vendredi, janvier 14, 2011

Quand 1g de bactéries = 450 disques durs

J'ai déjà fait allusion à l'alliance intime qui semble se nouer entre les sciences du vivant et les sciences du web. Est-ce du fait de l'importance du traitement des données exigé par la génétique contemporaine ? Du caractère organique et quasi-vivant du web naissant ? Est-ce parce que ces deux disciplines sont celles qui évoluent le plus vite aujourd'hui ? Je ne sais pas encore. Mais Jean-Michel Billaut vient de signaler, sur Twitter et Facebook, une nouvelle et spectaculaire illustration de cette convergence.



Un groupe d'étudiants de l'Université de Hong-Kong, emmenés par le professeur Chan Ting-Fung, vient de réaliser une percée dans le stockage d'informations dans l'ADN d'une bactérie Escherichia coli (petite bactérie intestinale inoffensive, sauf quand elle vous donne une gastro-entérite, adorée par les généticiens qui en ont fait leur souris de laboratoire à eux). 



Une percée, dans une science du "biostockage" existe déjà depuis une petite dizaine d'année, et avait déjà permis à des chercheurs Japonais de crypter une formule (E=mc2) dans un génome bactérien. Le travail de l'équipe chinoise n'a donc pas porté sur le principe de ce stockage, mais sur des méthodes de cryptage, de distribution et de protection de l'information permettant l'inscription et la sécurisation d'une grande quantité de données. Selon les articles disponibles (sur Discovery ou dans cette dépêche AFP, je n'ai pas trouvé trace d'une publication scientifique) on serait désormais capables de stocker, dans un gramme de bactéries, l'équivalent de 450 disques durs de 2000 Gigabytes. 
L'équipe de Hong-Kong affirme également avec mis au point un système de cryptage à trois niveaux rendant cette information inviolable. C'est le point paradoxal de l'approche d'ailleurs. Car à quoi sert une information abondante et massive, virtuellement enregistrée pour 1000 ans, si quelques très rares personnes en maîtrisent le code ?

On est loin, bien sur, de l'ordinateur bactérien qu'annonce régulièrement la presse. Stocker et exploiter aisément des données ainsi encryptées n'est pas tâche aisée, et la vitesse de traitement risque d'être bien faible. Il n'empêche, on sent déjà quelques applications possibles. Cette information, qui est répliquée par les bactéries, est virtuellement éternelle, au moins sur des milliers d'années, ce que peu de supports électroniques actuels peuvent revendiquer. 
Elle peut servir, disent les auteurs, à assurer une traçabilité, par exemple des organismes OGM. Elle ouvre des perspectives de concentration de masses de données, à faible coût, assez impressionnantes. Sans compter que les bactéries sont des petites choses assez indestructibles, certaines capables de vivre dans le soufre, dans les plus grandes températures ou pressions, ou même au milieu d'intenses radiations nucléaires.

C'est une belle illustration de cette convergence biologie / web, qui sont après-tout, à un certain point de vue, deux grands systèmes cybernétiques de traitement dynamique de l'information, et dont le mariage futur nous réserve sans doute de fabuleuses découvertes.

Et puis c'est l'occasion de rappeler que la Chine n'est plus seulement un grand pays émergent. C'est une puissance scientifique avec laquelle il faut déjà compter, notamment en matière de biotechnologies. Ce professeur Ting-Fung, qui semble assez jeune d'après le site de son université, m'a l'air de mener des travaux passionnants, mais aussi de maîtriser toutes les ficelles du storytelling et de la communication médiatique. Mais ils sont désormais des milliers comme lui dans les Universités chinoises.








(illustration de titre publiée sous licence Créative Common par CdePaz)

1 commentaire:

  1. En substance, dans quelques temps nous (ou quelqu'un d'autre) pourrons stocker dans notre génome n'importe quelle information. Ca laisse songeur...

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