jeudi, juillet 08, 2010

Quelques remarques sur les données publiques (#opendata)

J'ai profité cette nuit du du vol vers Séoul pour essayer de mettre au clair quelques idées sur les données publiques.

J’ai en effet été invité récemment à une conférence organisée par l’APIE, ou j’ai présenté quelques idées qui me semblaient de bon sens... Cependant, les réactions du public, et quelques tentatives de twittclash, m’ont montré que, finalement, tout le monde n’était pas sur la même longueur d’ondes.



Voici donc les principaux points de mon analyse de cette question essentielle et porteuse d'un immense potentiel de création de valeur sociale et de croissance économique :
1-    les données publiques sont le support d’une quantité inimaginable de services, de valeur ajoutée et de valeur sociale.
Il suffit se penser ce qu’a permis la cartographie (« la sciences des rois » a rappelé Bernard Benhamou qui participait à la même table ronde), pour imaginer ce que serait une cartographie en 3D, intégrant les transports, les transferts et les échanges, les données de polution, de santé, de trafic, mais aussi les données subjectives, les émotions, les pratiques et usages, les annotations des passants, etc.
Combien de services il y a peu impensables pourra-t-on rêver se ces données deviennent accessibles aux entrepreneurs ? Combien de nouvelles formes de liens, d'échanges et de solidarités serait-il possible de tisser ?
Or, ces données, produites quotidiennement par de grands services publics, ne sont pas toujours réutilisées, ne sont que très rarement interopérables et ne sont même pas toujours correctement sauvegardées. 
2-    Des choix présents dépend donc le destin économique et social de ces données, qui peuvent rester mortes, qui peuvent être accaparées (y compris par des services publics) ou qui peuvent être travaillées pour créer un véritable bien commun numérique, support d'innovation, de valeur sociale et de croissance.


3-    Cet enjeu est d’autant plus grand que, comme je l'ai affirmé à plusieurs reprises, j'ai la conviction que nous avons commencé une nouvelle étape de la transformation du capitalisme : l'avènement d'un capitalisme cognitif, dans lequel c’est le potentiel de créativité des utilisateurs qui est le coeur des stratégies industrielles et dans lequel les nouvelles règles du jeu industriel appellent de l'innovation ouverte, collaborative et cocréée avec les utilisateurs. 
      Les données publiques peuvent donc devenir la plate-forme des services du futur tout comme le I-Phone est devenu la plate-forme d’innombrables applications.


4-    Il faut donc considérer ces données comme la base d'une infrastructure cognitive à construire, dans le respect des droits des individus, au service de nombreux usages. Les règles d'enrichissement, d'annotation, de sauvegarde, d'ouverture, d’interopérabilité, de sécurisation et d’accessibilité sont donc essentielles : leur définition inscrit d’emblée une grande part de la valeur à créer. C’est bien le sens de certains investissements du stimulus package américain.

5-    Pour donner aux entrepreneurs toutes leurs chances d’inventer ces services innovants du futur, et pour donner aux services publics les moyens de mettre à jour des données actualisées, fiables, anonymisées, et de maintenir ces infrastructure cognitive, il ne semble pas illégitime que ces données soient éventuellement payées par l’entreprise, en cas de succès du projet, sous forme d'un partage de revenu, et que ces revenus permettent ainsi de poursuivre et d'amplifier l'investissement public sur cette production de données. Et ce d'autant que nous ne savons pas encore quels seront les pays qui exploiteront le mieux les données mises à disposition par notre pays. Mais nous n'en sommes pas là : à l'heure actuelle, la politique d'ouverture des données ne doit en aucun cas représenter un frein à l'innovation économique et sociale : la gratuité pour le porteur d'innovation doit être la règle générique.


6-    J’ai ensuite souligné que le raisonnement sur les données n’était peut-être pas transposable tel quel aux oeuvres. D’une part, me semble-t-il, une oeuvre est un tout cohérent, qui porte une intentionnalité (le projet d’un auteur), qui s’inscrit dans un régime de droits et qui, au mieux, fait catalogue ; à l’inverse, les données ne prennent leur sens que dans un contexte et gagnent en utilité à mesure qu’elles s’interfacent avec d’autres données. Dans mon esprit, par exemple, le patrimoine numérisée n’est peut-être pas soumis exactement aux mêmes préconisations que les données publiques. Je n'ai pas de réelle position là-dessus : je ne sais pas encore.

7-    Enfin, et c’était sans doute mon point le plus important, j’ai insisté pour que l'attention aux  données issues des services publics ne dissimule pas la forêt en croissance ultra-rapide des données produites par le public. Les secondes sont, pour moi, les plus importantes.
Nous assistons en effet à la mise en ligne, par les citoyens, d'un raz de marée d’informations structurées par les 4 coordonnées : Qui ?, quoi ?, quand ? et où ? (Henri a pris une photo de l’aéroport de Roissy à 21 heures), auxquelles il faut ajouter les contributions concourrant à la mise en place de ce que nous avions baptisés une Wikipolis pendant Futur en Seine, ainsi que les traces d’usages que nous laissons consciemment ou non, par exemple en laissant notre I-Phone géolocaliser les photos que nous prenons. 

      Apprendre à intégrer ces données, à les prendre en compte, à leur faire place et même à les solliciter est sans aucun doute l'un des principaux rendez-vous des années à venir pour le Service public, et peut-être même pour l'économie française.
J'ai l'impression que la plupart de mes amis et de mes lecteurs signeraient cette analyse. Mais je suis très preneur de vos amicales réactions.

1 commentaire:

  1. Incroyable de penser tous les changements que l'ouverture de ces données va apporter. Savez vous dans quel état d'esprit sont les politiques à ce sujet ? Je viens de lire dans TIC2025 l'interview de Jean Louis Missika (adjoint au maire de Paris) qu'ils étaient en train de commencer à répertorier l'ensemble des données à ouvrir.

    J'ajouterais à votre article qu'une troisième source énorme de données vont être les objets publics ou privés.

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