jeudi, mars 04, 2010

Entreprises : le nouveau contexte stratégique

Juste avant que je ne parte quelques jours, on m'a sollicité pour une contribution à un ouvrage collectif destiné à fêter les 25 ans de l'Epita. Les lecteurs fidèles de ce blog retrouveront quelques idées déjà exprimées, mais je suis très heureux de les repartager avec vous...
Je remercie Yannick Lejeune de son interview et de sa retranscription.

La civilisation numérique : un nouveau contexte stratégique pour l'entreprise

Ce n'est pas seulement le management ou la distribution qui sont bouleversés par le numérique : c'est la valeur, l'échange et les aspirations sociales. C'est une nouvelle civilisation qui se dessine, dans laquelle les règles stratégiques fondamentales seront redéfinies.

Chaque grande époque de civilisation peut être analysée comme un équilibre entre des technologies disponibles, un état de l’économie (lié à ces technologies – par exemple via leur besoin en concentration de capital), des politiques (ou des techniques de pouvoir) et des aspirations sociales. L'Antiquité, la Renaissance s'équilibraient autour d'une cohérence entre la manière de construire, de régir, de produire, de voyager... La Révolution industrielle a connu un autre équilibre avec le charbon, l’acier, le chemin de fer, Haussmann, des méthodes de police, le balbutiement des démocraties, l’émergence du concept de nation. Comme les Trente Glorieuses avec un accord entre l'avion, l’automobile, l’électricité, le pétrole, l’habitat vertical, la production de masse, les mass médias, le marketing et la consommation de masse. Ce qui est intéressant pour l’entreprise, c’est de sentir à chaque époque l’équilibre entre ce qu’est une entreprise, comment elle s'organise, ce que veulent les gens, ce qu’ils achètent, la manière dont ils s’informent... Tout cela est cohérent.

Or, j’ai la conviction que nous sommes en train de vivre l’émergence d’une nouvelle époque, dont les technologies de bases seront l’informatique, les télécoms et les nanotechnologies et qui verra émerger un nouvel équilibre. On en voit déjà les prémices : le marketing et la consommation de masse s’essoufflent ; on aspire à la personnalisation, la participation, à la transparence et au contrôle.


Ce qui change, ce n'est donc pas l'économie, c'est la civilisation et les entreprises devront y trouver leur place, leurs chaînes de valeurs,  leurs méthodes, leurs stratégies, leur organisation du travail et leurs techniques de management appropriés. Marc Giget, titulaire de la chaire d'innovation du Cnam, appelle cela la « synthèse créative » (et ce concept déborde largement l’économie). Tous les grands changements se sont passés ainsi : pendant un temps plus ou moins long, d’innombrables inventions s'accumulent et, soudain, une nouvelle synthèse prend corps. Pour illustrer son propos, ce chercheur 2 300 innovations technologiques : les techniques de construction, de taille des pierres, le travail du verre, etc. explique que le passage du roman au gothique intègre

Le numérique est au fond un long processus de transformation globale de la société. Un moment de synthèse créative.

Quels seront les secteurs porteurs pour la création d’entreprise ?

Concrètement, cette transformation, contient en particulier trois transformations essentielles pour les entreprises :

Premièrement, on assiste au décollage ultra-rapide de secteurs complètement nouveaux : le jeu vidéo, le serious game, la robotique, l’image 3D, les TIC appliquées à la santé...  Pour les entreprises qui veulent se positionner sur ces secteurs qui atteignent parfois des croissances annuelles de 500 %, l'agilité et la réactivité sont la clé : comment puis-je aller vite et me développer dans de tels secteurs ? Par sa culture, la France n’est pas forcément le pays le mieux armé dans ces secteurs : elle devra compter sur ses PME et les  aider à atteinder cette hypercroissance sans ce heurter à ce plafond de verre qui pénalise nos petites entreprises.

Deuxièmement, on assiste à la redéfinition de secteurs industriels entiers : à des mutations spectaculaires de vieilles industries, lourdes, capitalisées et structurées.

L’exemple de la distribution d’énergie aux États-Unis est très représentatif de cette question. À l'arrivée de l'administration Obama, les piètres infrastructures américaines offraient au pays deux options : soit réinvestir sur l’infrastructure existante, soit repenser radicalement la logique du système. Il a opté pour cette deuxième solution, et le smart grid en lançant des recherches pour redéfinir la distribution, mettre en place un système de distribution point à point, avec des logiques de routages, des voies de retour… au fond comme Internet. C'est l'activité même de distribution d'énergie qui est repensée.

On voit la même chose dans le domaine des transports. Quand Peugeot annonce commercialiser des «unités de mobilité», le système «Mu», il émet un signal fort de mutation : son métier n’est plus uniquement de faire et vendre des automobiles, mais de proposer une expérience utilisateur autour du transport. Il en va de même pour la banque, qui se diversifie, et dans de nombreux autres secteurs. On peut aussi analyser les stratégies d'Apple ou d'Amazon comme des manières de redéfinir profondément les métiers autour de l'expérience utilisateur.

La troisième grande transformation englobe et dépasse les deux autres. C'est une transformation stratégique globale. Les méthodes qui ont du succès aujourd’hui reposent toutes sur l’intégration d’une stratégie numérique. On l’a vu avec la campagne d’Obama. Il ne s'est pas contenté de « twitter », d'être présent sur Facebook. Au lieu de communiquer en martelant des messages, il a suscité des groupes à qui il a donné des outils et du pouvoir d'agir. Il a fait du "vrai" community management et de l’"empowerment", notamment sur Internet. C’est juste un exemple de bouleversements stratégiquess : community management, empowerment, modèles open source, interopérabilité des systèmes, plateformes d’innovation ouvertes et partagées… majeur

Ce sont des axes forts pour les entreprises, et même pour les Etats. Et ce n'est pas simple, car "conduire une politique" d’innovation "ouverte, collaborative et sociale" ressemble, en première analyse, à un paradoxe.

D’autant que tout cela ne fait évidemment pas disparaître le reste : on continue à faire de l’agriculture, de secondaire et du tertiaire, mais on le fait différemment  C’est la ligne de front qui se déplace.

Vers quel modèle d’entreprise s’oriente-t-on ?

Toujours selon cette analogie de la ligne de front (qui montre que l'ancien théâtre d'opération existe toujours, mais que le maximum d'intensité se déplace), on constate, dans le monde proche de la révolution numérique, un modèle de succès qui semble dominant et dans lequel la clé du succès semble être la capacité à capter le potentiel d’innovation et de créativité de l’écosystème.

C'est la théorie du capitalisme cognitif de Yann Moulier Boutang. Pour le dire simplement, elle souligne qu'à l'époque de la première Révolution industrielle, on mécanisait la force physique, et on injectait de l’intelligence du savoir et du savoir-faire dans les machines. D’où l’importance incroyable, dans ce modèle, de la propriété intellectuelle, des brevets et du droit d’auteur. L'objectif était de capter et de décupler la force physique des salariés. Ensuite, on la vendait via une conception centralisée et un marketing de masse.

Aujourd’hui, à l’évidence, on industrialise aussi les fonctions symboliques et computationnelles qui sont de l’ordre de l’intelligence. Et cela amène des transformations massives. Les machines sont capables de calculs complexes, il faut désormais injecter de l’innovation et de la création collective dans le système. La question de la propriété intellectuelle va ainsi beaucoup changer, car on se nourrira, des autres. Depuis les années 80, on essaie de breveter le plus de choses possibles : le vivant, le génome… Ce sont des tentatives pour sauver un modèle qui s’essouffle. Mais l'avenir semble plus à la captation des énergies extérieures aux entreprises qu'à la sécurisation à outrance de ses actifs immatériels. de l'extérieur

Les grandes stratégies des acteurs structurants du numérique, tels Apple ou Facebook, ne reposent plus sur les dialectiques produit / service ou contenu/contenant. Qu’est-ce qu’un iPod au fond ? Un contenu ? Un contenant ? Un usage ? Tout à la fois : c’est un écosystème cohérent qui fait graviter en harmonie des interfaces, des contenus, des gens, de l’argent, de la liberté pour l’utilisateur, qui sécrète et agrège un maximum de valeur autour de lui. On sent la même chose avec le Kindle d'Amazon : lorsque je me connecte, l’objet me reconnaît, si je le perds et que je le remplace, je peux retrouver mes ouvrages, n’importe tout dans le monde y compris sur mon PC ou mon iPhone. Et la belle interface du Kindle dissimule en même temps un accès 3G prépayé pour télécharger des livres du monde entier, ainsi que l'accès confortable à tout cet écosystème.. C’est un écosystème accueillant qui capte de la valeur.

C’est ce qu’explique Yann Moulier-Boutang : on se met maintenant à rechercher des valeurs qui étaient jusqu’alors hors marché : les échanges, l’intensité, l’excitation, le nombre d’amis, la vitesse de circulation des idées, l’économie de la contribution, etc. Pour expliciter l'intérêt de ce mouvement, il utilise l'excellente métaphore  des abeilles. Les économistes américains ont en effet voulu chiffrer l’économie de l’apiculture calculée en termes de production de miel et de cire. Une fois que ceci fut fait, on essaya de calculer le coût de leur disparition. On s’aperçut alors que la disparition des abeilles coûterait 350 fois plus que le manque à gagner pour les apiculteurs. En fait, la pollinisation, avec ses échanges fluides, sa circulation, génèrait 350 fois plus de chiffres d’affaires par son action dans d’autres secteurs, à l'extérieur du marché de l'apiculture. Il en va de même dans le numérique. On crée beaucoup de valeur d'usage, d'échanges, de circulation, de contribution ou de «remix» autour des usages du numérique.  Et les grands acteurs essaient désormais de capter ces valeurs extérieures à la valeur directe.

Ce modèle ne s’applique pas à tout le monde, mais à beaucoup. Tous ceux qui étaient dans une relation cliente étroite peuvent penser à un passage aux services.

Comment va évoluer l’innovation au sein des entreprises ?

C'est un peu la même chose. L’économie a découvert tardivement que l’innovation était l'une des principales source de la croissance. L’idée a mis du temps à rentrer dans les politiques publiques. Et cette question est encore bien souvent traitée dans un ancien cadre stratégique. Nous sommes restés très proches d’une innovation planifiée, ce qui, grâce à nos très bons ingénieurs et fonctionnaires, nous a permis de remporter de grands succès, par exemple dans le nucléaire, l’aérospatial ou l’aéronautique.

Mais dans le numérique, les grandes ruptures ne sont jamais venues de la sorte : le web, le p2p, la messagerie instantanée, Google, les réseaux sociaux : toutes ces innovations sont nées dans des startups, des laboratoires de recherche publique ou chez des activistes. Il y a là un modèle d’innovation collaborative qu’il faut s’approprier.

J’ai pensé un temps qu’en raison de la jeunesse du numérique, la «barrière à l'entrée » des sociétés sur le marché était faible, ce qui justifiait la prééminence de cette innovation ouverte. Je pense aujourd'hui que les causes sont plus profondes. D'abord parce que cette tendance d'innovation «low tech», ultra-rapide et proche des usages n’est pas prête de se tarir. Nous sommes au tout début du web social. Regardez Facebook, qui n’est grand public que depuis quatre années et regroupe 400 millions d’internautes, représente un quart des pages vues aux États-Unis, et est la troisième source d’information en ligne du pays. Et pourtant, il ne propose quasiment aucune rupture technologique. C’est juste une autre manière de configurer l’information.

Mais derrière ces révolutions du web social, nous aurons les services mobiles, surtout de la géolocalisation peu exploitée jusqu'à présent et les paiements sans contact de type NFC (Near Field Contact ou Communication en Champ proche, technologie de transmission d'informations par radio à quelques centimètres). Nous aurons le développement de l’Internet des objets, puis l'interfaçage entre le monde d'internet et celui de l’objet physique, qui commence à s'intéresser à l’open source pour créer des modèles collaboratifs. Les nanotechnologies, notamment appliquées à la santé, vont se déployer, mais demanderont sans doute plus de moyens.

Toutes ces ruptures à venir nous laissent présager l'importance durable des formats d'innovation ouverte, collaborative et sociale au moins en équivalence avec les formats d'innovation planifiée.

La France sera-t-elle capable de créer de nouveaux acteurs majeurs du numérique ?

J'ai d'abord la certitude que nous sommes bien capables de créer des acteurs majeurs. Les Français sont très créatifs et entreprenants, et mondialement connus pour cela. Le problème est plutôt que nous ne savons pas faire croître nos entreprises. Nous sommes faibles en marketing, en business development voire en management. Nous faisons sans doute partie des trois plus grands pays pour former des ingénieurs, ce n’est pas le cas concernant les managers, les banquiers et les capitaux-risqueurs.

Cela n’a pas toujours été le cas. A la fin XIX°, la France était leader mondial dans 22 innovations sur 25 : automobile, aviation, haute-couture, banque, etc. C’était l’époque où l'on construisait la Tour Eiffel en prévoyant de la démolir à la fin d'une exposition universelle. À cette période, les gens étaient visionnaires et n'avaient pas peur d'entreprendre. Nous y avons inventé la plupart des formes juridiques des entreprises. La force de la France était dans ses entrepreneurs, avec un esprit concret et un esprit universaliste. Nous avons détruit cette dynamique au cours de la première guerre mondiale, mais nous en sommes capables.

Nous sommes toutefois restés très «Ancien Régime », sensibles aux étiquettes, au protocole, aux corps, aux clans, aux diplômes.  Dans la Silicon Valley, si vous n’avez pas échoué deux fois on se méfiera un peu de votre manque d’expérience (mais on vous prêtera quand même quelques millions d'euros si le projet a l'air bon...). En France, si vous avez raté deux startups, on vous considèrera comme un cas difficile. Le système éducatif, avec toutes ses qualités, n'encourage pas non plus la prise de risque, tant l'on y paye cher et longtemps le plus petit échec.

La stratégie de capital-risque à la française est dans la même veine. Elle protège le portefeuille. Un venture capitalist américain va plus jouer à la manière d’un producteur d’Hollywood : essayer de faire au moins un blockbuster sur dix investissements, quitte à se rater sur six autres films. Il a une stratégie d’investissement et de gestion complètement différente et ne joue pas la même partie que nous. D'ailleurs, les résultats sont différents : nos PME ne coulent pas trop, mais elles deviennent rarement de grosses sociétés comme Google.

Nous partons donc avec quelques handicaps pour la pure création d'entreprises, même si l'on sent un changement d'état d'esprit collectif. Mais nous avons d'autres atouts : des secteurs très performants, des grandes entreprises capables de mutations rapides, des infrastructures exceptionnelles, quelques points forts très importants pour les prochaines batailles du numérique (télécommunications, design, jeu vidéo et image 3D, robotique ou e-learning par exemple).

Comment enseigner l’innovation et l'entrepreneuriat ?

Notre système éducatif, jusqu'à l'université, est sans doute meilleur que l’américain pour la transmission de connaissances solides structurées. Mais, au sortir du supérieur, les Américains ont confiance en eux, le goût d’entreprendre, le sens du travail collectif et n’ont pas peur de l’échec. Pendant que nous apprenons la dictée puis la dissertation, ils apprennent à mener un débat, à défendre une thèse, ils travaillent le storytelling. Notre système éducatif est bon dans la transmission du savoir, mais il transmet en même temps des comportements sociaux datés.

Mais il est bien loin d'être seul en cause : il faut changer certaines attitudes à toutes les échelles.

Nos venture capitalists sont généralement très proches des banques de dépôt. Ce ne sont pas des pures players et ils ont des stratégies d'investissement assez conservatrices. Nos petites entreprises n’ont pas forcément l’ambition de devenir des grandes structures. Nos diplômés des Grandes écoles ne s’orientent pas forcément vers des PME à forte croissance, même si certains commencent à s'intéresser à la création d'entreprises.

Comment va évoluer le management ?

Je serais bien incapable de prédire toutes les évolutions à venir dans le management.

Je suis en revanche convaincu qu’il devra prendre en compte un nouvel état de fait : l’entreprise est devenue poreuse, les gens viennent avec leurs réseaux sociaux, leurs ressources, leurs «alliés». Ce mouvement a été très visible avec les traders, qui ont réussi à s’approprier 30 % de la plus-value qu’ils généraient parce que cette richesse était générée par leur carnet d’adresses, leur système d’information et non pas par la société qui les embauchait. Ils étaient au fond les seuls salariés qui avaient repris en main leur valeur ajoutée (peut-être cela explique-t-il en partie l'opprobre qu'ils ont subie face à la défaillance complète d'un système)… Avec les réseaux sociaux et le numérique, cet aspect va s’étendre à d’autres secteurs d’activité.

Cela se traduit par exemple très concrètement sur les systèmes d’information. Il y a plus de puissance distribuée hors de l’entreprise que dedans. Les gens contournent les systèmes de sécurité pour se connecter à leurs boites mails, leurs réseaux sociaux, etc. Il va falloir repenser en profondeur les stratégies de sécurité qui ne peuvent plus consister en une grande muraille, mais qui vont devoir travailler la diffusion de l’information et savoir ce qui doit être sanctuarisé. Cela implique de revoir la gouvernance, les organigrammes, les personnes décisionnaires...

 Les gens sont moins protocolaires et aspirent à « moins de pyramides». Je l’ai constaté de près dans certains lieux de pmouvoir, avec la coexistence de deux cultures, assez étanches, globalement réparties entre les plus de 40 ans et les autres. Les plus anciens centralisent et conservent l'information (qui est, naturellement, une forme du pouvoir), et fonctionnent donc de manière pyramidale et cloisonnée. Pendant ce temps, les plus jeunes construisent leur pouvoir à travers la diffusion des informations qu’ils ventilent, afin de devenir le nœud stratégique à travers lequel tout doit passer. C’est un peu moins caricatural dans la réalité, mais je vois bien cette tendance à l'oeuvre.

Qu'appelez-vous « plafond de verre » pour les entreprises et comment le traversera-t-on ?

Parmi les 500 plus grandes sociétés mondiales, la moitié environ sont américaines et juste un peu moins sont européennes. Parmi les Européennes présentent dans le classement, très peu de grosses entreprises ont moins de 25 ans : elles sont presque dix fois plus nombreuses parmi les Américaines. Le plafond de verre que j'évoque cette barrière invisible qui interdit quasiment d'accéder au CAC 40 quand on crée une entreprise en France aujourd'hui. Cela s’explique en partie par l’efficacité de nos grands groupes, très internationalisés, qui savent muter et changer de métier et qui, du coup, tiennent les nouveaux arrivants à l'écart. S’y ajoute ce que nous avons évoqué précédemment sur le côté conservateur de l'économie française.

Ca pourrait ne pas être grave, mais ça nous a sans doute fait rater la révolution ultra-rapide du web puis du web 2.0.

Il n’y a pas de solution miracle à un problème à ce point culturel. On pourrait envisager un Small Business Act européen pour rediriger une partie des dépenses publiques dans les PME. On pourrait également travailler profondément l’éducation. On pourrait encourager la mobilité des hauts fonctionnaires dans le monde des PME.

On pourrait chercher et trouver des formats d’actions publiques qui favorisent l’innovation ouverte, collaborative et la mise en réseau. C'est ce que sont, au fond, les pôles de compétitivité qui reposent sur une idée novatrice : ne plus investir seulement sur les technologies, ni sur des sociétés, mais sur des écosystèmes dont la gestion est assurée par ceux qui le composent.

Et puis, surtout, il faudrait se promener. Les choses changent, le numérique permet d’abolir les distances et le temps : le monde s’est raccourci et il faut en prendre conscience. Je trouve que toutes les PME françaises devraient pouvoir partir à l’étranger au moins une fois par an. En France, on a tendance à beaucoup se positionner par rapport aux États-Unis : on aime ou on adore mais, au fond, on ne connaît pas. Et je ne parle même pas du reste du monde... Alors voyageons !  Ca relancera pas mal de choses.

4 commentaires:

  1. Merci Henri pour cette synthèse de l’évolution de la technologie, de l’économie, et des comportements.
    Votre regard sur l’avancée par le développement de l’usage plutôt que par l’invention, sur la personnalisation qui accompagne la standardisation, sur l’écosystème créatif et l’expérience utilisateur rejoint mes convictions, la philosophie de Sage et les idées que je défends pour faire progresser les entreprises françaises.
    Et même, vous dites cela avec passion et détails ! Je prendrai plaisir à lire la suite de vos écrits..
    Au plaisir.

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  2. You Rock Henri !
    Superbe analyse et panorama très complet des forces / faiblesses de notre cutlture socio-éducativo-economique. Panorama qui est source d'espoirs tout de même.

    Deux points me marquent particulièrement:
    1) Notre système éducatif qui laisse trop peu de place à l'imagination et à la prise d'initiative. On en sort forcément sans confiance (en France on prend des risques quand les anglo-saxons "Take a chance"...). C'était flagrant durant mes études doctorales où j'ai pu côtoyer des étudiants d'autres horizons: ils ne comprenaient pas qu'en cours on passe notre temps à écouter et à noter tout ce que disait le Prof'. J'ai l'impression que en France notre système nous apprend surtout à fermer notre gueule.

    2) Le clivage entre les générations est flagrant notamment sur le rapport à l'information: synonyme de pouvoir lorsque j'en ai l'exclusivité pour certains, synonyme de richesse lorsqu'elle partagée pour d'autres.

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  3. Bonjour,

    Quelques pistes à partir de l'article, pour cerner les influences sur les nouvelles pratiques de travail numérique.

    http://www.wirkers.info/Entreprises-Entrepreneurs-Valeurs-Contextes-Metiers-Innovations-Managements-Eco-systemes.html

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  4. Merci beaucoup pour ce partage d’expertise !
    Votre billet est très intéressant et résume dans les grandes lignes les enjeux actuels qui se posent à la fois aux entreprises mais aussi à l’ensemble de la société avec laquelle elles interagissent.

    Je retiens notamment les quelques point suivants :
    - nous ne sommes effectivement plus dans une époque « traditionnelle » d’innovation. Les exemples que vous choisissez pour illustrer ce postulat ne sont on ne peut plus pertinents, d’Obama à Apple. L’innovation n’est plus tant le produit, l’interface, en somme la « technologie » que la manière dont va être utilisée cette technologie. Nous sommes dans un renversement du rapport entre le prescripteur, la marque et les consommateurs. Ces derniers ne sont plus simplement récepteurs mais également « acteurs ». Obama crée une communauté active, l’équipe d’un message, d’une vocation et laisse ensuite le public faire sa propre campagne. De même concernant Apple, qui peut compter sur une véritable communauté d’utilisateurs plus que de consommateurs, regroupés autour de valeurs et non seulement autour de produits : agilité et réactivité, vous en parliez… Ce n’est plus l’attention qui est sollicité mais tout bonnement « l’action ».

    - D’où effectivement l’importance pour les entreprises de regarder à l’extérieur pour capter les tendances, les idées, les réseaux qui sans cesse évoluent. L’innovation collaborative, c’est effectivement cette nouvelle façon de penser non seulement à plusieurs mais à travers plusieurs périmètres sociaux, au-delà des murs de l’entreprise et des labos internes. Il faut explorer le monde pour le comprendre et le comprendre pour le faire évoluer. Il est dit ici et là que les besoins ne sont plus, que nous arrivons bientôt dans une sorte de satiété technologique… En réalité, les besoins seront toujours bien présents, encore faut-il les identifier : prendre le temps de l’écoute, jouer sur la proximité avant tout autre chose….bref, «voyager » pour reprendre vos termes.

    - Reste le cas français. Certes, les mentalités sont parfois un peu conservatrices, peu enclines à s’engager librement et adopter une posture plus audacieuse. Problème social et éducatif ? Oui, dans un sens : nous fonctionnons encore au mérite, l’excellence de la copie là où il faut parfois faire preuve d’adaptation et de créativité avant tout autre chose. Il est vrai aussi que le rapport hiérarchique reste particulièrement lourd :la chance ne sourit pas toujours aux audacieux et nous portons encore les stigmates d’un certain corporatisme. L’encadrement (juridique ou global) de nos entreprises est parfois source de frilosité notamment en ce qui concerne leur développement à l’international ou encore l’innovation mais il se révèle aussi être une protection efficace contre les dérives de l’époque : la crise des « subprime » n’aurait pu exister en France du fait de l’encadrement rigoureux des banques. De même, le principe de précaution, que beaucoup accusent de freiner les ardeurs des entreprises innovantes, est aussi un moyen efficace de concilier l’enjeu environnemental avec le business entrepreneurial.

    Comprendre les enjeux réactualisés au quotidien pour et avec les publics qui s’en emparent : voilà le credo moderne. Tout est source d’innovation, d’évolution, l’époque est complexe, plusieurs tissus sociaux et professionnels la traversent, les flux de communication se diversifient : autant d’opportunités à saisir pour un entrepreneurs !
    Bien à vous

    Damien Louvet, Institut Sage

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