Affichage des articles dont le libellé est Economie. Afficher tous les articles
Affichage des articles dont le libellé est Economie. Afficher tous les articles

dimanche, décembre 04, 2016

La donnée au service de la croissance


Cette semaine, au cours du Sommet mondial de l'Open government partnership, qui se tient à Paris, je participerai avec Nigel Shadboldt à la session, organisée par l'Open data Institute, jeudi, consacrée aux conclusions du travail franco-britannique que nous avons mené pendant un an sur la donnée au service de la croissance*.

Certes, ce n'est que l'un des 350 événements, ateliers et projets du programme du sommet, mais, si vous avez eu la chance de réussir à vous inscrire, venez, vous y verrez le reste : open data, engagement citoyen, transparence, concertation, contribution, biens communs numériques, développement durable, démocratie participative, concertation citoyenne, redevabilité des algorithmes, et j'en passe... Le tout dans un vaste forum rassemblant plus de 4000 délégués issus de 135 pays, 50 ministres, 15 chefs d'Etat et de gouvernement, et quelques centaines d'ONG.
Un événement parmi tant d'autres, certes, mais qui résulte d'un an d'échanges passionnants. Le rapport, assez court, est en ligne (ici et ici pour les propositions d'action). Ce que je voudrais partager ici, c'est la vision stratégique qui a été la nôtre.

Le constat de départ est simple : le passage d’une économie de la rareté de la donnée à une économie de l’abondance entraîne un changement complet des règles du jeu économique et politique. On l'a déjà vu dans l'histoire, quand l'humanité a appris à maîtriser l'agriculture, l'imprimerie, l'énergie. Chacune de ces grandes étapes a été un changement complet des règles du jeu économiques, sociales, politiques. Or, nous en sommes convaincus, nous assistons désormais à une transformation de même ampleur avec les données. Notre économie et notre société ont été fondées sur le fait qu'elles étaient rares et chères à produire ou à consommer. Elles sont désormais surabondantes, produites par d'innombrables capteurs, par des milliards de terminaux mobiles, par la dématérialisation des quasi gratuites et nous baignons en permanence dans leurs flux continus.

Face à une telle transformation, toutes nos règles d'action changent. Les entreprises l'ont rapidement appris à leurs dépens, qui ont vu naître de nouveaux monopoles de l'intermédiation, des plateformes comme Uber ou AirBnB, de nouveaux services innombrables. Le politique doit à son tour apprendre à regarder cette situation en face. Elle appelle en effet une reconception rapide de bien des évidences quant à la manière d'agir au service de (et avec) l'économie et de la société.

mercredi, novembre 02, 2016

Pourquoi Le.Taxi, c'est important

Au début du mois dernier, Alain Vidalies, Secrétaire d'Etat aux transports a officiellement inauguré la plateforme Le.Taxi en commandant un taxi qui est arrivé en deux minutes.

Le.Taxi, c'est la plateforme que prévoyait la loi taxis du 1 octobre 2014 en instaurant un registre national de géolocalisation des taxis ("Il est institué un registre national recensant les informations relatives à l'identification, à la disponibilité et à la géolocalisation des taxis. Ce registre, dénommé : “registre de disponibilité des taxis”, a pour finalité d'améliorer l'accès aux taxis par leurs clients en favorisant le développement de services innovants. Il est soumis à la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés.")
Développé en mode "startup d'Etat" par une petite équipe agile coachée par l'incubateur de services numériques de la DINSIC, Le.taxi c'est désormais une plateforme sur laquelle s'inscrivent librement les taxis qui acceptent d'être géolocalisés, de recevoir des courses et d'être évalués par leurs utilisateurs (plusieurs milliers de chauffeurs volontaires à l'issue de la phase de tests). C'est ensuite une API de consultation de ces données réservée aux opérateurs agréés c'est-à-dire à tous ceux qui peuvent justifier d'un apport d'affaires aux taxis. Et ce sont surtout déjà une trentaine d'applications disponibles sur le web ou dans les AppStores Google ou Androïd.
Un projet rapidement mené grâce à l'opiniâtreté du coach Pierre Pezziardi, à l'obstination du "Product Owner" André Dorso et des deux développeurs, Vincent Bataille et Vincent Lara.
L'ensemble est un projet léger (250.000 euros d'investissement incluant les salaires des développeurs, 500.000 euros de dépenses annuelles prévues en fonctionnement stabilisé) et extrêmement prometteur. Il ouvre en effet un cycle d'innovation qui concernera, à court termes, de nombreuses entreprises du secteur du transport ou de l'hotellerie, mais pourquoi pas aussi de nombreux services web, du mobilier urbain, et tant d'autres innovations que nous ne connaissons pas encore.

C'est une expérimentation, et j'espère une étape, extrêmement importante de la construction de l'Etat plateforme, qui mérite quelques commentaires supplémentaires.

mercredi, mai 18, 2016

(Billet invité) Emmanuelle Hoss : Tisser nos singularités au coeur du collectif

S'interroger sur les lieux  cibles des attentats du mois de novembre, c'est prendre conscience de la richesse et de la puissance de ces commerces  qui permettent la rencontre, la mixité et le brassage des singularités dans un même espace-temps. A l'heure où se vident églises et partis ,  les bars, les cafés, les restaurants, les artisans, les "petits" commerces restent les endroits où chacun peut entrer et sortir, et au détour d'un achat ou d'une question, nouer un dialogue.

Alors pourquoi cette économie de proximité, quasiment cette "écologie de la proximité", visiblement repérée par ceux qui haïssent notre société, est-elle un angle mort de la pensée politique? Pourquoi ne voit-on pas qu'elle forge le ciment de nos sociétés, qu'elle est source d'emplois, certes, mais aussi de bien être, de santé, de sécurité et qu'elle permet au fil du temps de tisser des liens comme nulle part ailleurs? C'est d'ailleurs bien l'interdiction de commercer dans les Townships qu'avait en tout premier lieu instaurée le régime de l'Apartheid, démontrant ainsi parfaitement que ces échoppes locales menaçaient leur projet de rejeter une population entière du corps social.

Se pencher sur cette nouvelle économie de proximité, à la rencontre du commerce traditionnel et des outils digitaux, constitue pourtant une réponse possible aux fameuses questions d'identité. Après tout, dis-moi ce que tu manges, dis-moi ce que tu lis, dis-moi ou tu flânes, et je te dirai qui tu es.
Nous accueillons à bras ouverts les grandes enseignes, de restauration, d'ameublement ou d'habillement, sans voir que ces enseignes captent la valeur d'un territoire (l'attractivité d'une avenue parisienne, le pouvoir d'achat d'une petite ville), au prétexte qu'elles créeraient de l'emploi.  C'est une vision de très court terme. S'ils sont créés, ce qui reste à vérifier, ce sont des emplois le plus souvent peu gratifiants, mécanisés, dans lesquels personne ne rêve de s'investir ou de rester. Alors qu'être boucher ou librairemaker ou restaurateur, c'est partager un savoir où un savoir-faire, c'est savoir accueillir, recommander et conseiller.

lundi, avril 18, 2016

Pour une économie politique des Communs

Les "Communs" reviennent en force dans le débat public. Avec une force qui mérite qu'on creuse un peu cette notion, même si elle devient l'un des buzzwords que la toile affectionne.

Les "Communs" avaient été un peu oubliés depuis quelques décennies. Malgré les travaux essentiels de l’économiste Elinor Ostrom, qui lui avaient valu un prix de la banque de Suède en matière d'économie (le "prix Nobel" d'économie), la sentence de Garett Hardin sur la "tragédie des communs" semblait définitive, dans un monde simplifié par une vulgate néolibérale assez prompte à sauter sur des conclusions rapides. Les millénaires de sociétés équilibrées exploitant en commun leurs forêts, leurs ressources halieutiques ou maintenant collectivement leurs terrasses, leurs chemins ou d'autres infrastructures semblaient complètement occultés.

Et puis, de nouveau, le concept s'est retrouvé au coeur du débat public.
Dans les faits tout d'abord, avec l'incroyable succès de grands communs contributifs comme Wikipédia, OpenStreetMapOpenFoodFacts et beaucoup d'autres à venir. Sans compter le rôle du logiciel libre dans l'existence même d'Internet et de la société dans laquelle nous vivons aujourd'hui. 
Ces différents projets contributifs ne sont pas seulement des succès de réalisation, parfois étonnants. Ils deviennent aussi des plateformes essentielles à de nombreuses activités économiques et à de nombreux services publics. Et bien souvent le dernier rempart contre la domination des grandes plateformes développées par les GAFA.
Dans la production intellectuelle ensuite, avec le succès du livre de Pierre Dardot et Christian Laval,  par exemple. Ou avec la place que prend ce concept dans le dernier opus de Jeremy Rifkin.
Dans le débat public aussi, comme en témoigne par exemple le débat noué en marge de la loi Lemaire sur la définition d'un domaine commun immatériel.
Et puis dans nos pratiques et nos usages, chez Etalab par exemple, où nous mesurons chaque jour tout ce qu'apporte un travail fondé sur le développement et l'utilisation de nouveaux communs contributifs et ouverts, comme OpenFisca ou la Base Adresse Nationale.

Dans un tel Maelström, il devenait important d'essayer de poser un peu calmement les concepts et de s'assurer quelques outils conceptuels et méthodologiques pour mieux maîtriser les débats et les activités dans lesquels nous sommes engagés au quotidien. C'est pourquoi j'ai été extrêmement heureux lorsque la Chaire Finance et développement durable de l'université Paris Dauphine, m'a proposé de travailler avec un jeune élève de l'Ecole normale supérieure, de grand talent, Charles Murciano, pour mettre un peu ces idées au clair.

Le résultat : un travail que nous avons voulu assez complet, essayant de réinterroger la distinction désormais classique entre biens communs et biens publics, d'interroger également ses transformation à l'ère de la révolution numérique, de mettre à jour les spécificités des communs numériques et de nous demander ce qu'ils apportent aujourd'hui, à l'action politique et à la pensée économique. Vous pouvez en lire l'intégralité dans la revue de la Chaire (et en Anglais).

lundi, septembre 08, 2014

La fin de l'innovation ?


En 1992, peu de temps après la chute du mur de Berlin, le politologue américain Francis Fukuyama nous prédisait, tout simplement La Fin de l'histoire et le dernier homme.
Fascinés par leur victoire contre l'URSS, et sans doute appatés par les relents hégéliens de ce texte, les intellectuels du monde entier lui assuraient un succès inattendu. De manière étonnante, personne ne sembait s'inquiéter du recours à une expression, "le dernier homme", que Nietzsche avait pourtant adoptée pour nous dresser le portrait peu enthousismant du stade ultime du nihilisme...
Trente ans plus tard, le jihad à toutes les sauces, la géopolitique de la Russie, la trajectoire de "pays émergents" qui sont devenus bien plus qu'émergents nous permettent de remettre ces analyses à leur juste place, et d'apprendre à nous méfier, comme avait su le faire Derrida dès 1993, des prétentions à fermer le rideau de l'histoire...

Pourtant, ces théories de la fin de l'histoire, de la fin du progrès, de la fin de l'homme lui-même semblent avoir la vie dure, et connaissent,depuis quelques années, un nouvel avatar avec les théories, très appréciées dans les milieux économiques, sur la "fin de l'innovation".
Le prix Nobel d'économie, Edmund Phelps, en tirait un livre l'an dernier, expliquant que toute la crise depuis la fin des Trente glorieuses provenait de l'incapacité à innover de l'Occident (thèse que je ne conteste pas complètement d'ailleurs). Surfant sur la vague, pas toujours avec la même érudition, d'autres économistes ont tenté, récemment, de prouver que la révolution numérique n'avait pas été si importante que cela, finalement. D'autres encore reconnaissent son impact, tout en la considérant comme désormais épuisée.

D'après Le Monde du 1er septembre, cette thématique sera au coeur d'un prochain rapport du Conseil d'analyse économique. Un consensus émergerait chez les économistes :  la croissance serait durablement affectée par le manque de gains de productivité de notre économie, lui-même imputable à la faible puissance d'innovation actuelle, et au caractère trop faiblement disruptif des technologies numériques.

Bon. En première instance, ça me rappelle cette planche de Gotlib :


Mais en même temps, on n'a pas vu le rapport. Laissons-lui sa chance. Car ce qui est sûr, c'est que la question mérite quelques élaborations...

jeudi, mai 02, 2013

Questions et calculs sur les dettes publiques et la démographie en Europe

Je discutais récemment avec mon ami Maurice Ronai (dont je vous conseille l'excellent blog, Travaux Publics) quand nous avons commencé à nous interroger sur le sens des comparaisons entre les dettes européennes. On sait en effet que certains pays, comme l'Espagne ou l'Allemagne, ont connu une terrible chute de la fécondité, alors que d'autres, comme la France ou l'Angleterre, ont des taux de fécondité autour de deux enfants par femme.

La question n'est pas sans intérêt. Et pas seulement parce que nous savons, au moins depuis Alfred Sauvy, que les liens entre l'économie et la démographie sont nombreux et complexes. Elle est intéressante parce que la politique familiale française, dont nous nous enorgueillissons à juste titre représente chaque année un investissement de l'ordre de 100 milliards d'euros, un ordre de grandeur qui n'est pas si éloigné du montant annuel du déficit public (137 milliards en 2010, 98 milliards en 2012).

samedi, avril 07, 2012

Le numérique, moteur du changement économique et social


L'Institut Edgar Quinet organisait la semaine dernière un colloque intitulé "Le numérique, moteur du changement", qui fut l'occasion de creuser les changements économiques, les changements sociaux et la question de l'éducation à l'ère de la révolution numérique. Toutes les vidéos sont en ligne, je vous conseille d'y jeter un coup d'oeil, juste ici.

L'intervention qui m'était proposée a été pour moi l'occasion de reprendre les réflexions sur la néoindustrialisation, telle qu'évoquées dans mon dernier billet, enrichies par quelques réflexions issues du colloque de Cap Digital du mardi précédent (les vidéos, ici) et des réflexions que l'on retrouvera bientôt dans le livre que nous venons d'achever avec Nicolas.

jeudi, décembre 29, 2011

Le crowdfunding va-t-il sauver l'économie américaine ?

La communauté économique américaine s'intéresse beaucoup, ces jours-ci, à une nouvelle initiative de l'administration Obama : le Crowdfunding Bill.

Ce texte, qui est déjà passé à la chambre des représentants, et attend la discussion au Sénat, modifie la loi sur l'accès au capital des entrepreneurs. Vous pouvez trouver la version votée le mois dernier ici-même.

L'objectif du texte est simple : faciliter la levée de fonds des startups en assouplissant considérablement la possibilité de recourir aux petites sommes versées par des particuliers, jusqu'à concurrence de 2 millions de dollars. En deçà de ce plafond, les contrôles de la SEC, si drastiques en cas d'introduction en bourse et interdisant quasiment de procéder à des levées de fonds via les réseaux sociaux, sont considérablement assouplis. Il suscite d'ores et déjà d'intéressants débats sur sa portée et ses conséquences.

La vogue du crowdfunding

Le crowdfunding (littéralement "financement par la foule") est une idée assez naturelle pour les enfants des réseaux sociaux et du web 2.0.

A dire vrai, la tradition est plus ancienne. Faire financer son film ou son livre par souscription ou par appel à l'investissement des particuliers n'est pas une idée si iconoclaste qu'on l'imagine. A bien y regarder, on trouve même dans l'histoire taurine espagnole une longue tradition de penas de villages finançant le premier habit de lumière, et les services d'un apoderado, pour aider au démarrage de la carrière d'un jeune talent prometteur.

lundi, novembre 07, 2011

Open Data, Open Government, Croissance économique

J'ai été convié par le Centre d'analyse stratégique et Etalab à intervenir au colloque "Nouveaux usages d'Internet, nouvelle gouvernance pour l'Etat", colloque centré sur les Open data, qui s'est tenu ce lundi à la Cité des Sciences et de l'Industrie, pour la table ronde Quels sont les leviers stratégiques de l'Etat pour encourager l'innovation et l'économie numérique ? 
Une vidéo intégrale de la table ronde a été mise en ligne ici.


Très intéressant colloque, au passage, avec de belles interventions sur l'économie, l'efficacité administrative et la géostratégie...


Que peut faire l'Etat pour le numérique ?


Bien que largement né d'initiatives publiques, y compris françaises, Internet, profondément marqué par son origine libertaire et Californienne, a longtemps été une énigme, voire un problème, pour les gouvernements.
Ses principes fondamentaux, son architecture end to end, la vitesse avec laquelle les entreprises et les particuliers s'en sont emparés, la manière dont il crée de la valeur (économique et sociale) tout en déstabilisant profondément les positions acquises, le mélange inédit des sphères privée et publique, marchande et non-marchande, son caractère transfontalier... tout concourt à faire du réseau un objet bien difficile à appréhender pour les politiques publiques classiques.

Même si de réels progrès ont été effectués ces dernières années, ce n'est donc faire injure à personne que de dire que, si le numérique Français ne se porte pas trop mal, tant dans ses succès que dans son impact économique global, ces succès se sont, pour l'essentiel, bâtis en dehors de l'intervention publique.

Il faut donc rappeler quand même que, si la politique d'Open data est susceptible d'apporter beaucoup aux entreprises innovantes et aux utilisateurs, elle ne résoudra pas tout. Et avant de parler de ce nouvel or noir, il est bon de se rappeler que nombre des problèmes du secteur restent inchangés : les insuffisances de la politique d'aide à la création d'entreprises, l'instabilité juridique et fiscale dont elles pâtissent, le manque de capitaux investis, le plafond de verre - largement culturel - qui pénalise la croissance de ces jeunes entreprises, les difficultés qu'elles rencontrent  à contracter avec les grands groupes industriels, la faiblesse de l'investissement public sur ces secteurs, les difficultés à reconnaître l'innovation par les usages, et tant d'autres points qui restent à améliorer.
(...)

jeudi, septembre 29, 2011

Le capital numérique de Paris


Le débat sur "la filière TIC française" et les moyens de la soutenir est reparti de plus belle, notamment sous l'impulsion de nombreux acteurs, dont le CNN, la filière STICE, le fameux rapport McKinsey ou encore la CCIP.

Régulièrement auditionné, je dois presque toujours commencer par déplacer le débat, pour rappeler que le numérique ne se limite pas à Internet, que le numérique n'est pas une filière industrielle parmi d'autres, que nous faisons face à une transformation économique et sociale globale, qui est d'ailleurs de plus en plus une compétition entre métropoles, et que chaque écosystème doit d'abord trouver son propre projet, sa propre vision, sans chercher à copier les autres.

Je sais que nous sommes tous d'accord sur ces points, mais il est bien difficile de traduire cette vision dans le langage des politiques publiques institutionnelles. Parce qu'il se passe bien quelque chose ici, dans la métropole parisienne, quelque chose qui dépasse largement tout ce qui pourrait être enfermé dans une simple filière industrielle.

Le numérique, au sens large, est un secteur porteur en France. Selon l'étude de McKinsey déjà citée, il est responsable de 25 % de la croissance française et de 25 % de la création nette d'emplois - pour les deux tiers grâce à la transformation des autres industries-. La France est le pays au monde constatant le plus fort revenu logiciel par habitant. Nous sommes par exemple le seul pays à part les US dont la balance commerciale des applications I-Phone soit positive.

Paris, "Europe's hottest startup capital"
(c'est le titre d'un article de Wired UK cet été).

La métropole parisienne, qui rassemble plus de la moitié de la recherche, de l'investissement et de l'emploi est le moteur de ce succès français.

Régulièrement classée comme première ou deuxième ville la plus innovante au monde, reconnue par l'Europe comme la région la plus dense en emplois dans les TIC (plus de 15% des emplois), elle est objectivement l'une des quatre ou cinq régions mondiales qui pèsent en matière de création numérique.
On ne parle pas seulement ici d'un potentiel. A l'évidence, la France a vu naître les plus belles startups mondiales non américaines : Critéo, Jolicloud, Netvibes, Dailymotion, Price-Minister, Deezer, Exalead et beaucoup d'autres sont là pour en témoigner. Et j'en omets beaucoup, des célèbres, mais aussi celles de la jeune garde qui arrive.

mercredi, mai 25, 2011

La résistible ascension des nouveaux Barbares

Ci-joint un petit texte concocté avec mon ami Christophe Stener, portant sur les objectifs et la stratégie des nouveaux Barbares,  invités d'honneur du e-G8, et sur les réponses possibles par nos entreprises matures.



Après 800 ans de domination sans partage, les Romains furent emportés par une vague de barbares venus de plus loin et dont ils n’ont pas su dominer les attaques rapides, mobiles, sans respect des règles habituelles du combat lourd que maîtrisaient leurs phalanges..
Les entreprises leaders de l’économie du XXe siècle sont-elles condamnées à subir le même sort ? Les nouveaux entrants, nés dans Internet (Internet natives) que sont les Google, Facebook, Apple, Amazon, semblent en effet avoir la même mobilité, la même ambition et le même dédain pour les règles classiques que les anciens barbares.

Face à ce déferlement, les entreprises matures, leaders mondiaux de leurs secteurs, ont compris et intégré une partie des technologies numériques en particulier le commerce électronique et le marketing viral. Mais ils restent quand même prisonniers de modèles‘brick et mortar’, sans pouvoir ou savoir reconstruire toute leur chaine de valeur par rapport au eclient. La stratégie multi canal est un bon exemple. Indispensable, elle n’est pourtant qu’un ‘barrage contre le Pacifique’ contre ces ‘nouveaux barbares’ qui pillent les chaînes actuelles des acteurs traditionnels.
Les entreprises les plus directement impactées sont celles qui vendent des biens et services aux particuliers (Business to Consumers). Leur capital est composé de leur marque, de leur réseau commercial, de leur savoir faire métier... mais surtout de leur capacité à capter, à satisfaire et à conserver leurs clients. Le client est le capital le plus précieux mais aussi le plus fragile de l’entreprise. La relation avec le client est de plus en plus nouée et fidélisée par les nouveaux outils numériques : mailings ciblés, liens commerciaux sur les sites de recherche ou communautaires, galeries marchandes sur ordinateur et sur téléphones intelligents (smart phones), offres groupées avec d’autres partenaires (bancaires, tourisme, assureurs,...), cartes de fidélisation et de paiement... Les entreprises ‘brick et mortar’ ont compris qu’Internet était le média majeur au XXIe siècle.
C’est justement sur ce lien entre l’entreprise et le client que les ‘nouveaux barbares’ ont décidé de devenir les points de passage obligés pour vendre leurs propres biens et services concurrents des entreprises ‘classiques’ et/ou faire payer à celles-ci des droits de péage, nouvelle forme de droit d’octroi numérique.

dimanche, mai 22, 2011

Vers un libéralisme des données ?


Mercredi dernier, j’ai été invité par les organisateurs de I-Expo à une table ronde animée par  Bernard Benhamou, un vieil ami.
Intervenaient également deux autres amis : Stéphane Distinguin et Axel Adida (un entrepreneur confirmé et un entrepreneur dont on entendra bientôt parler). Nous étions donc globalement assez d’accord entre nous.
Nous parlions de l’immense bascule qui s’est produite en quelques années : les produits et services grand public sont désormais si performants que la puissance de calcul, la puissance de communication et la puissance de création à l’extérieur des entreprises sont supérieures à ce que l’on trouve à l’intérieur des organisations.
Nous évoquions les changements énormes que cela apporte dans l’organisation du travail, dans les stratégies d’innovation, dans la conception des services. Inutile de préciser que nous étions plutôt d’accord entre nous sur notre socle de conviction : open innovation, open data, importance des startups, de l’innovation de services, de la mobilité, etc.

Mais une question du public nous a conduit sur un problème beaucoup plus ardu, qui a légèrement troublé notre bel unanimisme.
La question est au fond de savoir si l’ouverture des données, privées et publiques, ne risque pas de favoriser leur prise de contrôle par les grands acteurs américains que sont Google, Apple, et peut-être Facebook. 

Captation de valeur par les nouveaux monopoles ? Les termes du débat sont assez simples.

dimanche, mai 08, 2011

La Valeur écartelée


Le Think Tank de l’Institut Télécom a reçu l’autre jour un intervenant passionnant : Laurent Gille, économiste à la culture profonde, anthropologue à ses heures, sociologue parfois, auteur entre autres de livres comme Les Dilemmes de l’économie numérique, ou Aux sources de la valeur : des biens et des liens.

L'un des constats - surprenant - de Laurent Gille est que la civilisation numérique naissante semble parfois remobiliser certains des principes de l’ordre prémarchand.

Il faut d'abord se rappeler que les sociétés humaines n'accordent pas seulement de la valeur aux choses - ce que regarde l'économie - mais aussi aux individus et à d'autres choses "non négociables'. Et si la théorie économique s’est centrée, construite peut-être, sur l’analyse de la valeur des choses, celle-ci n’explique pas, et de loin, l’ensemble du fonctionnement de nos sociétés.


mercredi, janvier 19, 2011

Qu'est-ce que la puissance économique aujourd'hui ?



C'est peu de dire que le discours sur la désindustrialisation de la France est aujourd'hui dominant. Et cette fausse évidence appelle donc en riposte un discours symétrique sur la nécessaire réindustrialisation.

Quel rapport avec ce blog plutôt consacré à la transformation numérique ? A l'innovation, aux changements de société, à la nouvelle économie, au web et à ses évolutions ultra-rapides ?

Eh bien, je crois que le rapport est très étroit.
La compétition numérique en cours est constituée d'une série de batailles, parfois très rapides bataille des télécommunications, bataille des contenus, bataille des données, bataille des services, etc. Ces compétitions sont des compétitions globales, de politiques industrielle, dont les géants émergents ne sont qu'une partie émergée. L'excellence française dans ces compétitions est donc étroitement corrélée à la vision nationale de ce qu'est la puissance économique. Si l'on se tourne excessivement vers les recettes passées, si on construit une politique industrielle et économique sur des schémas datés, si l'on sépare, voire si l'on oppose, artificiellement, les différentes manières de créer de la valeur, il est peu probable que nous saurons revenir en tête du peloton des pays les plus innovants et les plus compétitifs.

Pour les entreprises réellement innovantes, souvent fondées sur les technologies numériques, qui recherchent la scalabilité, l'hypercroissance, de nouveaux usages, de nouvelles valeurs d'usage, une organisation dynamique de l'innovation, fondée en particulier sur l'agnosticisme technologique, ce débat est donc un véritable chausse-trappe.

Bref, si l'on s'obstine à penser le numérique comme une filière industrielle, on renoncera aussi bien à Avatar qu'à Google, Foursquare ou Quora et on se mettra tous seuls sur la touche pendant que d'autres feront la révolution de civilisation qu'est la Révolution numérique.
Nous ne voulons pas choisir entre un cartel d'industries matures et une alliance avec les emplois à domicile. Nous avons besoin d'une nouvelle alliance, dans l'esprit de ce que j'évoquais dans mon billet sur la filière de l'innovation, et dans l'esprit du projet d'Institut de recherche technologique que nous avons conu.

dimanche, janvier 02, 2011

Le triomphe de la Cité

Edward L. Glaeser est un jeune professeur d'économie de Harvard, dont les nombreux travaux sont en train de redonner toutes ses lettres de noblesse à l'économie urbaine.

Il est notamment admiré, me dit-on, pour sa grande capacité à produire des modèles sophistiqués, mêlant théorie des jeux, théorie des prix, micro-économie... et à les tester avec des données extraites des situations réelles.

Edward L Glaeser a signé, dans le Boston Globe de la semaine dernière, un court article très stimulant expliquant que "la renaissance de l'Amérique commence dans les villes".

Cet article est une véritable profession de foi en faveur des écosystèmes urbains, socialement brassés, toniques et créatifs, tels que je les défendais dans mon billet sur la "filière de l'innovation" : "L'avance des villes en matière d'innovation explique pourquoi la technologie et la mondialisation ont rendue les villes de plus en plus -et non de moins en moins - importantes. Le bénéfice accordé à l'intelligence est de plus en plus grand, et les gens deviennent plus intelligents en étant entourés de gens intelligents, dans les villes."

Finalement, le phénomène du campus ne serait-il qu'une pâle imitation du phénomène urbain ?

mardi, décembre 07, 2010

Faut-il bâtir une filière de l'innovation ?

Il y a un sujet, d'apparence technique, que je voudrais partager avec mes lecteurs. Il porte sur la politique industrielle française.

Ayant découvert, ces dernières années, l'efficacité de la "coopétition", le gouvernement encourage désormais différentes formes d'organisation industrielle impliquant les acteurs, grands et petits. C'est plutôt bien, naturellement.


C'est ainsi que les Etats Généraux de l'Industrie qui se sont tenus l'année dernière ont abouti à la mise en place d'une politique de filières, 11 filières parmi lesquelles les technologies de l'information, de la communication et des services.


C'est ainsi aussi que le Commissariat général aux investissements d'avenir (le "Grand emprunt") a annoncé la création de quelques "Instituts de recherche technologique" et vient de lancer un appel à propositions.

C'est ainsi, enfin, que l'aménagement du plateau de Saclay est en passe de devenir le fer de lance de la politique industrielle française. C'est-à-dire une politique (intéressante au demeurant) de concentration de forces d'enseignement et de recherche, mais loin des publics, loin des créatifs, loin des lieux de rencontre et d'ébullition.

vendredi, avril 09, 2010

Comment Amazon et Apple transforment la chaîne de valeur en boucle de valeur


Plusieurs rencontres récentes m'ont permis de poursuivre une réflexion engagée d'abord grâce à mon rejet de la distinction "tuyaux / contenus", puis nettement enrichie grâce à l'intervention de Yann Moulier Boutang à l'Institut Télécom.

Ce cheminement me conduit à recentrer la réflexion sur les évolutions des industries culturelles autour de la question de la chaîne de valeur. J'ai la conviction que cette manière de poser le problème que cette approche est très riche de perspectives, tant pour l'analyse de la transformation numérique que pour un éventuel programme de travail.

lundi, février 22, 2010

Réflexions sur le capitalisme cognitif

La Fondation Télécom a reçu cette semaine Yann Moulier Boutang, économiste, chercheur, éditeur et militant, avec qui nous avons longuement échangé sur l'économie post-numérique.

Je ne saurais, en un billet, résumer les analyses - et moins encore le système d'analyse - d'un auteur comme Yann. Pour ceux qui voudront aller plus loin, je recommande son ouvrage récent, Le Capitalisme cognitif, ou le prochain qui devrait paraître dans quelques semaines, L'Abeille et l'économiste.

Je voudrais en revanche partager ici quelques-uns de ses postulats qui, personnellement, me semblent très probants. Et si ce billet s'éloignait trop des analyses de Yann Moulier Boutang, disons alors qu'il présente les analyses personnelles que m'inspire cette pensée et les nombreux échanges que j'ai là dessus avec Antoine Rebiscoul, qui travaille pas mal avec Yann.

lundi, mars 02, 2009

Le Monde ne se pilote pas comme une usine



Pour certains, l’"empire du management"  commence à la Renaissance et explique en large part les succès de l’Occident, comme ses difficultés d’aujourd’hui. Pour la plupart, c’est simplement une réalité quotidienne, qui se durcit dans le monde de l’entreprise et gagne insensiblement d’autres sphères de la réalité sociale. Avec Tony Blair, il a acquis d’incroyables lettres de noblesses en matière de politiques publiques… On apprend ainsi dans ce livre que la privatisation des prisons américaines est encadrée par une liste de 464 standards, tous dûment notés par une agence… ce qui n’empêche pas de trouver dix fois plus de blessés dans les prisons privées… Partout, en effet, se développe ce "gouvernement par le consentement", c’est-à-dire, selon Maya Beauvallet, cette tentative "d’encourager les individus à adopter tel ou tel comportement, ou au contraire de les en dissuader, en jouant sur leur intérêt bien compris. Le mécanisme le plus élémentaire repose sur la récompense ou la pénalité : si vous faites ceci, vous gagnerez cela ; si vous ne faites pas ceci, vous n’aurez pas cela."Le point commun entre l’usine automobile, la crèche israélienne, l’hôpital new-yorkais, la charcuterie italienne, la privatisation des prisons ou la gouvernance de la recherche ? Tous sont pilotés par des indicateurs et des incitations qui ont tourné en fiascos, analysés dans ce réjouissant livre de Maya Beauvallet.
Cette pratique de gouvernance repose sur des présupposés qui méritent analyse. Elle a sa logique, qui s’écarte, par exemple, de la logique de l’honneur, et privilégie la représentation d’un acteur rationnel optimisant son intérêt… Mais surtout, bien souvent, elle ne fonctionne pas.