenu récurrent mais d'un résultat rare, - exceptionnel - qui se prépare pendant toute une carrière) ;
3- S'il est bien une priorité pour les politiques industrielles, ce devrait être de faire naître en France une industrie du capital-risque prospère et puissante, et rien n'est trop beau pour attirer les talents mondiaux de ce métier vers notre écosystème (comment ne pas être alarmé de constater que la Silicon Valley - 7 millions d'habitants - investit chaque année 500 fois plus d'argent en venture capital que toute la France ?)

lundi, septembre 24, 2012

(billet invité) Alain Cadix et l'innovation conceptuelle

J'ai le plaisir d'accueillir aujourd'hui un beau texte d'Alain Cadix, directeur de l’Ecole nationale supérieure de création industrielle 
(ENSCI  - Les Ateliers) et  administrateur  général de  Paris Novi Mundi.

La place du design dans l'innovation d'aujourd'hui me semble essentielle. Il joue un rôle moteur dans la nouvelle révolution industrielle en cours. Le regard humaniste et rigoureux d'Alain est essentiel pour en comprendre la portée.



R & D veut désormais dire « Recherche et Design »…


Face aux enjeux majeurs de notre temps, sociétaux et environnementaux, sociaux et économiques, l’innovation est mise en avant à tous les niveaux de la sphère publique comme de la sphère  marchande. Or la France n’est pas bien située dans les classements internationaux en matière d’innovation. Sa créativité à cet égard semble émoussée. Les outils classiques (aides, crédits d’impôt), bien que largement utilisés, semblent  perdre en efficacité.  Dans  la  situation  préoccupante où nous nous trouvons, il nous faut donc innover en innovation, je veux dire emprunter des voies nouvelles  pour faire émerger ces innovations qui modifient les règles du jeu concurrentiel et qui répondent à des attentes, exprimées ou latentes, de la société et des marchés.

Pour les innovations incrémentales, graduelles,  ou pour la mise au point finale d’innovations plus radicales, le recours à l’usager co-concepteur, amateur, contributeur, est une voie possible, souvent mise en avant, inégalement pratiquée.

Mais l’innovation dont nous avons le plus grand besoin aujourd’hui est conceptuelle, c’est à dire fondée sur de  nouveaux paradigmes économiques et sociaux, de nouvelles façons de penser, de faire, d’organiser, de commercialiser, en rupture avec bien des pratiques dominantes. Les concepts nouveaux qui la sous-tendent naissent de la rencontre de cultures différentes. Les croisements de la philosophie, des arts, des sciences, des métiers, en sont une source potentielle* ; beaucoup plus que ne l’est la seule écoute des marchés  – qui  n’ont jamais révélé de capacité d’imagination radicale, depuis la lampe à incandescence de Swan et Edison jusqu’à l’iPhone de Steve Jobs –.

vendredi, septembre 07, 2012

Boullier contre la Multitude

Lorsque la rédaction d'Internet Actu m'a annoncé une critique radicale de L'Age de la multitude par Dominique Boullier, je m'en suis tout d'abord félicité. 

Bien sûr, les auteurs sont toujours satisfaits quand leur livre rencontre une très bonne réception dans la presse et le public. Mais Nicolas et moi avons en même temps parfaitement conscience d'avoir soulevé des problèmes énormes et laissé de nombreuses questions ouvertes, voire proposé des thèses sujettes à controverse. Nous aimerions approfondir ce travail grâce à un dialogue critique et constructif.
Dominique Boullier étant en outre un chercheur sérieux, cofondateur du laboratoire LUTIN, coordinateur scientifique du Medialab de SciencesPo, le débat s'annonçait donc passionnant.

Quelle ne fut donc pas ma surprise de découvrir un texte rageur, imprécateur, parfois confus et contradictoire, frôlant souvent le contresens plus ou moins volontaire, et sur lequel il est bien difficile de contre-argumenter. Je vous laisse en juger par vous-même.

Certains procédés sont même franchement regrettables. Exemple amusant : chaque thèse de notre livre qui ne convient pas à Monsieur Boullier est présentée comme une "affirmation" (donc fragile et non démontrée), alors que nous "concédons" ou "reconnaissons" (à regret sans aucun doute) les idées que l'auteur partage. Les expressions entre guillemets (comme "dans la pomme, tout est bon") ne sont pas des citations du livre, mais au contraire des formules inventées par l'auteur.
Certaines affirmations sont même des contrevérités flagrantes : dire que nous cherchons à dépolitiser la question, alors que nous écrivons en toutes lettres que "Internet est un projet politique" et que nous développons longuement le fameux "code is law" de Lessig ; dire que sommes dupes de toutes ces startups qui veulent "changer le monde", alors que nous expliquons au contraire à quel point c'est une méthodologie pour rechercher la disruption et donc le succès économique ; analyser notre appel à l'enseignement du codage comme un effet de mode alors qu'il est au coeur de l'émancipation de l'individu ; dire que nous n'avons pas vu le lien entre le numérique et la finance, etc.
De manière intéressante, des passages entiers du livre - ceux qui ne rentrent pas dans les catégories mentales du critique - sont tout simplement oubliés (le long développement sur le design, par exemple). Je ne prends pas non plus la peine de relever les tentatives de déqualification des auteurs : nous avons lu les livres que nous voulons, nous avons le droit de contribuer au débat, et les chercheurs de Sciences Po n'ont pas le monopole de l'intelligence.
Si des raccourcis nous sont reprochés, on pourrait d'ailleurs en soulever d'aussi importants (créer une catégorie générique appelée "la finance", mêlant indifféremment les venture capitalistes, la bourse, les fonds de pension, ou penser que Facebook estime avoir échoué parce que son entrée en bourse a été surévaluée, est d'une naïveté intellectuelle confondante).

Il m'a donc fallu plusieurs lectures pour comprendre ma difficulté à répondre à cette attaque en règle : elle vient en fait de ce que la critique entremêle de registres bien différents et ne cesse de passer de l'un à l'autre.
Certaines attaques sont clairement corporatistes (nous ne respecterions pas assez la recherche académique française, et d'ailleurs, les pôles de compétitivité ne le feraient pas non plus - ce qui est paradoxal quand on sait la part prise par Cap Digital dans le financement du LUTIN comme du Medialab de Sciences Po -). D'autres sont civilisationnelles (nous nous serions coulés dans un moule américain et ne respecterions pas assez le vieux continent), d'autres sont méthodologiques (pas conforme aux standards des publications en sciences sociales), d'autres sont clairement politiques ou idéologiques (nous ne nous insurgeons pas assez contre le nouvel ordre du monde). Ce qui conduit d'ailleurs très souvent ce texte à proposer sans vergogne deux reproches strictement opposés (nous serions dans une posture managériale au service des nouveaux monopoles, mais nous n'avons par ailleurs pas assez approfondi la description du nouveau marketing que permettront les études des traces d'utilisations...).
Le tout est marqué par des insinuations, des changements de registres et des méthodes qui prouvent que la LCR des années soixante-dix offrait à la jeunesse une formation méthodologique durable.

C'est donc au nom du respect que j'ai pour Monsieur Boullier et son oeuvre, et au nom de l'importance d'un vrai débat sur ces questions que je me force à dépasser cette agressivité, et que je fais l'effort de chercher le coeur de l'argumentation pour tenter d'y répondre. Monsieur Boullier, je ne vous traiterai pas comme un Troll (il ne faut jamais répondre aux trolls).

Si l'on renonce à la tentation de répondre point par point aux imprécisions, contresens ou manipulations, et que l'on essaye de cerner le coeur du propos, je pense qu'il se résume en un point central : nous nous serions fait les chantres d'une évolution mercantile d'Internet. Nous aurions de ce fait endossé naïvement le storytelling américain. Ce qui au passage nous aurait conduis à mésestimer l'importance des sciences sociales (notamment françaises, notamment celles de M. Boullier). Et aussi à gommer l'importance de nombreux mouvements collaboratifs, d'activistes, du logiciel libre, des contre-cultures, et - plus grave - à présenter comme fatale une évolution qui doit être combattue.

mercredi, juin 20, 2012

Futur en Seine 2012. Aperçus à chaud

Futur en Seine 2012 (#FENS2012) bat son plein. Trop tôt pour en tirer un bilan, mais déjà le sentiment que nous sommes en train de réussir notre pari : créer, chez nous, un événement international de création, de confiance, de réflexion partagée et de fête.

Un festival, c'est comme une start-up. Un grand rêve, un soutien financier dans la durée, et le droit de pivoter, et tous les espoirs lui sont permis. Cette troisième édition, la première après la décision d'annualisation, riche des expériences des précédentes, est un succès.

Profitez-en. Il reste cinq jours d'un magnifique programme. Avec toujours Expoviz, que je recommande, Design Metadata, que je vais visiter, Futur en Seine à Issy, Géographies nomades, aux Beaux-arts, la Web Games Conference, le pavillon de l'Arsenal, la plongée virtuelle de Virtuel Diving, ou l'expérience d'urbanisme collaboratif à Deuil la barre. Et j'en oublie.

Mais il est déjà temps de partager des souvenirs. C'est pourquoi j'ai préparé un rapide montage de premières photos, la plupart prises par Benjamin Boccas, notre photographe officiel. J'ai également le plaisir de partager avec vous le petit clip préparé par Frédéric Vacher, le représentant de Dassault Systèmes au CA de Cap Digital, qui a passé son week-end à filmer les événements du CENTQUATRE.

On vous attend très nombreux en 2013.

mercredi, juin 13, 2012

Futur en Seine 2012 : nous n'avons encore rien vu !

Un simple calcul.
Avec la loi de Moore, la puissance d'un ordinateur est multipliée par 1000 en 20 ans.
Traduction : si nous sommes en train de gravir une montagne d'innovations haute de 1 km, nous avons progressé d'un mètre en 20 ans et nous allons faire 1 km dans les 20 années à venir.

Personne n'est capable d'imaginer réellement ce que nous en ferons.

L'avenir n'est pas écrit

On ne sait rien de ce qui se prépare, sauf une chose : le monde va changer plus encore qu'il n'est concevable.
On sait une autre chose, également. Ces changements ne se décrèteront pas. Ils proviendront de la rencontre des gestes - un peu fous - des innovateurs radicaux, et de la subversion de ces propositions par le public, qui en fera, comme d'habitude, exactement ce qui lui chantera.
Et on soupçonne une troisième chose. Après avoir fait le plus facile, la révolution des écrans, le e-commerce, la dématérialisation, on va maintenant passer aux choses sérieuses. Le numérique va entrer dans la ville, dans la voiture, dans la maison. Le numérique va s'immiscer dans nos rapports aux autres, dans nos rapport à notre propre corps. Il va faire appel aux trésors de la narration et du design. Il va se préoccuper de tisser une civilisation, de beauté et d'harmonie.
Si l'innovation à venir est une montagne, autant se dire que nous avons à peine entamé la marche d'approche.

Cette conviction est le sens, l'esprit et la fonction de Futur en Seine

La région parisienne a la chance d'être l'une des métropoles où s'invente ce futur. Elle rassemble, comme peu d'autres, toutes les sortes de créateurs : artistes et designers, chercheurs et entrepreneurs.

Futur en Seine est leur fête. C'est un festival populaire, festif et gratuit, tourné vers cette prospective.

Il ne cherche pas seulement à présenter ces innovations, il cherche à les comprendre, à les problématiser, à les interroger. Et à le faire avec son public.

C'est important parce que c'est comme ça qu'on inventera vraiment le futur. C'est pourquoi Cap Digital a voulu créer ce festival, rapidement soutenu par un apport déterminant de la Région Ile de France, mais aussi par la Ville de Paris, les collectivités d'Ile de France - dont le département de Seine Saint-Denis), et enfin de grands sponsors, comme Orange et la SNCF.

lundi, juin 11, 2012

Vers une nouvelle anthropologie de la vie privée ?

"Alors ? Est-ce que tu penses que les gens sont maintenant prêts à partager leurs données personnelles ?"
Sans doute est-ce une coïncidence, mais ces dernières semaines, trois responsables de grandes entreprises - qui pourraient toutes envisager de développer de très belles applications avec les données dont elles disposent - m'ont posé la même question...

Et trois fois, j'ai donc du expliquer pourquoi je contestais aussi bien les les termes que les attendus de cette question.

Ce n'est pas une bonne question, car elle part de présupposés - largement inconscients - sur ce que devrait être l'intimité sur ses données, et d'une mauvaise lecture de ce que nous vivons aujourd'hui. Fondamentalement, elle part de l'idée que dévoiler son intimité est toujours dangereux mais que les citoyens baissent progressivement leur garde.

lundi, juin 04, 2012

A propos de l'Age de la multitude

Après un long travail avec Nicolas Colin, nous avons eu le plaisir, il y a deux semaines, de voir enfin notre premier livre, L'Age de la multitude, dans toutes les bonnes librairies.

Les lecteurs de ce blog connaissent un peu Nicolas Colin, ingénieur Télécom, énarque et inspecteur des finances (eh oui), mais aussi authentique entrepreneur, cofondateur de 1x1connect qu'il a présidée pendant deux ans, et de Stand alone media.

L'Age de la multitude c'est à la fois un essai d'économie après le numérique, et une tentative de partager notre passion pour ce monde nouveau, avec ses promesses et ses périls.

Notre travail est parti d'une question : pourquoi est-il si difficile aux grandes organisations de s'adapter à la révolution numérique alors que la plupart du temps, leurs clients (ou usagers) et leurs salariés se ont plongé sans hésitation dans ce nouveau champ des possibles.

Au début, nous pensions méditer sur la transformation permanente, cette économie de flux d'innovations, de flux de pratiques, de flux d'informations et de connaissances. Notre titre provisoire était même Mobilis in mobile. Mais notre projet a changé en cours de route, et fort heureusement, car nous serions sortis en même temps que le très bon ouvrage de Joël de Rosnay, Surfer la vie, comment sur-vivre dans la société fluide, paru le même jour que le notre.

Mais nous avons rapidement infléchi notre travail, pour lui donner une dimension plus économique. Il se trouve en effet que dans ce monde que nous qualifions d'hyperfluide, dans ce monde où les clients se comportent comme des volées d'étourneaux aux trajectoires imprévisibles,  les géants de l'économie numérique semblent avoir trouvé une sorte de martingale.

vendredi, mai 04, 2012

Rapport moral au Conseil d'administration de Cap Digital, pour l'exercice 2011

J'ai présenté hier, à l'Assemblée générale de Cap Digital, le rapport moral pour l'exercice 2011. Comme cela devient une habitude, je suis fier et heureux de partager ces éléments avec mes lecteurs et amis...


Chers amis

Je suis très heureux de vous retrouver pour ce qui est mon quatrième rapport moral à l’Assemblée générale.
Je salue notamment les nouveaux adhérents qui nous ont rejoint cette année.
Je vais vous présenter mon rapport moral qui s’inspire du rapport de gestion et du rapport d’activité, tous deux disponibles sur le site de Cap Digital.

Notre association travaille au rayonnement et à la compétitivité des industries de contenus et de services numériques en Ile de France. Sa force tient au talent de ses adhérents, chercheurs ou entrepreneurs, grandes entreprises ou investisseurs. C’est pourquoi nous aimons commencer nos rencontres avec quelques exemples choisis parmi les nombreux succès de nos adhérents ou des membres de notre écosystème.

Cette année, nous pouvons ainsi nous réjouir, parmi de nombreux exemples :
-   du prix de la meilleure innovation au CES de Las Vegas, remporté par la société Invoxia (créée par Eric Carreel, par ailleurs fondateur de Withings et de Sculpteo).
-   du grand succès des tablettes tactiles d’Archos, que nous avions fortement soutenu
-   de la relocalisation d’une chaîne de production de tablettes par la société Unowhy
-   du titre de meilleure école au monde pour le Design concept décerné par le RedDot de Singapour à l’ENSCI-Les Ateliers
-   de l’achat, par la Mairie de San Francisco, de la solution de crowdsourcing BlueEyes de FaberNovel
-   des déclinaisons au Japon et au Brésil du prototype Unlimited cities de UFO, présenté à Futur en Seine 2011
-   de l'acquisition par Dassault Systèmes de deux fleurons de notre écosystème, Exalead et Netvibes, tandis que Dailymotion était acquis par Orange, ce qui montre la possibilité pour nos technologies de trouver des débouchés en France, chez un leader mondial.
-   de plusieurs belles levées de fonds : soit de la part de jeunes sociétés très proches de Cap Digital, comme SimpleIT, Weezevent ou Ubikod, soit d’acteurs plus confirmés comme Aldebaran ou MacGuff, qui a créé une branche spécialement dédiée à Universal, laquelle a deux longs métrages en préparation, 'The Lorax' et 'Moi, moche et méchant II'"
-   de la croissance fulgurante de Criteo, qui devrait réussir une belle entrée en bourse dans les mois à venir
-   de la montée de JP Morgan au capital de Technicolor, annoncée aujourd’hui même.

Nous sommes membres d’une communauté vivante et ambitieuse, et j’espère que Cap Digital y contribue. Plus que tout, je me réjouis de sentir, dans notre association, une sorte d’enthousiasme pour ces succès, qui sont perçus à la fois comme des preuves de notre niveau international et comme des exemples à suivre et à dépasser.

mardi, avril 17, 2012

Peut-on être contre les big data ?

Mon ami Daniel Kaplan, vient de publier dans Internet Actu un article au titre provocateur : Big Data, grande illusion ?

L'article présente les thèses d'Alan Mitchell, le directeur de la stratégie du cabinet Ctrl+shift. Selon lui, "les Big Data auraient presque un côté contre-révolutionnaire : le chant du cygne d’une informatique productiviste, centralisatrice, centrée sur les grandes organisations." L'effort consenti - notamment en R&D - pour développer cette informatique et ses applications aurait été mieux employé à développer le pouvoir de création des individus, et à les aider à produire eux-mêmes les arbitrages qui leurs sont proposés par cette informatique massive. Daniel Kaplan lui-même reconnaît, à la fin de l'article, que le propos est peut-être un peu fort et qu'il est peu adapté, par exemple, aux les sciences dures.

Je m'arrête sur cet article parce qu'on me pose de plus en plus de questions sur ce phénomène big data dont j'ai parlé très tôt. Et parce que cette position, même si je puis la partager en partie, mélange la description du réel, l'analyse économique et la prise de position politique d'une manière qui mérite qu'on la prenne au sérieux, mais aussi qu'on lui réponde.

Ce que veut dénoncer Mitchell, c'est une inflexion des stratégies de R&D, des politiques de recherche, voire de certaines stratégies de résolution de problèmes, qui privilégie une approche massive, centralisée, consommatrice de capital. Avec une véritable cohérence idéologique, il propose d'encourager au contraire la production locale de données, de savoirs et d'applications, dans la lignée d'autres combats du numérique comme celui du mouvement du logiciel libre contre les grands éditeurs.
Pourquoi pas ? Il y a bien des circonstances où je souscrirais volontiers à cette analyse. D'un point de vue politique, la concentration des données, de la puissance de traitement et de la capacité d'interprétation est préoccupante.

Mais de là à contester l'existence même, l'intérêt et la puissance du phénomène big data, il y a un pas que l'on ne peut franchir.

mercredi, avril 11, 2012

Premiers enseignements du colloque sur la néoindustrialisation


Mardi 27 mars, dans le cadre des huitièmes Rencontres Cap Digital, se tenait un court colloque sur la néoindustrialisation.

Nous avions choisi ce thème central, à la fois pour souligner l'importance de concevoir une véritable politique industrielle, pour appeler à tourner le dos à l'idéologie du "Fabless" - cette pensée méprisante qui a voulu réserver les tâches créatives à l'Occident et la production au tiers-monde -, et pour insister sur la nécessité de réfléchir à une politique industrielle moderne, tenant compte de la transformation numérique.

Nous avons eu  un débat de très grande qualité. Je vous conseille vivement d'en regarder les actes, accessibles sur la "webconf TV" inaugurée à cette occasion par Cap Digital.

Nous allons travailler sur cette matière très dense, dont nous n'avons pas fini de tirer les enseignements. Mais je voudrais d'ores et déjà, à chaud, partager quelques notes tirées de ces échanges.

1- l'ampleur de la transformation numérique des industries et des services dépasse tout ce que nous imaginions.
Les témoignages de notre première table ronde furent à cet égard éloquents.
Les studios Eclair, engagés dans le cinéma depuis 1907, ont travaillé un siècle sur les mêmes technologies de base avant de devoir changer brutalement en quelques années. La Poste a du, en quelques années, réinventer ses services, son activité, sa logistique, son management et son rapports aux utilisateurs (gagnant de ce fait le prix du manager d'entreprises du prix des technologies numériques 2012). Unowhy avait conçu une tablette tactile un peu avant Apple, et a su rebondir en se spécialisant sur un segment porteur, la cuisine, avant de décider de produire sa célèbre tablette Qooq en France, tant pour des raisons de coût que de qualité. Archos, l'un des nouveaux espoirs français en matière d'électronique grand public, qui faillit bien, lui aussi, succomber au succès de l'IPad, avant de se repositionner à toute allure. Mia electric s'est emparé de tout ce que permet aujourd'hui le numérique pour bouleverser les méthodes de conception et de production d'une voiture et proposer un petit bijou de voiture électrique.
Tous ces métiers, dont aucun n'est à proprement parler numérique, ont témoigné des conséquences de l'entrée dans l'ère numérique. La rapidité, la fluidité, la disruption, le design, l'open source, la concentration de la valeur ajoutée ne sont pas l'apanage du consumer internet. Ces bouleversements concernent tous les métiers désormais.

2- Que deviennent les usines ?
La brillante conférence de Marc Giget nous a ensuite entraîné dans une réflexion sur ce que sont en train de devenir les usines après la révolution industrielle en cours.
Nous avons tous en tête des images d'usines fermées - il y a de quoi depuis dix ans. Ces images nous dissimulent la nouvelle réalité.
Après la révolution numérique, l'usine plus compacte, plus dense en technologie, moins dense en salariés - mais ils sont mieux payés - est un nouveau lieu de relations et de production. Son empreinte sur l'urbanisme, notamment, a considérablement changé et permet de concevoir de nouvelles implantations, à la périphérie des villes, mais en contexte urbain.

lundi, avril 09, 2012

Les "Social news Apps" de Facebook vont-elles trop loin ?

Avez-vous remarqué que, depuis quelques jours, nos timeline Facebook sont remplies de messages, qui nous avertissent que certains amis sont en train de lire des articles absolument sans intérêt : presse people, faits-divers, ou autres ?

Avez-vous remarqué qu'il est devenu presque impossible de regarder une vidéo virale dans Facebook sans accepter préalablement une application qui partagera nos informations de lecture avec tous nos amis ?
Avez-vous remarqué que la plupart des gens n'ont pas conscience de ce partage, ne savent pas le gérer, et parfois pensent même - à tort - avoir refusé cette fonctionnalité ? Les exemples se multiplient de vidéos partagées alors même qu'elles n'étaient pas consultées dans Facebook, ou de gens qui pensent avoir refusé l'Application mais l'ont acceptée.

Facebook vient visiblement de franchir un cap dans l'exploitation de l'Open Graph Protocol.
L'Open Graph Protocol, c'est cette fonctionnalité qui permet d'intégrer étroitement un site à Facebook. Concrètement, un ensemble de balises judicieusement placées sur le site permet à Facebook de traiter le contenu de ce site, voire les actions sur ce site, comme si elles étaient dans Facebook. Nous en avions parlé dans cet article de MFG-Labs.

samedi, avril 07, 2012

Le numérique, moteur du changement économique et social


L'Institut Edgar Quinet organisait la semaine dernière un colloque intitulé "Le numérique, moteur du changement", qui fut l'occasion de creuser les changements économiques, les changements sociaux et la question de l'éducation à l'ère de la révolution numérique. Toutes les vidéos sont en ligne, je vous conseille d'y jeter un coup d'oeil, juste ici.

L'intervention qui m'était proposée a été pour moi l'occasion de reprendre les réflexions sur la néoindustrialisation, telle qu'évoquées dans mon dernier billet, enrichies par quelques réflexions issues du colloque de Cap Digital du mardi précédent (les vidéos, ici) et des réflexions que l'on retrouvera bientôt dans le livre que nous venons d'achever avec Nicolas.

lundi, mars 26, 2012

Après le numérique : quelle réindustrialisation ?

La question industrielle, a fait une entrée spectaculaire dans la campagne présidentielle. Du « pacte industriel » au « produire en France » en passant par le protectionnisme, elle a structuré un moment du débat. Cette prise de conscience est une excellente nouvelle dans un contexte de mondialisation, de crise économique, de chômage élevé, mais aussi d'irruption d'une modernité explosive, créative et imprévisible. La France a soudainement redécouvert combien elle avait eu tort de privilégier excessivement les services - considérés à tort comme non délocalisables. Elle a redécouvert l'importance stratégique d'une véritable politique industrielle. Elle a compris qu’un pays qui ne fabrique pas de produits finit par perdre son rayonnement culturel et donc sa souveraineté et même ses capacités de dialogue avec les autres peuples...

Malheureusement, au delà du volontarisme apparent, on n'a pas encore vu se dessiner de contenu concret pour cette politique industrielle désormais appelée par tous. Et l'on n'a surtout pas entendu de véritable proposition de stratégie de l'action collective. On pourrait donc craindre que ce bon premier mouvement ne débouche plus sur un retour en arrière (la "réindustrialisation") que sur un véritable projet de dépassement (la "néoindustrialisation"). C'est de cette "néoindustrialisation" que nous parlerons au cours de ces Rencontres de Cap Digital

dimanche, mars 04, 2012

Télévision connectée : la fin du monde ?

Le prochain président de la République devra, à n'en pas douter, reprendre la loi du 30 septembre 1986 sur la liberté de communication, qui organisait la gouvernance de l'audiovisuel et installait le Conseil supérieur de l'audiovisuel.


Il devra le faire pour répondre à la déferlante de la télévision connectée, qui, après la musique, la presse et tant d'autres secteurs, va contraindre la télévision à faire, à son tour, sa Révolution numérique. Une Révolution qui s'annonce titanesque tant les enjeux sont forts. Songez-y : la télévision, à l'échelle mondiale, c'est un marché d'une vingtaine de milliards d'heures de "temps de cerveau disponible" par jour. J'ai bien dit "jour".


La créativité du numérique dans nos téléviseurs
La révolution de la télévision connectée, en première analyse, c'est simple : c'est le fait que désormais, la télévision arrivera chez nous via Internet. Et que donc, les téléviseurs pourront servir à d'autres usages qu'à ceux des chaînes linéaires. Et que nos différents "devices" - téléviseur, ordinateur, téléphone, tablette - vont pouvoir s'interconnecter. La télévision n'est plus du tout un appareil dédié permettant de capter une fréquence hertzienne.
Ce changement en entraînera beaucoup d'autres. Et d'abord, dans la conception même de ce qu'est la télévision. Au temps des grilles de programme va succéder une consommation délinéarisée, une pratique sociale, l'utilisation d'algorithmes de recommandation, des programmes inventant une nouvelle interactivité, une organisation nouvelle de ce qui se passe dans les différents écrans et dans le monde réel, etc.
Aux Etats-Unis, le site Hulu donne une première idée de ce que sera la télévision du futur. En France, on  est encore en mode "veille", mais le récent dossier de la revue Méta-Média, préparé par Eric Scherer, donne un bon aperçu des révolutions éditoriales en préparation.


Premières escarmouches
Les manoeuvres ont commencé. On connaît la bataille des boîtiers, dont parle cet article de Brainsonic, on attend la bataille de terminaux intelligents (Apple dégainera-t-il le premier, ou se fera-t-il doubler par Samsung ?). On constate quelques mouvements des opérateurs télécoms et des FAI.
Ces approches restent encore assez classiques : ce sont des jeux d'acteurs qui tentent de s'interposer entre la chaîne de télévision et le téléspectateur, afin de capter une fraction de la manne publicitaire.
On voit de même fleurir une offre de "télévision sur IP", dont Nolife, par exemple, fut un précurseur en France, de même que l'émission Arrêt sur images, qui migra sur Internet après son éviction de France 5.
Mais ces mouvements restent de petites secousses à côté des mouvements telluriques qui se préparent.


lundi, février 06, 2012

Mon Superhéros

Chers amis,

Je me fais un peu rare sur ce blog, mais il faut dire qu'avec l'ami Nicolas Colin nous mettons la dernière main à un livre d'économie et de stratégie numérique. On en reparlera bientôt.

Comme les fracas de la campagne électorale nous parviennent quand même un peu, j'ai eu soudainement envie de vous parler du candidat de mes rêves. Celui qu'on ne verra pas cette année, parce que le climat est lourd, que les uns jouent la stratégie du choc et que les autres ont besoin, du coup, de rassurer. Et que la campagne manque donc un peu d'idées folles.

Mon superhéros garde sous le coude de puissantes cartouches numériques qu'il abattra prochainement : 
  • réindustrialisation sous-tendue par les technologies numériques
  • fusion des énergies renouvelables et des réseaux numériques
  • reconfiguration numérique de la salle de classe
  • transformation numérique du système de santé
  • "gouvernement ouvert" 
Il annoncera bientôt un plan sur  10 ans pour décarboner la France (qu'il a élaboré avec Jeremy Rifkin).

Il attend la dernière ligne droite de la campagne pour rendre public son programme pour l'éducation numérique qu'il a préparé, dans le plus grand secret, avec Sugata Mitra.

vendredi, janvier 13, 2012

Les libertés numériques sont-elles des libertés comme les autres ?


Voici la contribution que j'ai apportée au numéro spécial sur "Les Penseurs de la liberté" du Magazine littéraire qui paraîtra ce samedi. Je vous recommande d'acheter l'ensemble, coordonné par Frédéric Martel, et absolument passionnant.
L'ampleur et l'importance du sujet, ainsi que l'exigence de concision m'ont contraint à produire un gros effort de synthèse et à rester généraliste. On ne parle pas ici de SOPA ou autre... Chaque paragraphe pourrait faire l'objet d'un blogpost à lui seul. Mais je ne doute pas que vos commentaires vont développer cette introduction.
A vous lire, donc.



Une Révolution politique
Internet est d’abord un projet politique. Tout comme l’informatique individuelle. Il fallait être l’un de ces activistes typiques de la Silicon Valley des années 70, au carrefour des hippies et des militaires, pour décréter que l’informatique étant un média, il fallait la rendre au peuple. Et pour ouvrir à tous un réseau comme Internet.
Quarante ans plus tard, un tiers des Humains possèdent chacun l’équivalent des supercalculateurs d’alors, et échangent librement grâce à ce réseau ouvert et relativement décentralisé. Jamais les individus, les organisations, et les gouvernements n’avaient eu accès à un tel pouvoir d’expression et d’action. Jamais ils n’avaient revendiqué une telle liberté créative. Jamais ils n’avaient remis en cause tant d’équilibres. Jamais non plus il n’avait fallu réinventer aussi rapidement des règles de police, de politesse ou de régulation économique.

Une plateforme d’innovations radicales
Le numérique est marqué par cette origine libertaire. En témoigne l’importance de l’esprit hacker, fondé sur la passion au travail, la recherche de l’indépendance et le goût de la coopération (voir Pekka Himanen The Hacker Ethic and the Spirit of the Information Age). Cette attitude s’étend même désormais au développement d’objets open source, copiables, modifiables et « bricolables » (utilisant même des langages spécifiques, comme Arduino), ou encore l’importance croissante du mouvement « Do it yourself », qu’illustre la multiplication des FabLabs, organisations portant un projet d’émancipation face à la technologie à la fois technique, pédagogique et politique.
Cet état d’esprit devient politique quand il enjoint de « programmer ou d’être programmé ». Il a présidé à l’invention des grands réseaux d’échange pair à pair, qui ébranlent l’industrie musicale (mais ouvrent des univers de coopérations possibles). Il préside au combat des Anonymous, collectif auto-organisé engagé aussi bien dans la lutte contre les monopoles, que dans les printemps arabes ou la lutte contre les narcotrafiquants. Il inspire Wikileaks, qui entend protéger les donneurs d’alerte en diffusant massivement des documents confidentiels, et n’est pas sans poser de nombreuses questions éthiques et politiques, concernant tant ses pratiques que celles de ses adversaires.
(...)