mercredi, janvier 13, 2010

Ce maudit plafond de verre

La Une du Monde daté de ce jour apporte un éclairage nouveau sur ce que je considère comme notre pire problème économique français : ce plafond de verre qui bloque la croissance des PME européennes et singulièrement françaises.

La question est simple : il est quasiment impossible en France de créer son entreprise et d'en faire, à vie humaine, un grand groupe. Comme l'a rappelé Nicolas Véron dans un récent colloque, sur les 500 premières entreprises mondiales, on compte 154 Européennes dont 12 nées après 1950, alors que l'on compte 174 Américaines dont 54 nées après 1950.





Entendons-nous bien. Tout n'est pas noir dans ce constat. Il est par exemple possible de considérer qu'une partie de ce phénomène s'explique par une plus grande capacité d'adaptation de nos grands groupes aux évolutions de l'environnement. Il est possible de considérer que comme en écologie, les vieilles forêts primaires (comme certaines forêts tropicales et boréales) s'équilibrent naturellement dans une stabilité dense mais immobile.C'est ainsi qu'en 5 ans, la part des entreprises américaines dans la capitalisation de ces 500 entreprises est passée de 58 % à 41 %, alors que celle de l'Europe est restée stable et que celle de l'Asie a bondi.

Mais pour les sujets qui nous intéressent, le numérique, l'innovation, l'hypercroissance, le changement économique et social, la naissance d'une nouvelle civilisation, cette structure industrielle est un handicap considérable. Pour rester dans la métaphore écologique, il faudrait des sous-bois aérés, de belles fûtaies pour que les nouvelles variétés puissent naître et prospérer.

Je pense d'ailleurs pour ma part que c'est le principal handicap de l'économie française. Nous avons des ingénieurs de meilleur niveau mondial, nos managers et commerciaux sont un peu moins au top niveau mondial mais ne sont pas ridicules non plus, les Français sont créatifs, entreprenants et audacieux, la productivité française est meilleure qu'on ne le pense en général, nos entreprises se sont coulées dans la mondialisation et y rencontrent de grands succès...

Mais nous avons ce plafond de verre. Nous avons ce fossé croissant entre les grandes entreprises et les PME. Nous avons cette ghettoisation des TPE / PME. Tout le monde en souffre. Les PME y perdent du potentiel de croissance. les grands groupes y perdent de la capacité d'innovation. L'emploi y perd puisque ce sont les PME qui en créent le plus...

De nombreuses explications sont avancées. La structure de financement des PME par exemple. Mais j'ai toujours considéré que le coeur du problème était culturel. Qu'il était de l'ordre de ce qu'on appelait autrefois le "capitalisme monopolistique d'Etat". En gros, la matrice de la société française est encore très "ancien régime", avec une noblesse d'Etat qui peine à prendre en compte les PME, les territoires et de manière générale tout ce qui n'est pas jacobin. Et avec un système éducatif et des modalités de sélection des élites à l'avenant. A l'inverse, l'organisation politique, économique et industrielle allemande nous montre ce qu'est un système décentralisé (les Länder), confiant dans ses PME, favorable  l'apprentissage...

L'article du Monde de ce jour analyse trois études récentes portant les conseils d'administrations et les directions des entreprises du CAC 40. Il est accablant. Alors que ces 40 fleurons de l'industroe française comprennent 560 sièges d'administrateurs (environ), 46 % des votes sont concentrés entre les mains de 98 personnes qui multiplient les postes. Pour l'essentiel, des hommes (on suppose blancs), de plus de 50 ans. Moins de 10 % de femmes.

Pour les dirigeants, la situation est presque plus endogamme encore. 95 dirigeants, 15 étrangers seulement, des hommes pour l'essentiel, 57 ans en moyenne. Sur les 80 Français, 63 ont au moins un diplôme de polytechnique, ENA, HEC ou Essec.

Aucune remise en cause personnelle. La plupart sont des gens de grand talent. Le seul problème est cette endogamie. Des cercles qui se fréquentent depuis des années, qui frayent avec les élites administratives et politiques, et qui cultivent, à leur insu bien souvent, une vision homogène, hexagonale et datée du monde et de l'entreprise.

Il faudra bien le faire sauter, ce plafond de verre. Mais ça ne sera pas facile...

1 commentaire:

  1. Je voulais apporter une réponse, mais elle se révèle bien trop longue pour être acceptée ici. Elle sera en fait ici :
    http://www.dazibaoueb.fr/article.php?art=10002
    merci.

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