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lundi, novembre 19, 2018

De la transformation de l'Etat à la diplomatie digitale

La semaine dernière, j'ai quitté mes fonctions à la tête de la DINSIC pour devenir ambassadeur pour le numérique, auprès du ministre des Affaires étrangères.
Après avoir piloté la transformation numérique de l'Etat français, je vais donc me consacrer à la dimension géopolitique de la révolution numérique. Celle d’un cyberespace où se dessinent de nouvelles libertés, où naissent de nouvelles menaces, où s’affrontent et coopèrent de nombreuses puissances, étatiques ou non.
La France mène une ambitieuse politique étrangère en la matière. Elle a noué un dialogue stratégique important avec les autres Etats, avec les grands acteurs économiques et avec la société civile. Il traite de questions essentielles comme la cybersécurité, la neutralité d’internet, la protection des données personnelles, la lutte contre les fake news ou les discours de haine, le multilatéralisme, la souveraineté européenne du numérique. La"Paris Digital Week" de la semaine dernière  en témoigne. Je suis honoré et reconnaissant de rejoindre la mission qui m'est confiée.

Pour autant, je quitte avec regrets l’équipe exceptionnelle que nous avions constituée à Etalab puis à la DINSIC. Une équipe talentueuse, compétente, engagée. Ensemble, nous avons amorcé une transformation profonde et indispensable de l'action publique, qui dépasse largement l'outil informatique. Ce changement - dont nous avons posé des bases solides - nécessite un effort continu et persistant pour s'enraciner durablement.

dimanche, juillet 02, 2017

Quand Zuckerberg veut faire le bonheur de l'humanité

La semaine dernière, Marc Zuckerberg a dévoilé les modifications apportées à Facebook pour remplir la nouvelle « mission » et la nouvelle stratégie de l'entreprise. Une mission qu'il précise à petites touches depuis la publication de son long manifeste en février dernier. Une mission qu'il résume lui-même en quelques mots : « développer l’infrastructure sociale qui permettra de créer une communauté globale ».  Une communauté qui devra être :
- « sûre » (capable d’apporter de l’aide en temps de crise - Facebook revendique 500 activations du Safety check ces deux dernières années) ; 
- « informée » (donnant une voix à chacun) ; 
- « engagée » (stimulant l’implication politique - Facebook revendique avoir ramené 2 millions d’Américains aux urnes  
- et « inclusive » (reflétant les valeurs collectives).

« Quand vous regardez les grands défis qui se posent à notre génération – mettre fin à la pauvreté, guérir la maladie, arrêter le changement climatique –, aucune personne ou aucun groupe de personnes ne peut les résoudre seul. » La solution viendra de « groupes significatifs », à savoir « les groupes qui deviennent, lorsque nous les rejoignons, la partie la plus importante de notre expérience sociale et forment une partie cruciale de nos soutiens dans la vie quotidienne ». Des groupes que Facebook aidera à constituer, même si cela doit éroder la souveraineté des Etats nation ou nécessiter une forme de lissage culturel entre les communautés.

Comment ? Grâce aux paramétrages des subtils algorithmes qui décident quels amis nous seront présentés, quels sont ceux de leurs messages qui nous seront affichés, quelles publicités, quels services et quelles ressources nous seront proposés. Des algorithmes éduqués avec des méthodes simples et robustes, de grandes quantités de données et, prochainement, un peu d’intelligence artificielle pour mieux reconnaître les images, détecter les émotions dans les conversations, etc. Des algorithmes, aussi, qui seront mis au service d'une philosophie de la régulation propre au réseau social. Ainsi, pour lutter contre les "fake news" (une responsabilité politique que Facebook a initialement refusé d'assumer), l'algorithme analysera le comportement des utilisateurs et recommandera moins les vidéos qui auront été partagées avant sans avoir été visionnées au préalable.

lundi, avril 18, 2016

Pour une économie politique des Communs

Les "Communs" reviennent en force dans le débat public. Avec une force qui mérite qu'on creuse un peu cette notion, même si elle devient l'un des buzzwords que la toile affectionne.

Les "Communs" avaient été un peu oubliés depuis quelques décennies. Malgré les travaux essentiels de l’économiste Elinor Ostrom, qui lui avaient valu un prix de la banque de Suède en matière d'économie (le "prix Nobel" d'économie), la sentence de Garett Hardin sur la "tragédie des communs" semblait définitive, dans un monde simplifié par une vulgate néolibérale assez prompte à sauter sur des conclusions rapides. Les millénaires de sociétés équilibrées exploitant en commun leurs forêts, leurs ressources halieutiques ou maintenant collectivement leurs terrasses, leurs chemins ou d'autres infrastructures semblaient complètement occultés.

Et puis, de nouveau, le concept s'est retrouvé au coeur du débat public.
Dans les faits tout d'abord, avec l'incroyable succès de grands communs contributifs comme Wikipédia, OpenStreetMapOpenFoodFacts et beaucoup d'autres à venir. Sans compter le rôle du logiciel libre dans l'existence même d'Internet et de la société dans laquelle nous vivons aujourd'hui. 
Ces différents projets contributifs ne sont pas seulement des succès de réalisation, parfois étonnants. Ils deviennent aussi des plateformes essentielles à de nombreuses activités économiques et à de nombreux services publics. Et bien souvent le dernier rempart contre la domination des grandes plateformes développées par les GAFA.
Dans la production intellectuelle ensuite, avec le succès du livre de Pierre Dardot et Christian Laval,  par exemple. Ou avec la place que prend ce concept dans le dernier opus de Jeremy Rifkin.
Dans le débat public aussi, comme en témoigne par exemple le débat noué en marge de la loi Lemaire sur la définition d'un domaine commun immatériel.
Et puis dans nos pratiques et nos usages, chez Etalab par exemple, où nous mesurons chaque jour tout ce qu'apporte un travail fondé sur le développement et l'utilisation de nouveaux communs contributifs et ouverts, comme OpenFisca ou la Base Adresse Nationale.

Dans un tel Maelström, il devenait important d'essayer de poser un peu calmement les concepts et de s'assurer quelques outils conceptuels et méthodologiques pour mieux maîtriser les débats et les activités dans lesquels nous sommes engagés au quotidien. C'est pourquoi j'ai été extrêmement heureux lorsque la Chaire Finance et développement durable de l'université Paris Dauphine, m'a proposé de travailler avec un jeune élève de l'Ecole normale supérieure, de grand talent, Charles Murciano, pour mettre un peu ces idées au clair.

Le résultat : un travail que nous avons voulu assez complet, essayant de réinterroger la distinction désormais classique entre biens communs et biens publics, d'interroger également ses transformation à l'ère de la révolution numérique, de mettre à jour les spécificités des communs numériques et de nous demander ce qu'ils apportent aujourd'hui, à l'action politique et à la pensée économique. Vous pouvez en lire l'intégralité dans la revue de la Chaire (et en Anglais).

lundi, août 11, 2014

L'open data est-il soluble dans la "big society" ?


Début juillet paraissait dans la revue MyScienceWork un article, repris ensuite par La gazette des Communes, puis par Rue89 / Nouvel Observateur, intitulé “L’Open data est-il un leurre politique ?”.

Cette interview d’Evelyne Ruppert, une sociologue britannique, notamment à l’origine du blog “Big data et society”, s'inspire de ses travaux sur la transparence britannique, qu’elle semble bien connaître, mais porte sur la démarche française, qu’elle semble moins connaître. Evelyne Ruppert y développe une analyse que l’on pourrait résumer comme suit :
- la transparence absolue est un leurre, car les gouvernements choisissent toujours ce qu’ils communiquent, et ne partagent jamais les informations les plus importantes ;
- la transparence, parce qu’elle ne peut jamais être complète, ne crée pas la confiance mais au contraire la défiance ;
- la démarche de transparence enferme les citoyens dans les données qu’on veut bien leur transmettre ;
- l'open data promet un rapport plus direct au pouvoir, mais crée en fait une nouvelle technocratie, celle de ceux qui maîtrisent les données ;
- il faudrait donc porter la plus extrême attention à documenter les données elles-mêmes (qui les a produites, quand, pourquoi, etc.), afin de permettre l'exercice par les citoyens d'une critique des données qui leurs sont transmises.

De nombreux amis me demandent ce que je pense ce ce papier. C'est embarassant : je suis à peu près d’accord avec tout ce qui s’y dit, sans me sentir pour autant réellement concerné.

Au fond, je crois qu'Evelyne Ruppert raisonne à partir d’un implicite que je qualifierais de “modèle de la double défiance”. Sa lecture implicite du mouvement open data est la suivante : en réponse à la défiance croissante des citoyens, les gouvernements se résoudraient à lâcher certaines informations permettant aux citoyens de mieux les contrôler, dans l’espoir de restaurer cette confiance. 

Je ne sais si ce raisonnement existe quelque part. On sent bien qu'il est lié à un contexte britannique où l'open data est difficilement séparable du projet de Big Society. Mais ce que je sais, c’est que ce n’est pas celui du gouvernement français, et que ce n’est pas l’esprit dans lequel travaille la mission Etalab. En France, l’ouverture et le partage des données publiques ne sont pas vues comme des fins en soi, mais comme des leviers qui peuvent être mis au service de trois objectifs : une démocratie plus aboutie, l’innovation et la croissance, et une meilleure efficacité de l’action publique.


jeudi, juin 26, 2014

L'Etat peut-il être un innovateur radical ?

La simplification, la modernisation et l'efficacité de l'Etat intéressent de plus en plus de monde, et sont désormais portées au plus haut niveau de l'Etat. C'est une bonne chose. La question de ce ce que doit être la puissance publique du XXIe Siècle, et de savoir comment elle doit s'organiser, est sans doute l'une des plus importantes questions politiques du moment.

Comme les autres révolutions industrielles, la révolution numérique appelle une révolution politique, qui n'est pas jouée, mais qui redéfinira à terme le rôle, les missions et les stratégies de l'Etat. Edwy Plenel a magnifiquement parlé de cette question au cours de l'installation de la Commission de réflexion et de propositions sur le droit et les libertés à l’âge numérique. Regardez la vidéo si vous en avez le temps...

Dans cette révolution politique, la stratégie digitale de l'Etat joue un rôle fondamental. C'est elle qui peut permettre à l'Etat de s'approprier les gains de productivité et d'efficacité apportés par le numérique. C'est elle peut lui permettre d'atteindre la créativité, la puissance d'innovation et la réactivité des "disrupteurs numériques". C'est elle qui peut lui permettre de s'harmoniser avec une société d'innovation permanente, et donc d'en accompagner intelligemment la transformation économique et sociale. C'est elle qui peut fonder la puissance et la souveraineté nécessaires à la préservation de l'intérêt général, dans un monde où les pouvoirs se redistribuent rapidement, entre Etats, sociétés civiles et nouveaux acteurs économiques. C'est elle, enfin, qui peut nous permettre de répondre aux nouveaux défis de la modernité : la crise démocratique, la crise économique et industrielle, le besoin de garantir des nouvelles libertés et d'accompagner de nouvelles solidarités.