dimanche, janvier 03, 2010

Classes sociales ou propagations virales ?


Les 300 millions d'internautes revendiqués par Facebook (1/4 des internautes du monde) ne doivent pas faire oublier l'incroyable succès de Myspace, les 80 millions d'utilisateurs de Twitter, les 50 millions d'utilisateur d'Orkut (le réseau social de Google), dont 26 millions au Brésil, le succès de Mixi au Japon, ni ceux de Linkedin, Xing, Viadeo, etc.

Qu'on ne s'y trompe pas : c'est une lutte à mort qui s'est engagée entre les tenants du web classique, plat, hypertexte, algorithmique et hiérarchisé par le "pagerank" de Google, et les tenants d'un web social, centré sur l'utilisateur et son réseau relationnel, mû par la recommandation et la propagation virale.



En ce début d'année, 1/4 des pages vues aux Etats-Unis sont vues à travers Facebook. Ce n'est pas seulement un succès pour Facebook. Cela signifie qu'un quart des pages vues sur Internet aux Etats-Unis ne sont pas atteintes par des institutions (sites prestigieux, médias ou moteurs de recherche) mais à travers des recommandations au sein de réseaux informels.

De très nombreux chercheurs commencent aujourd'hui à interroger des pans entiers du réels à travers ces réseaux sociaux. Ainsi, Nicholas Christakis et James Fowler (que j'ai pu rencontrer à San Francisco grâce au programme "Orange Institute"), les auteurs de Connected, un livre qu'il faudrait lire en urgence, ont-ils commencé  prendre au sérieux ces "social sciences" et à produire d'étonnants résultats.

Veut-on analyser l'état de santé ? Fowler et Christakis montrent une très forte corrélation (positive) entre l'état de santé et le nombre de relations dans Facebook ainsi que la fréquence des interactions.

Veut-on regarder plus particulièrement l'obésité ? Les deux auteurs montrent qu'elle n'est pas aléatoirement distribuée, et qu'elle forme des "grappes" dans un réseau social donné ("qui se ressemble s'assemble") et découvrent ainsi une véritable épidémiologie de l'obésité.
Mais surtout, ils utilisent  les graphes sociaux pour analyser quelles sont les relations les plus efficaces pour prédire une co-occurence de l'obésité fournissant ainsi de nouveaux outils de prédiction, de "scoring" voire de prévention.


Il n'est jusqu'au bonheur que les deux auteurs n'étudient pour découvrir, oh surprise, une très forte tendance des gens heureux ou des gens malheureux (ici en bleu) à se regrouper au sein d'un graphe social.

Et tout est à l'avenant : la facilité à arrêter de fumer, la prévision du comportement des sénateurs US (en fonction du graphe de leurs sponsors), les décisions de la cour suprême (en fonction des interactions passées des magistrats).

A lire ces travaux, et d'autres comme ceux d'Eric Bonabeau, Français de Harvard, rencontré au cours du même voyage, on en vient à se demander si ce n'est pas le monde social lui-même qui est architecturé depuis toujours comme un graphe et qui se transforme aujourd'hui sous l'effet de l'incarnation de ces relations dans des réseaux sociaux informatiques.

Toutes ces catégories politiques ("classes sociales", etc.), toutes ces représentations sociologiques ("CSP") ou marketing ("tribus")... avaient-elles une quelconque réalité ou ne s'agissait-il que de concepts approximatifs et provisoires destinés à approximer ce que nous ne savions pas vraiment voir ?

1 commentaire:

  1. Gabriel Tarde a génialement intuité tout cela à la fin du XIXème siècle mais on ne possédait effectivement pas des moyens expérimentaux pour faire de sa sociologie la sociologie du XXème siècle. Grand bien lui en fasse, sa sociologie sera celle du XXIeme !A lire donc les lois de l'imitation ...

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