mardi, novembre 02, 2010

Modifier le statut des jeunes entreprises innovantes serait une grave erreur de politique industrielle

Ci-joint mon interview à l'AEF parue ce jour. On va dire que je me répète, mais cette affaire est vraiment consternante.

« Le statut de JEI (jeune entreprise innovante) (1), créé en 2004, est sans doute aujourd'hui le dispositif qui produit le plus d'emplois par euro investi », déclare à AEF Henri Verdier, président du pôle de compétitivité Cap Digital et président du directoire de la jeune entreprise innovante MFG-R&D, le 28 octobre 2010. « Modifier le statut des JEI serait une grave erreur de politique industrielle de la part du gouvernement, dans un pays où plus de 60 % des créations d'emplois sont dans les PME », poursuit-il, commentant ainsi la volonté de certains parlementaires de vouloir amender ce dispositif lors de l'examen du projet de loi de finances 2011.




Depuis 2004, ces entreprises bénéficient, pendant une période de huit ans, d'allègements de charges patronales pour les salariés impliqués dans les projets de recherche. Henri Verdier souligne que le projet de loi de finances 2011 « prévoit de plafonner les aides fiscales à 100 000 euros, de les limiter aux salaires inférieurs à quatre fois le SMIC et de réduire ce dispositif dans le temps, en commençant à le rendre dégressif au bout de quatre ans ».

Henri Verdier dénonce « l'absence de stabilité et de prévisibilité des politiques publiques », arguant du fait que la mesure n'a « que six ans à peine, c'est-à-dire que les premiers bénéficiaires n'ont pas encore fini le cycle ».

LA MODIFICATION DU STATUT DE JEI : « UN SIGNAL EXTRÊMEMENT NÉGATIF »

« La France est un pays avec de grands atouts, mais nous connaissons nos problèmes : les entreprises n'investissent pas suffisamment en recherche et développement et peinent à innover alors que les PME butent sur un 'plafond de verre' », commente le président de Cap Digital. « Le dispositif de JEI a été mis en place pour corriger ces défauts et c'est le moment que choisirait le gouvernement pour changer le système ? », s'interroge Henri Verdier. « Ce n'est pas sérieux », renchérit-il.

« Par ce 'coup de rabot', le gouvernement entend récupérer 57 millions d'euros », affirme Henri Verdier, qui ajoute : « Nous sommes dans l'épaisseur du trait en matière d'aides aux entreprises. Pourtant, il existe de nombreuses pistes d'économies qui n'affecteraient pas l'innovation. » Il reconnaît qu'il est « difficile de faire de la 'futurologie' en matière d'innovation, mais admet « avec une quasi certitude » que les futurs champions industriels « se trouvent aujourd'hui dans les JEI ».

Le président de Cap Digital se pose les questions suivantes : « Croit-on vraiment dans les jeunes entreprises innovantes ? Est-ce vraiment en alourdissant le sort de très jeunes entreprises hautement technologiques et en forte croissance que l'on va réaliser les économies les plus pertinentes ? ». « Je ne le crois pas », concède-t-il. Henri Verdier considère que l'éventuelle modification du statut de JEI « est une manière d'enfermer ces entreprises dans un statut de très petites entreprises ». « C'est un signal extrêmement négatif », martèle-t-il. « A croire que l'on n'imagine pas qu'une JEI puisse débaucher des cadres dans un grand groupe ou dépasser en quelques années la centaine de salariés. »

« LE CIR A REÇU DES MODIFICATIONS COMPRÉHENSIBLES »

Par ailleurs, le président de Cap Digital estime que « la baisse de la déduction fiscale pour les assujettis ISF qui investissent dans les PME va les pousser à miser sur des projets plus conservateurs. Il précise : « Une fois de plus, il aurait été préférable de chercher des mesures incitatives à l'investissement sur la recherche et l'innovation. »

Quant au crédit impôt recherche, Henri Verdier remarque « que le dispositif a finalement reçu des modifications compréhensibles ». Il estime néanmoins que « là encore, le signal envoyé est beaucoup plus inquiétant que le vote final ». « Comment a-t-on pu inscrire dans le projet de loi une telle remise en cause d'un dispositif qui est le socle de l'attractivité de notre pays ? » (AEF n°139445). Il estime aussi qu' « envoyer un tel message aux grandes multinationales étrangères qui commencent justement à installer leurs équipes de recherche sur notre territoire est vraiment maladroit. »

(1) Une jeune entreprise innovante est une entreprise de moins de 250 salariés, âgée de moins de huit ans, indépendante capitalistiquement et affectant plus de 15 % de ses dépenses à la R&D. 
(Merci à Julien Jankowiak pour cette interview, même si je n'endosse pas le titre qui me fait accuser le gouvernement. Pour l'instant, c'est la Commission des Finances qui a apporté ces modifications)

2 commentaires:

  1. D'un autre côté, l'état n'est pas compétent pour déclarer ce qui est innovant ou pas.

    Le statut de JEI nécessite le montage d'un dossier dont le côté technique est évident - le côté innovant des JEI qui obtiennent le statut ne l'est pas toujours.

    Surtout, il y a pas mal d'entreprises qui pourraient sans doute avoir ce statut et qui ne montent pas le dossier.

    Les premiers qui profitent du statut sont donc des sociétés de conseil aptes à monter les dossiers. C'est déprimant.


    Alors, autant ne pas subventionner - et si possible, mais ce ne sera pas fait, récupérer l'argent des fonctionnaires chargés de l'évaluation des dossiers.

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  2. La France ou comment Paris centralise toutes les décisions.

    Jean-François Gravier l'avait évoqué dans PARIS ET LE DÉSERT FRANÇAIS en 47 et c'est toujours d'actualité. Quand les décisions sont prises par des politiciens qui n'ont pas la visibilité des apports considérables qu'ont eus les JEI, ils décident de couper les robinets regardant seulement que ce sont les sociétés de conseil aptes à monter les dossiers qui profite des subventions comme le souligne Thiery.

    Ils faudrait que des études, faites par des organismes publics, universitaires et scientifiques, soient faites pour montrer minutieusement en quoi les JEI ont redressé l'emploi et en quoi l'innovation permet le développement dans ce monde globalisé. Le bon message passera peut-être ensuite aux oreilles des preneurs de décisions.

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