lundi, juin 14, 2010

L'ère des familles invisibles ?

J'ai soutenu bien souvent que le seul moyen  d'analyser la transformation numérique était de la penser en termes de changement de civilisation, comme le fut la Révolution industrielle en son temps, et d'analyser la manière dont les technologies, le travail, l'économie, la politique, les aspirations sociales ou encore l'urbanisme coévoluent pour donner naissance à une nouvelle forme. Ce que Marc Giget appelle un temps de synthèse créative.

Je viens d'assister, dans le cadre du programme Orange Institute, à une conférence du professeur Noritaka Kobayashi qui a ajouté renforcé cette analyse à travers un exemple auquel je n'avais pas songé : la famille.

Selon lui, après des siècles de domination du modèle de la "famille élargie", puis un siècle de succès du modèle de la "famille nucléaire", nous assistons insensiblement à l'émergence d'un nouveau modèle : la "famille invisible".



La famille invisible, selon lui, c'est une famille éclatée, mais reliée par tout un ensemble de liens informels, organisée autour de ces liens informels : enfants gardés par les grands parents qui habitent sur une ligne de métro, enfants restant dans le quartier de leurs parents pour leur permettre de rester plus âgés à leur domicile, couples séparés qui coopèrent dans l'éducation des enfants, etc.

On vit en noyaux de plus en plus étroits, avec de plus en plus d'indépendance, mais en construisant des interactions plus fluides et plus efficaces que tout ce qu'on a pu connaître jusque là.

Ce qui m'a le plus intéressé, dans son raisonnement, c'est que cette famille éclatée, dynamique et reliée de manière souple est à la fois :
- une forme de relation extrêmement contemporaine de l'ère des réseaux que nous vivons ;
- une organisation qui n'aurait pas été pensable sans l'omniprésence, le faible coût et l'efficacité des moyens de communications qui se développent aujourd'hui ;
- et une donnée essentielle pour comprendre les évolutions de l'économie, du travail ou même de l'urbanisme d'aujourd'hui.

Clin d'oeil amusant au débat français en cours, M. Kobayashi voyait comme ciment de cette nouvelle famille, non plus le logement, ni les liens formels, mais une forme d'attention les uns aux autres qui ressemble beaucoup à ce que l'on pourrait appeler le Care.

Et je vous jure que je n'invente rien.

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