Peter Sloterdijk est un philosophe et écrivain allemand contemporain. Sa réputation parfois sulfureuse, surtout depuis la publication des Règles pour le dressage du parc humain ne doit pas dissimuler un esprit authentiquement novateur, s’emparant des problèmes contemporains avec une audace et un décalage de point de vue des plus féconds. Sloterddijk doit être lu pour ce qu’il écrit, et non pas pour les polémiques médiatiques ni pour son apparence romanesque.
Dans le même bateau propose, dans une manière bien allemande que l’on retrouve par exemple chez Hans Jonas (Le Concept de Dieu après Auschwitz), une sorte de parabole, de genèse fictive, d’histoire imaginaire de l’humanité qui permet de forger des concepts éclairants et de répondre à la question : du « dégoût que la société actuelle éprouve pour sa classe politique ».
La réponse de Sloterdijk tourne le dos aux explications philosophiques ou sociologiques pour proposer, à mille lieues des commentaires journalistiques habituels, une réflexion fondée sur ce qui fait appartenance, ce qui fait que les groupes humains tiennent ensemble et la manière dont cette cohésion fonctionne.
Cette histoire (imaginaire, une fois encore) des modes d’être ensemble distingue trois étapes, racontées selon une métaphore marine : l’âge « paléopolitique » serait celui de petites communautés (des clans) « dérivant sur des radeaux ». La seconde période (celle de la politique « classique » serait celle de la « navigation côtière » de navires souverains obéissant à l’ordre disciplinaire et aux idées de grandeur. Le troisième âge, dans lequel nous serions entrés, serait celui de « gigantesques super-ferries, quasiment ingouvernables en raison de leur taille monstrueuse et sillonnant un océan de naufragés ».