La révolution numérique n'est pas linéaire. Elles procède par vagues, qui se chevauchent et se dépassent les unes les autres.
Les trois révolutions numériques
Les trois révolutions numériques
Il y a quarante ans, le numérique, c’était l’informatique, c'était surtout de la puissance de calcul et le rêve d'approcher les fonctions cognitives supérieures de l'Homme... Ca allait déjà changer le monde : des ingénieurs aventureux, qui découvraient ce monde nouveau avec émerveillement, bricolaient des Apple, inventaient des codes courts (Microsoft), ou, en France, calculaient la voilure du Concorde ou la trajectoire de la fusée Ariane.
L'imaginaire de cette première vague de la Révolution numérique, c'était 2011, l'Odysséee de l'espace, et IBM développait tranquillement ce qui allait devenir de Deep Blue, l'ordinateur qui allait, finalement, battre Gary Kasparov aux échecs, en 1996.
Il y a vingt ans, nous entrions sans trop nous en rendre compte dans la deuxième étape de la Révolution numérique. Internet commençait à conquérir le grand public. Les ordinateurs, puis les humains, puis tous les objets entraient dans ce grand système d'interconnexion. On préparait tranquillement l’avènement du Docteur Watson d'IBM, qui conjuguerait non seulement la puissance d'un Deep Blue de troisième génération, mais aussi de puissantes capacités sémantiques lui permettant de rechercher sur Internet toutes les réponses imaginables et de gagner le jeu télévisé Jeopardy, en 2011.
Avec l'émergence de la mobilité, avec les outils du web 2.0, avec la vague des objets communicants, l'informatique devenait pervasive, omniprésente, transformatrice, ouvrant sur de nouvelles vagues de cette Révolution numérique : les big data, l'âge de la Multitude, etc.
Cette "révolution numérique" n'était pas la révolution informatique. Les acteurs n'en furent pas les mêmes. De nouveaux géants prirent des positions clés, et, en Europe notamment, la plupart des géants de la première révolution furent durement éprouvés.
Cette "révolution numérique" n'était pas la révolution informatique. Les acteurs n'en furent pas les mêmes. De nouveaux géants prirent des positions clés, et, en Europe notamment, la plupart des géants de la première révolution furent durement éprouvés.
Tout se passe, aujourd'hui, comme si nous avions engagé une troisième étape : la révolution de la donnée.
La révolution de la donnée, ce n'est pas seulement les big data, la multiplication des données disponibles, et "la donnée, nouvel or noir". Tout cela, ce n'est qu'un changement quantitatif... La révolution de la donnée c'est le fait que nos organisations, qui pensaient à partir de ces "institutions" que sont les entreprises, les administrations, les systèmes d'information, les fichiers ou les documents, sont en train de se réarchitecturer en profondeur autour de ce flux permanent que sont les données.
Pensons à ce qu'était le monde lorsque nous avons adopté les grandes lois "informatiques et libertés" et "accès aux documents administratifs". Un monde où les données était beaucoup plus rare qu'aujourd'hui (mais déjà en inflation), où elles restaient des paramètres.
Le coeur du dispositif restait propriété des institutions (entreprises ou administrations) qui avaient mobilisé capital, technologies et ressources humaines pour constituer des fichiers. On pouvait contrôler le système à l'aune des actions de ces institutions, on pouvait les réguler en fonction des utilisations envisagées. On pouvait accepter ou refuser certaines utilisations en fonction de leurs objectifs, ou interdire certains recueils de données en fonction de leurs utilisations potentielles ou de la proportionnalité entre la fin (la destination du fichier) et les moyens (le type de données recueillies).
De la physiologie à la biochimie
Nous vivons désormais dans un monde où les "données" accessibles sur les réseaux dépassent l'imagination de nos prédécesseurs. Où elles sont construites par les individus et les objets eux-mêmes, où elles s'échangent de particulier à particulier, de point à point, où elles circulent avec abondance, mal structurées, en un flux qui ressemble un peu au sang de notre système, qui transporte l'information, l'énergie et l'oxygène. Nous vivons dans un monde ou par leur abondance et leur maniabilité, les données permettent de manipuler, dans leur complexité (dans leur distribution exacte), des phénomènes qui étaient jusque là approchés par des concepts approximatifs (et par des valeurs moyennes).
C'est un peu comme le passage de la physiologie classique à la biochimie : en changeant d'échelle, de nombreux phénomènes sont subitement décrits à une échelle intermédiaire, de nouveaux phénomènes apparaissent, et de nouvelles voies d'intervention se font jour : des traitements, comme des armes biologiques...
De nouvelles questions politiques
Nous en sommes là aujourd'hui. Et c'est toute une organisation industrielle, économique et sociale qui doit être repensée.
Signe de l'ampleur de cette transformation, nous assistons auourd'hui à cinq grands débats politiques, extrêmement intenses, et que nous avons du mal à articuler entre eux :
Le mélange et la confusion de ces différents débats n'est pas la moindre difficulté de notre époque. Il va nous falloir affronter toutes ces questions, et peut-être bien d'autres, avec la conscience que les imaginaires anciens ne sont plus adaptés.
Le coeur du dispositif restait propriété des institutions (entreprises ou administrations) qui avaient mobilisé capital, technologies et ressources humaines pour constituer des fichiers. On pouvait contrôler le système à l'aune des actions de ces institutions, on pouvait les réguler en fonction des utilisations envisagées. On pouvait accepter ou refuser certaines utilisations en fonction de leurs objectifs, ou interdire certains recueils de données en fonction de leurs utilisations potentielles ou de la proportionnalité entre la fin (la destination du fichier) et les moyens (le type de données recueillies).
De la physiologie à la biochimie
Nous vivons désormais dans un monde où les "données" accessibles sur les réseaux dépassent l'imagination de nos prédécesseurs. Où elles sont construites par les individus et les objets eux-mêmes, où elles s'échangent de particulier à particulier, de point à point, où elles circulent avec abondance, mal structurées, en un flux qui ressemble un peu au sang de notre système, qui transporte l'information, l'énergie et l'oxygène. Nous vivons dans un monde ou par leur abondance et leur maniabilité, les données permettent de manipuler, dans leur complexité (dans leur distribution exacte), des phénomènes qui étaient jusque là approchés par des concepts approximatifs (et par des valeurs moyennes).
C'est un peu comme le passage de la physiologie classique à la biochimie : en changeant d'échelle, de nombreux phénomènes sont subitement décrits à une échelle intermédiaire, de nouveaux phénomènes apparaissent, et de nouvelles voies d'intervention se font jour : des traitements, comme des armes biologiques...
De nouvelles questions politiques
Nous en sommes là aujourd'hui. Et c'est toute une organisation industrielle, économique et sociale qui doit être repensée.
Signe de l'ampleur de cette transformation, nous assistons auourd'hui à cinq grands débats politiques, extrêmement intenses, et que nous avons du mal à articuler entre eux :
- le débat sur la vie privée, qui semble profondément menacée (en ces temps de PRISM et autres pratiques peu ragoûtantes), mais qui donne également lieu à de nouvelles pratiques de soi (quantifiedself, par exemple), et qui demandera sans doute de nouvelles élaborations (comme en témoignent les travaux d'Helen Nissenbaum, par exemple) ;
- le débat sur l'open data, qui, à mon sens, ne contredit en rien le débat précédent, mais correspond au contraire à la définition de ce qui doit être le bien commun informationnel, le "common knowledge" propriété non aliénable de l'humanité ;
- le débat sur la création de valeur par les grandes plateformes qui se sont organisées pour concentrer un maximum de données, qui savent les transformer en expérience utilisateur et en création de valeur, et prennent parfois le pouvoir par de strsatégies très innovantes mêlant design, ouverture, standardisation de fait, format des données, voire développement des actifs immatériels ;
- le débat fiscal, ouvert par le rapport Colin / Collin
- et enfin le débat sociétal, sur le type de société que nous voulons bâtir, très bien illustré par la FING avec son programme MyData, ou, aux Etats-Unis, par Doc Searls (lire absolument le Cluetrain Manifesto).
Le mélange et la confusion de ces différents débats n'est pas la moindre difficulté de notre époque. Il va nous falloir affronter toutes ces questions, et peut-être bien d'autres, avec la conscience que les imaginaires anciens ne sont plus adaptés.
Bonjour,
RépondreSupprimerPour illustrer votre propos, le point de vue intéressant du patron de la SNCF qui présente Google comme un concurrents.... du fait de la connaissance et des données (http://www.lenouveleconomiste.fr/sncf-contre-google-20090/#!)
Par rapport au contrôle de leurs données par les individus et leur gestion, je conseille de lire également l'autre livre de Doc Searls "The Intention Economy: When Customers Take Charge" avec l'introduction de la notion de VRM (Vendor Relationship Mangement). Je n'ai pas trouvé le livre extraordinaire, mais sa lecture est essentielle pour changer de point de vue et que s'ouvrent de nouvelles perspectives.
Et je conseille aussi ce livre fondamental pour comprendre la transformation des entreprises et la création de valeur avec tous les individus du monde, "l'age de la multitude" (http://colin-verdier/).
Frédéric Abella