lundi, avril 18, 2016

Pour une économie politique des Communs

Les "Communs" reviennent en force dans le débat public. Avec une force qui mérite qu'on creuse un peu cette notion, même si elle devient l'un des buzzwords que la toile affectionne.

Les "Communs" avaient été un peu oubliés depuis quelques décennies. Malgré les travaux essentiels de l’économiste Elinor Ostrom, qui lui avaient valu un prix de la banque de Suède en matière d'économie (le "prix Nobel" d'économie), la sentence de Garett Hardin sur la "tragédie des communs" semblait définitive, dans un monde simplifié par une vulgate néolibérale assez prompte à sauter sur des conclusions rapides. Les millénaires de sociétés équilibrées exploitant en commun leurs forêts, leurs ressources halieutiques ou maintenant collectivement leurs terrasses, leurs chemins ou d'autres infrastructures semblaient complètement occultés.

Et puis, de nouveau, le concept s'est retrouvé au coeur du débat public.
Dans les faits tout d'abord, avec l'incroyable succès de grands communs contributifs comme Wikipédia, OpenStreetMapOpenFoodFacts et beaucoup d'autres à venir. Sans compter le rôle du logiciel libre dans l'existence même d'Internet et de la société dans laquelle nous vivons aujourd'hui. 
Ces différents projets contributifs ne sont pas seulement des succès de réalisation, parfois étonnants. Ils deviennent aussi des plateformes essentielles à de nombreuses activités économiques et à de nombreux services publics. Et bien souvent le dernier rempart contre la domination des grandes plateformes développées par les GAFA.
Dans la production intellectuelle ensuite, avec le succès du livre de Pierre Dardot et Christian Laval,  par exemple. Ou avec la place que prend ce concept dans le dernier opus de Jeremy Rifkin.
Dans le débat public aussi, comme en témoigne par exemple le débat noué en marge de la loi Lemaire sur la définition d'un domaine commun immatériel.
Et puis dans nos pratiques et nos usages, chez Etalab par exemple, où nous mesurons chaque jour tout ce qu'apporte un travail fondé sur le développement et l'utilisation de nouveaux communs contributifs et ouverts, comme OpenFisca ou la Base Adresse Nationale.

Dans un tel Maelström, il devenait important d'essayer de poser un peu calmement les concepts et de s'assurer quelques outils conceptuels et méthodologiques pour mieux maîtriser les débats et les activités dans lesquels nous sommes engagés au quotidien. C'est pourquoi j'ai été extrêmement heureux lorsque la Chaire Finance et développement durable de l'université Paris Dauphine, m'a proposé de travailler avec un jeune élève de l'Ecole normale supérieure, de grand talent, Charles Murciano, pour mettre un peu ces idées au clair.

Le résultat : un travail que nous avons voulu assez complet, essayant de réinterroger la distinction désormais classique entre biens communs et biens publics, d'interroger également ses transformation à l'ère de la révolution numérique, de mettre à jour les spécificités des communs numériques et de nous demander ce qu'ils apportent aujourd'hui, à l'action politique et à la pensée économique. Vous pouvez en lire l'intégralité dans la revue de la Chaire (et en Anglais).