mardi, décembre 01, 2009

Les villes digitales

Les sept pôles de compétitivité en charge du Paris Region Innovation Tour (le PRIT) ont décidé cette année d’organiser une table ronde des présidents de pôle consacrée à la ville et au développement durable. C’est un sujet que creusons pas mal à Cap Digital.
J’ai pu constater en revanche que nous avions une manière assez singulière d’envisager la question, sans doute liée aux particularités de notre écosystème, très orienté vers le public.





(image sous licence créative common, dalbera, Futur en Seine 2009)







Je pense en effet profondément que la question de la ville du futur doit être pensée à partir de la question de la civilisation émergente.

Chaque grande époque de l’histoire est en effet caractérisée par un savant mélange de techniques, d’économie (liée à la technique, par exemple en fonction des besoins en concentration de capital), de techniques de pouvoir (organisations, polices) et de valeurs sociales.
Pour la ville, par exemple, on sent bien que la civilisation charbon-acier (celle du chemin de fer) a donné le Paris Haussmanien repose à la fois sur des techniques de construction hypermodernes, sur une vision (verticale !) de l’ordre social, sur des techniques de police (les canons dans les avenues) et sur une foi dans le progrès de la ville Lumière. La civilisation pétrole électricité à donné La Défense.
Nous sommes entrés dans une civilisation informatique – télécommunication – micro- et nanotechnologies. C’est un changement radical, de long terme. Il réinventera la ville comme il réinventera l’ensemble de la vie.

Que pouvons-nous attendre de cette ville du futur ?

Difficile de jouer les oracles. Une première conviction est que ce sera une puissante synthèse créative, comme toujours. Marc Giget, qui m’a expliqué ce concept, a montré que le passage de l’église romane à la cathédrale gothique a nécessité plus de 2300 innovations techniques. 2300 innovations qui ont été appropriées, fondues et mises au service d’un rêve our provoquer cette rupture totale que sont les cathédrales.

Nous en intégrerons encore plus pour construire la prochaine urbanité…

Si je ne sais pas prévoir le détail de ce qui se passera, je crois que nous commençons à bien sentir quelques tendances. Les prototypes et les expérimentations que nous avons proposés au cours de Futur en Seine nous ont d’ailleurs permis de tester certaines de ces idées et de les aborder avec le public.

1- La ville du futur sera une Wikipolis. Les citoyens vont se l’approprier, l’annoter, l’enrichir, la cartographier, la détourner, comme ils le font déjà avec les vélib, avec Googlestreeview et tant d’autres services géolocalisés. Nous avions proposé de nombreuses expérimentations là-dessus au cours de Futur en Seine, et nous commençons à avoir de beaux projets sur ces thématiques, comme le projet Enville, réseau de « citywall » contributifs labellisé avec Systematic. C'est pourquoi aussi nous soutenons les initiatives visant à l'implantation d'un Fablab en Ile de France.

2- La ville du futur sera une ville durable. Pas seulement parce que nous en maîtriserons les flux de personnes, d’énergie ou de déchets. Mais aussi, et surtout, parce que nous inventerons, dans nos civilisations urbaines, de nouveaux modes de relation avec l’environnement.
Futur en Seine avait permis de commencer à tester cette évolution avec le projet « Montre verte ». De petits capteurs portables qui permettent au promeneur de mesurer certains facteurs de pollution sur son trajet. Ca permet non seulement de cartographier en temps réels et sur des centaines de points. Ca permet surtout de contribuer. Produire de la donnée, la partager, l’envoyer dans des bases de données ouvertes, qui permettent à de nombreux autres acteurs d’imaginer des services complètement nouveaux, c’est une nouvelle manière d’être utile.

3- La ville du Futur sera une ville enrichie. A la ville physique, de pierre et d’acier, se superpose aujourd’hui de nombreuses couches d’images, d’informations, de services. Ca aussi on l’avait bien montré l’été dernier. C’est un réservoir exceptionnel de services à haute valeur ajoutée. On n’a même pas idée de ce qui va être inventé demain. C'est le sens par exemple du projet Streetlab, que nous avons labellisé avec Advancity, qui permettra à l'Institut de la Vision de tester de très nombreuses innovations de guidage des non- et malvoyant dans leurs déplacements en ville.

4- D’ailleurs, nous en ferons aussi des villes magiques. Des villes terrain de jeu de nouveaux designs, d’art numérique, de robots, d’innovation sociale (voilà un sujet porteur dont n ne parle presque jamais, et pourtant !).

Il y a deux raisons qui permettent d’envisager ce futur avec confiance, et de se féliciter que cette thématique ait pris une telle place ans les conclusions de la réflexion sur le Grand emprunt.
a- Nous avons en Europe des atouts incroyables face aux Etats-Unis, qui sont quand même un peu les maîtres du web, aujourd’hui. Nous avons des infrastructures bien meilleurs (énergie, télécommunications, routes…), nous avons les industries stratégiques et surtout nous avons… des centre ville. Des cœurs de villes riches d’histoire, de patrimoine, d’épaisseurs, de diversité sociale, de commerce et d’industrie. Il n’y a pas de tels centres aux Etats-Unis. Nous sommes le continent rêvé pour fabriquer ce futur.
b- Et, atout dans l’atout, nos centre-villes produisent une mine d’or à ciel ouvert pour qui voudrait bien s’y intéresser : nos données publiques. Nos services publics, et le public lui-même, produisent tous les jours une foule d’informations, de données, de paramètres qui portent en elle, pour peu que quelqu’un veuille bien s’occuper de les rendre ouvertes et interopérables, qui portent en elle un potentiel exceptionnel de services et d’usages tr !s très haute valeur économique et sociale.

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