Les "Communs" reviennent en force dans le débat public. Avec une force qui mérite qu'on creuse un peu cette notion, même si elle devient l'un des buzzwords que la toile affectionne.
Les "Communs" avaient été un peu oubliés depuis quelques décennies. Malgré les travaux essentiels de l’économiste Elinor Ostrom, qui lui avaient valu un prix de la banque de Suède en matière d'économie (le "prix Nobel" d'économie), la sentence de Garett Hardin sur la "tragédie des communs" semblait définitive, dans un monde simplifié par une vulgate néolibérale assez prompte à sauter sur des conclusions rapides. Les millénaires de sociétés équilibrées exploitant en commun leurs forêts, leurs ressources halieutiques ou maintenant collectivement leurs terrasses, leurs chemins ou d'autres infrastructures semblaient complètement occultés.
Et puis, de nouveau, le concept s'est retrouvé au coeur du débat public.
Dans les faits tout d'abord, avec l'incroyable succès de grands communs contributifs comme Wikipédia, OpenStreetMap, OpenFoodFacts et beaucoup d'autres à venir. Sans compter le rôle du logiciel libre dans l'existence même d'Internet et de la société dans laquelle nous vivons aujourd'hui.
Ces différents projets contributifs ne sont pas seulement des succès de réalisation, parfois étonnants. Ils deviennent aussi des plateformes essentielles à de nombreuses activités économiques et à de nombreux services publics. Et bien souvent le dernier rempart contre la domination des grandes plateformes développées par les GAFA.
Dans la production intellectuelle ensuite, avec le succès du livre de Pierre Dardot et Christian Laval, par exemple. Ou avec la place que prend ce concept dans le dernier opus de Jeremy Rifkin.
Dans le débat public aussi, comme en témoigne par exemple le débat noué en marge de la loi Lemaire sur la définition d'un domaine commun immatériel.
Et puis dans nos pratiques et nos usages, chez Etalab par exemple, où nous mesurons chaque jour tout ce qu'apporte un travail fondé sur le développement et l'utilisation de nouveaux communs contributifs et ouverts, comme OpenFisca ou la Base Adresse Nationale.
Dans un tel Maelström, il devenait important d'essayer de poser un peu calmement les concepts et de s'assurer quelques outils conceptuels et méthodologiques pour mieux maîtriser les débats et les activités dans lesquels nous sommes engagés au quotidien. C'est pourquoi j'ai été extrêmement heureux lorsque la Chaire Finance et développement durable de l'université Paris Dauphine, m'a proposé de travailler avec un jeune élève de l'Ecole normale supérieure, de grand talent, Charles Murciano, pour mettre un peu ces idées au clair.
Le résultat : un travail que nous avons voulu assez complet, essayant de réinterroger la distinction désormais classique entre biens communs et biens publics, d'interroger également ses transformation à l'ère de la révolution numérique, de mettre à jour les spécificités des communs numériques et de nous demander ce qu'ils apportent aujourd'hui, à l'action politique et à la pensée économique. Vous pouvez en lire l'intégralité dans la revue de la Chaire (et en Anglais).
En matière de communs, le travail de l’économiste Elinor Ostrom est incontournable. Il est à l’origine de l’acception technique des biens communs, désignant d’abord une ressource rivale et non-exclusive, ce qui les distingue des biens publics, qui eux, sont non rivaux et non exclusifs. Quelle importance ? L'importance est qu'il n'y a pas de risque de surprédation des biens publics, et donc pas de problème à les traiter comme des externalités quasiment gratuites.
Mais son apport est surtout d’avoir souligné la dualité des communs, à la fois ressource exploitée en commun et régime de droits de propriété dérogeant au paradigme de la propriété privée. C'est sans doute ce que négligent tous ceux qui se résignent à la fatalité de la tragédie des communs, mais aussi tous ceux qui voudraient appliquer des idées simplistes à l'ouverture (des données, des modèles, des logiciels ou des communs) et renoncer à un travail approfondi sur les règles de contribution et d'exploitation qui doivent être définies pour en garantir la pérennité.
Notre travail a donc emprunté la reconnaissance de cette ambivalence aux travaux d’Ostrom, afin de la spécifier à l’ère numérique, et d’en dégager de nouveaux enjeux d’économie politique.
Les "Communs" avaient été un peu oubliés depuis quelques décennies. Malgré les travaux essentiels de l’économiste Elinor Ostrom, qui lui avaient valu un prix de la banque de Suède en matière d'économie (le "prix Nobel" d'économie), la sentence de Garett Hardin sur la "tragédie des communs" semblait définitive, dans un monde simplifié par une vulgate néolibérale assez prompte à sauter sur des conclusions rapides. Les millénaires de sociétés équilibrées exploitant en commun leurs forêts, leurs ressources halieutiques ou maintenant collectivement leurs terrasses, leurs chemins ou d'autres infrastructures semblaient complètement occultés.
Et puis, de nouveau, le concept s'est retrouvé au coeur du débat public.
Dans les faits tout d'abord, avec l'incroyable succès de grands communs contributifs comme Wikipédia, OpenStreetMap, OpenFoodFacts et beaucoup d'autres à venir. Sans compter le rôle du logiciel libre dans l'existence même d'Internet et de la société dans laquelle nous vivons aujourd'hui.
Ces différents projets contributifs ne sont pas seulement des succès de réalisation, parfois étonnants. Ils deviennent aussi des plateformes essentielles à de nombreuses activités économiques et à de nombreux services publics. Et bien souvent le dernier rempart contre la domination des grandes plateformes développées par les GAFA.
Dans la production intellectuelle ensuite, avec le succès du livre de Pierre Dardot et Christian Laval, par exemple. Ou avec la place que prend ce concept dans le dernier opus de Jeremy Rifkin.
Dans le débat public aussi, comme en témoigne par exemple le débat noué en marge de la loi Lemaire sur la définition d'un domaine commun immatériel.
Et puis dans nos pratiques et nos usages, chez Etalab par exemple, où nous mesurons chaque jour tout ce qu'apporte un travail fondé sur le développement et l'utilisation de nouveaux communs contributifs et ouverts, comme OpenFisca ou la Base Adresse Nationale.
Dans un tel Maelström, il devenait important d'essayer de poser un peu calmement les concepts et de s'assurer quelques outils conceptuels et méthodologiques pour mieux maîtriser les débats et les activités dans lesquels nous sommes engagés au quotidien. C'est pourquoi j'ai été extrêmement heureux lorsque la Chaire Finance et développement durable de l'université Paris Dauphine, m'a proposé de travailler avec un jeune élève de l'Ecole normale supérieure, de grand talent, Charles Murciano, pour mettre un peu ces idées au clair.
Le résultat : un travail que nous avons voulu assez complet, essayant de réinterroger la distinction désormais classique entre biens communs et biens publics, d'interroger également ses transformation à l'ère de la révolution numérique, de mettre à jour les spécificités des communs numériques et de nous demander ce qu'ils apportent aujourd'hui, à l'action politique et à la pensée économique. Vous pouvez en lire l'intégralité dans la revue de la Chaire (et en Anglais).
En matière de communs, le travail de l’économiste Elinor Ostrom est incontournable. Il est à l’origine de l’acception technique des biens communs, désignant d’abord une ressource rivale et non-exclusive, ce qui les distingue des biens publics, qui eux, sont non rivaux et non exclusifs. Quelle importance ? L'importance est qu'il n'y a pas de risque de surprédation des biens publics, et donc pas de problème à les traiter comme des externalités quasiment gratuites.
Mais son apport est surtout d’avoir souligné la dualité des communs, à la fois ressource exploitée en commun et régime de droits de propriété dérogeant au paradigme de la propriété privée. C'est sans doute ce que négligent tous ceux qui se résignent à la fatalité de la tragédie des communs, mais aussi tous ceux qui voudraient appliquer des idées simplistes à l'ouverture (des données, des modèles, des logiciels ou des communs) et renoncer à un travail approfondi sur les règles de contribution et d'exploitation qui doivent être définies pour en garantir la pérennité.
Notre travail a donc emprunté la reconnaissance de cette ambivalence aux travaux d’Ostrom, afin de la spécifier à l’ère numérique, et d’en dégager de nouveaux enjeux d’économie politique.
En s’appuyant sur l’analyse de
communs empiriques existant (la Base Adresse Nationale, en France, les licences
Creative Commons, etc.), notre travail soutient d’abord qu’un bien commun numérique
n’est pas un bien commun au sens des économistes, ce qui explique sans doute un certain nombre d'approximations et d'imprécisions du débat actuel, y compris - disons-le - des écrits de Rifkin.
La ressource numérique partagée ne
saurait être rivale, étant immatérielle. Elle ne s'épuise pas d'être consommée. Elle est même anti-rivale, en
raison des effets des réseaux qui la caractérisent. Très concrètement, une ressource numérique utilisée prend de la valeur, au minimum parce qu'elle génère des données d'utilisations qui ont elles-mêmes une grande valeur, au mieux parce qu'elle est organisée pour susciter et capter la contribution des utilisateurs. Et pourtant, la plupart du temps, elle n'est pas non plus comparable à un bien public en ce qu'elle doit être entretenue par un important effort collectif.
Notre analyse s'écarte donc d'une acception radicale des communs, qui érige ceux-ci
en biens publics, non-rivaux et entièrement libres d’accès comme d’usage pour les utilisateurs
finaux. L’accès aux biens communs numériques peut, pour nous, être conditionné au
respect de règles d’utilisation et de partage, établies par des systèmes de
licences, et ces règles sont bien souvent indispensables pour enclencher une dynamique vertueuse de développement et d'amélioration d'un bien commun tout en en empêchant l'aliénation par un monopole.
D’où l'importance de la réflexion sur la logique institutionnelle des nouveaux communs numériques, que nous interrogeons d’abord en termes de droits de
propriété. L’émergence, grâce au numérique, des communs de la connaissance
s’est très vite accompagnée de nouvelles formes d’enclosures. L'insuffisance d'analyse juridique initiale ayant permis à certains de les analyser comme une res nullius, qui devenaient ainsi appropriables.
Il faut s'arrêter un instant sur l'importance de cette question de la propriété. Comme l'explique très bien Yann Moulier Boutang, l'Occident a longtemps su distinguer différents attributs du droit de propriété (usus, abusus, fructus) qui ont permis de nombreuses formes de gestion des biens (droit d'usage mais pas de modification, droit de modification mais pas d'aliénation, etc.). C'est dans cette pensée riche et nuancée que se sont épanouis les grands communs "physiques". Et c'est, à l'âge classique, l'incapacité à reconnaître ces formes de propriété (tout ce qui ne comprenait pas à la fois l'usus, l'abusus et le fructus étant considéré res nullius et accaparé par le premier venu) qui a valu tant de tragédies écologiques, anthropologiques et humaines.
Curieusement, à cause sans doute de son caractère immatériel, le droit de la propriété intellectuelle a conservé toutes ses nuances, séparant nettement le droit d'accès, de représentation, de modification, etc. Au prix en revanche de régimes de contrôle extrêmement sophistiqués des usages des biens culturels. Je dis "curieusement", car ce sont aujourd'hui les industries culturelles qui semblent les plus réticentes à embrasser la pensée des communs dont elles sont pourtant la plus grande preuve de la pertinence. Nous en reparlerons une autre fois.
Car ce que la révolution numérique apporte à l'économie, c'est en particulier la possibilité économique et technique de tracer précisément les utilisations de la ressource. La séparation des attributs du droit de propriété (usus, abusus, fructus), enterrée
par la propriété privée marchande, redevient aisée et de facto, pertinente. Les communs numériques peuvent être régis par
des règles, dont la sophistication connaît a
priori peu de limites.
Notre travail débouche ainsi sur le constat que
ces caractéristiques propres aux communs de l’ère numérique sont à l’origine
d’une nouvelle donne en termes d’économie politique. La séparation prénumérique entre le marché, les communs et l’Etat a perdu sa rigidité. Les formes d'alliances, de contribution, de mobilisation se diversifient. En
particulier, de nouvelles formes d'action publique, fondées sur les communs numériques deviennent envisageables. C'est ce que nous testons par exemple avec la Base Adresse Nationale, mais aussi avec le projet Le.taxi ou avec Open Fisca. C'est ce que recherche l'ARCEP quand Sébastien Soriano, son président, annonce que "C'est vers ce rôle de cadre souple et facilitateur que notre régulation doit évoluer: Open Data, Crowdsourcing, régulation collaborative... Il nous faut apprendre à stimuler, mettre en capacité d'agir, dans une logique d'Etat-plateforme, et à travailler avec les communautés informelles de chercheurs, de programmeurs, etc."
En s'alliant avec la Multitude, notamment autour de grands communs numériques, la Puissance publique peut trouver de nouveaux chemins pour remplir sa mission : être durablement la puissance du public.
Cher Henri, AMHA, les "communs" resteront malheureusement une chimère (et un buzzword) tant que notre "protocole monétaire" ne sera pas devenu lui-même un commun... C'est évidemment une idée un peu provocatrice pour les agents de l’État (et de l'industrie) qui ont l'habitude de passer la question de la création monétaire sous silence, ou bien de ne la considérer au mieux que comme un "service public" (ce qu'elle n'est pas du tout aujourd'hui).
RépondreSupprimerhttp://revenudebase.info/2016/03/23/revenu-de-base-protocole-monetaire-commun/
Merci pour cet article éclairant. Cependant je ne mets pas les grands communs numériques au centre des enjeux actuels des communs, ce qui est en ce moment une tendance un peu trop générale. Il me semble en revanche que les priorités des communs devraient s'orienter vers les ressources naturelles vitales, eau, terres arables, énergie... liées bien sûr aux graves questions climatiques; à mon avis tout devrait être fait dans ce domaine pour le développement à grande échelle de communs territorialisés.
RépondreSupprimerJe viens de publier à ce sujet "(Biens) communs, quel avenir?" (éd. Yves Michel) http://communs-et-ess.blogspot.fr/2016/02/biens-communs-quel-avenir.html
Merci pour votre attention
Très intéressant article, qui m'a rendu sensible à beaucoup de choses. Mais je ne suis pas d'accord avec tout, ou en tous cas peut être il faudrait mieux l'expliquer.
RépondreSupprimerAinsi "La ressource numérique partagée ne saurait être rivale, étant immatérielle." Peut être que la ressource numérique n'est pas rivale, je n'en sais rien (je ne sais pas trop ce que vous entendez par "rivale"), en tous les cas il me semble rapide de dire qu'elle est immatérielle : pour y accéder il faut de l'énergie, et pas qu'un peu, il faut des outils parfaitement matériels, des méthodes strictes, et ainsi de suite. Dire qu'elle est immatérielle c'est comme dire qu'une voiture est immatérielle au motif qu'elle se déplace facilement, ou que le parchemin est immatériel au motif que quand on écrivait sur des pierres c'était beaucoup plus lourd.
Les projets contributifs seraient les derniers remparts contre les gafa ? Non, je ne crois pas. Non seulement les gafas sont parmi les premiers contributeurs - ou faciliteurs - des projets contributifs numériques, ce qui complexifie la situation, mais, par exemple, le gouvernement américain n'est pas toujours d'accord avec les gafa... mais peut être voyez-vous le gouvernement américain comme un projet contributif en bien commun ? pourquoi pas, je ne sais pas.
Pour le reste j'ai été très intéressé par tous ces communs numériques que vous citez, notamment la base adresse. Je la connaissais déjà, mais j'ignorais qu'elle avait une si grande importance. Ça m'intéresserait que vous en parliez un peu plus. Par contre, aucun projet dans le domaine artistique, ou alors j'ai mal lu ? pourtant ils sont très actifs dans le domaine numérique (et de mon opinion les artistes sont très loin de le voir comme une entité immatérielle, ahem).
Très inspirant aussi vos développements sur la notion de propriété. Mais là encore le problème matériel/immatériel me parait perturbant dans votre réflexion. Pour toute personne qui a vu un serveur, il est bien évident que sa consommation l'épuise, contrairement à ce que vous dites. C'est même une des formes d'attaque les plus connues.
Certes, on dit qu'un utilisateur donne de la valeur à un produit, mais c'est d'abord dans les cas où les utilisateurs sont vus comme des produits, selon la célèbre remarque. Si wikipédia ne réussissait pas ses levées de fond financières, il n'y aurait plus de wikipédia depuis longtemps, malgré tous ses utilisateurs.
Et une ressource numérique ne génère pas des données d'usage par l'opération du saint esprit, mais par la volonté de ceux qui la conçoive. Et il y a beaucoup de concepteurs de biens communs numériques qui ne veulent pas que leur ressource génère des données d'usage, comme le moteur de recherche searx, par exemple. Perdent-ils alors de la valeur ? Comment voyez-vous les choses pour ce genre de cas ?
Pour le reste, bravo. J'ignorais par exemple complètement l'existence de d'open food facts, ça à l'air très intéressant. merci.
Cordialement.
👏
SupprimerMerci pour votre contribution. Le sujet est important et toute avancée de la réflexion est utile.
RépondreSupprimerMon petit grain de sel : lorsque vous dites "La ressource numérique partagée ne saurait être rivale", vous faites un pléonasme me semble-t-il. La ressource est non rivale justement parce qu'elle est décrétée partagée, il s'agit d'une non rivalité par construction. Bien des ressources numériques sont rivales et leur valeur s'épuise dans le partage. Les externalités positives ne sont qu'une des modalités des effets de réseau, il existe aussi bien des externalités négatives.
Par ailleurs, je suis surpris de ne pas trouver deux paramètres dans votre raisonnement. Le temps ou le contexte, tout d'abord, la valeur d'une ressource numérique est très variable dans le temps qui peut faire évoluer de façon considérable, dans un sens ou l'autre, son contexte d'utilisation et donc sa valeur. L'attention, par ailleurs, dont on sait bien depuis H Simon qu'elle se substitue en terme de rivalité en cas d'abondance de biens informationnels. La tragédie des communs ne s'est-elle pas justement déplacée sur le numérique vers cette dimension-là ?
JM Salaun
Merci pour cet article très intéressant. On a déjà mentionné dans les commentaires la diversité des communs. Pour ma part se sont les communs scientifiques qui m’intéressent. Non seulement ils existent depuis longtemps maintenant, mais paradoxalement ils tendent à diminuer. J’entends par bien communs scientifiques la pratique de la libre mise en commun de ses travaux pour le bénéfice de tous les scientifiques via des publications, des conférences et des discussions entre pairs. Le partage est assurément un moteur de la science et il serait illusoire de penser que la multiplication des journaux, et le flot de publications renforcent ce partage. Le coût d’accès aux articles scientifiques réserve ceux-ci aux grands organismes de recherche et de nombreuses entraves juridiques existent à la diffusion libre d’un matériel publié. L’augmentation du nombre de brevets issus d’institutions publiques, la complexification des contrats de coopération vénalise encore plus la transmission d’informations scientifiques. Bien sûr, une certaine opposition s’organise (Open science, Open publication, …) mais les problèmes de propriétés intellectuelles et de monétisation de l’information prennent une place de plus en plus importante.
RépondreSupprimerLa recherche qui était ouverte à tous, se referme donc un peu. On peut se demander si, avec les progrès technologiques dans les échanges de données scientifiques, ceux-ci conserveront leurs caractères de gratuité ou s’ils deviendront des biens « presque communs mais pas tout à fait », des communs, privatisés en quelques sorte par des diffuseurs et des énormes institutions. La diffusion à faibles coûts semblait sonner la victoire des biens communs scientifiques mais rien n’est encore sûr. C’est la séparation des tâches, la professionnalisation des intermédiaires qui sapent les communs car les biens communs riment avec volonté commune et que sans un travail commun de chacun point de biens communs. Déléguer, privatiser la gestion des biens communs est une illusion de « free-riders » : l’entretien des biens communs est le travail de tous.
Peut-on affirmer que ces mutations soient un problème ? La science progresse toujours et la spécialisation, l’organisation et la financiarisation semble donner toute son efficacité à l’heure où la concurrence est de mise. La science est une activité de plus en plus intensive en capitaux alors pourquoi s’embêter avec des échanges non valorisés entre potentiels rivaux ? pourquoi donner de son temps pour partager sa connaissance gratuitement alors que l’on peut facilement profiter de sources privées en apparence gratuites et libres ?
Pour certains scientifiques - qui ne rejettent pas forcément la modernisation de la recherche - le partage des connaissances est une valeur essentielle et constitutive de leur métier. Une véritable économie des biens communs scientifiques suppose une élaboration commune, sans profit et sans restrictions, qui mette en valeur les contributeurs et leur contribution. C’est le projet de Medolo (medolo.org) de travailler à cela et notamment à la mise en valeur des informations scientifiques pointues contenues dans les brevets et qui sont si peu exploitées.
A relier aux écrits d'Henri Ollagnon sur le patrimoine commun local d'intérêt général. Une pièces supplémentaire du puzzle du "nouveau monde".
RépondreSupprimerSalut Henri,
RépondreSupprimerEn te lisant, je me demande aussi si les standards ne devraient pas intégrer une jurisprudence de communs, n'en seraient-ils pas aussi une expression ? Au contraire des normes qui restent du ressort de l'ancien monde à mon avis!
Y-a-t-il une référence (article ou livre) à lire sur le sujet dans les travaux d'Elinor Ostrom ?
Merci !
P