dimanche, septembre 29, 2013

(Billet invité) Serge Bossini : La liquidation de la valeur par la donnée, et ses conséquences révolutionnaires


C'est toujours un plaisir d'accueillir des amis sur ces pages. Serge Bossini est aujourd'hui n°2 du SGMAP. Mais c'est aussi un ami, mathématicien (normalien, agrégé et docteur), ingénieur des Ponts, urbaniste, engagé en politique (ancien directeur général de la fédération nationale des élus socialistes et républicains, ancien directeur de cabinet de la Ministre de la réforme de l'Etat,  de la fonction publique et de la décentralisation).
Et c'est enfin un inlassable compagnon de réflexion sur cette révolution de la donnée que nous essayons de cerner dans ces pages.

En 1936, Walter Benjamin écrivait : « on ne peut saisir la signification sociale du cinéma si l’on néglige son aspect destructeur, son aspect cathartique : la liquidation de la valeur traditionnelle de l’héritage culturel. » Dans le même essai, il prédisait le bouleversement parallèle que cette reproductibilité technique imprime à la création artistique et au gouvernement en organisant « une nouvelle sélection, une sélection devant l’appareil, de laquelle la vedette et le dictateur sortent vainqueurs. »
Assurément, nous sommes dans « le monde d’après », au regard des annonces de Walter Benjamin. Dans un monde où l’État démocratique et la création artistique ont finalement dompté le fauve cinématographique. Un regard rétrospectif vers le « bref vingtième siècle » doit toutefois nous inciter à la prudence, alors que la valeur, non seulement la valeur culturelle, mais toute valeur d’échange, est aujourd’hui susceptible d’être liquidée par la donnée. Formulation un peu plus précise du fameux « Softwareeats the world ».
Il ne s’agit pas d’un complot. Le potentiel de destruction est consubstantiel à la donnée elle-même, à sa reproductibilité parfaite, sans fin, gratuite ou presque.
Nous lisons beaucoup d’articles relatifs aux conséquences de cette liquidation sur les modèles économiques. Mais très peu traitent de ses effets sur l’État. Pourtant, la révolution de la donnée pointe trois fusils sur l’État : celui du déficit, celui de la dérégulation et celui du discrédit.
Cela nous regarde.

mercredi, septembre 11, 2013

L'avis du Conseil national du numérique sur la fiscalité du numérique

Le Conseil national du numérique a remis ce jour à Bernard Cazeneuve et Fleur Pellerin son rapport et son avis sur la fiscalité du numérique.

Sans surprise, ce collège d'éminents représentants des secteurs numériques, après audition de nombreux autres représentants du secteur, recommande de ne pas créer de taxe sur les industries numériques... ce dont se félicitent les représentants institutionnels de ces industries.

Malgré ce résultat prévisible, ce travail me semble marquer de grandes avancées. Il y a quelques mois seulement, la question de la fiscalité du numérique se cantonnait, fondamentalement, à deux positions extrêmes :
- le discours larmoyant autour du numérique qui "détruisait de la valeur" dans l'ancienne économie et qu'il fallait taxer à titre de compensation (pour ne pas dire "punition") ;
- et le discours arrogant de ceux qui disaient "nous créons la croissance et il ne faut donc pas nous taxer" (position qui n'a aucun fondement sérieux, ni moral ni économique).

On n'en n'est plus là, et c'est heureux.