mardi, octobre 02, 2012

Pourquoi je ne veux pas être un pigeon



L'économie numérique, le monde des entreprises innovantes, la blogosphère, Facebook et la twittosphère sont en ébullition.

Le projet de loi de finances 2013 comporte une sacrée bourde (le résumé des dispositions fiscales est ici).

Il prévoit en effet, comme l'avait annoncé le candidat Hollande, d'aligner la fiscalité des revenus du patrimoine sur la fiscalité du travail, et donc de créer une tranche supérieure à 45 % sur les plus-values (taxés aujourd'hui à 32 %). Ce qui, avec la CSG et la RDS, pourrait atteindre un prélèvement de 60 % sur les tranches supérieures dans certains cas.
Conscient de l'impact sur le financement des entreprises, Bercy a déjà réalisé quelques aménagements à cette règle : défiscalisation progressive pour le créateur d'entreprise détenant ses parts sur une longue durée ; allègement fiscal pour l'entrepreneur qui part à la retraite ou pour l'investisseur qui réinvestit 80 % de ses gains dans un nouveau projet.
A bien y regarder, il y a même des mesures favorables aux entrepreneurs qui lèvent leurs options sur les actions. 


Pour autant, le projet, s'il devait demeurer en l'état, resterait économiquement néfaste :
- il comprend quelques bourdes de rédaction (le compteur pour la détention longue durée des parts serait remis à zéro au 1 janvier 2013) ;
- il omet le cas des entreprises d'hypercroissance (a votre avis, où vont se domicilier les fondateurs de Criteo, qui est passée en 6 ans de 0 à 250 millions d'euros de CA, qui est revenue en France, qui a créé 750 emplois ultra qualifiés et prépare son entrée en Bourse ?) ;
- et surtout, il semble confondre complètement les modèles économiques du Venture capital, des fonds d'investissements et de la finance traditionnelle, et de ce fait ignorer les modes de rémunération du capital-risque.

Nous devons donc travailler proprement dans les trois mois qui viennent (c'est la durée de l'élaboration complète d'une loi de finances, et le texte qui sort de ce long processus est généralement très différent du texte initial). Et le faire en tenant compte de la mécanique parlementaire, et du jeu des amendements et des navettes parlementaires. Il y a bien des entrées dans ce texte auxquelles on pourrait accrocher de nettes améliorations.

Personnellement, je pense que l'ensemble du projet devrait être refondé sur d'autres bases, et s'articuler autour de trois idées fortes :
1- le choc de rigueur en cours exige un choc d'innovation d'une ambition au moins aussi grande. La rigueur sans conquête de nouveaux marchés, c'est la récession ;
2- Les succès des entrepreneurs qui revendent doivent être analysés comme les revenus exceptionnels des sportifs (il ne s'agit pas d'un revenu récurrent mais d'un résultat rare, - exceptionnel - qui se prépare pendant toute une carrière) ;
3- S'il est bien une priorité pour les politiques industrielles, ce devrait être de faire naître en France une industrie du capital-risque prospère et puissante, et rien n'est trop beau pour attirer les talents mondiaux de ce métier vers notre écosystème (comment ne pas être alarmé de constater que la Silicon Valley - 7 millions d'habitants - investit chaque année 500 fois plus d'argent en venture capital que toute la France ?)