Sugata Mitra a connu une célébrité mondiale lorsqu'on a appris que son travail était directement à l'origine du roman de Vikas Swarup qui allait donner lieu au film Smulldog Millionnaire. Je vous conseille son site, il est exceptionnel.
Mais c'est surtout un professeur Indien qui a développé un programme extraordinaire d'apprentissage dans les bidonvilles Indiens, puis progressivement dans des écoles plus élitistes, y compris en Angleterre, avec des résultats exceptionnels. Et par ailleurs durables, mesurables et documentés.
Au fond, M. Mitra construit des dispositifs qui vont pousser, ou autoriser, les enfants à apprendre par eux-mêmes. Non seulement parce qu'ils sont curieux et bénéficient d'un accès à un ordinateur, mais aussi parce que le contexte de leurs interactions a été très intelligemment pensé.
Avant que Cap Digital ne diffuse son intervention de Paris, vous trouverez ci-joint sa conférence TED de 2007 :
Avec un ordinateur et presque pas d'enseignants, des enfants de 8 ans, de milieu analphabète, ont réussi à apprendre la maîtrise de l'outil, de l'Anglais et de savoirs scientifiques.
La capacité à apprendre d'un humain est effarante. Sous réserve, cependant, que la situation soit proprement designée, que des règles d'interaction entre les apprenants et les sachants aient été pensées. C'est par exemple parce qu'il y a plus d'enfants que d'ordinateurs disponibles, et que ceux-ci doivent donc coopérer, mais aussi qu'ils sont stimulés par l'ensemble de leurs règles hiérarchiques internes et par le désir de se faire une place dans le groupe, que les expériences relatées ont été possibles. La présence d'un enseignant est également nécessaire, mais d'un enseignant sachant transformer toutes leçons en questions et sachant partir aussi longtemps que nécessaire.
Il est à noter aussi que rien ne dit que des enfants gâtés et suréquipés se seraient emparés avec une telle flamme de ces dispositifs.
Le numérique n'a pas fini de changer nos visions du monde...
Je ne suis pas certain que le numérique soit une question déterminante ici.
RépondreSupprimerJ'ai l'impression qu'il y a un combat très ancien entre les pédagogues qui font le pari de l'intelligence et de l'expérience et ceux qui ne croient qu'aux vertus de la souffrance et de la contrainte. Les premiers, ce sont Comenius, Rousseau, Montessori,... Les seconds, ce sont les éducateurs jésuites dont les principes sont, grosso-modo, à la base du système scolaire français.
Pour les uns, tout élève peut et doit apprendre, le rôle du pédagogue étant d'accompagner la formation (au sens noble, pas au sens de "je suis pas là jeudi, j'ai formation") de chacun. Pour les autres, les élèves les moins adaptés au système doivent être éliminés, le pédagogue est là pour trier le bon grain de l'ivraie, afin d'être toujours certain de conserver sa position hiérarchique.
Je rejoins Jean-No, le numérique ne me semble pas déterminant ici, il est un outil, tout comme un tableau, une craie, un stylo, un ballon le sont.
RépondreSupprimerL'intelligence de M. Mitra est d'avoir su créer les conditions pour que cet outil soit réellement utile aux élèves.
Nul doute que la formation des enseignants français devrait s'en inspirer.
Nicolas, enseignant.
Je suis en partie d'accord avec vous : le design de la situation d'interaction est essentiel.
RépondreSupprimerIL y a quand même un usage particulier du numérique : pensez-vous que la même expérience marcherait avec un livre ?
Tout dépend de ce que vous entendez par le fait que l'expérience "marche".
RépondreSupprimerIci les enfants ont appris à utiliser un pc windows, ce qui n'est effectivement pas possible avec un livre. Pour ce qui concerne l'anglais je suis plus que sceptique, ils ont acquis certains mots-logos en les associant à des actions.
Par contre la situation de co-apprentissage est effectivement possible avec un livre, tout dépend de la façon dont celle-ci est présentée et quels sont les apprentissages visés.
J'en reviens donc au fait que c'est la situation qui est essentielle : l'ordinateur est fixe, empêchant l'appropriation par une seule personne, un touchpad est disponible mais pas le clavier, les logiciels proposés sur les cdroms ont été évidemment sélectionnés, et la situation de cette machine, disponible gratuitement, arrivée là on ne sait trop comment (ce qui me fait penser à des situations mises en place avec des jeunes enfants dans les classes maternelles) permettant de réaliser des actions diverses ne peut qu'être source de motivation.
Bref, à mon sens M. Mitra a su créer les conditions de réussite de cette expérience pédagogique.
L'inde est obligée de favoriser l'auto apprentissage pour sortir de la misère tous ces pauvres gamins, mais je ne sais pas si du coup, c'est à évangéliser.
RépondreSupprimer@Disparitius
RépondreSupprimerCe n'est pas cela que je retiens de l'expérience. C'est le potentiel d'apprentissage des enfants qui se développe, l'importance de ne pas le geler en leur "apprenant à avoir besoin d'un professeur" et l'importance de designer les situations d'apprentissage.
Après, dans un pays non analphabète, disposant d'un bon système éducatif et où les gosses sont gavés de stimuli, il est évident quil faut construire autre chose...
J'oublie toujours le nom de ce pédagogue qui avait décidé d'enseigner l'italien à ses étudiants, alors qu'il ne connaissait pas cette langue lui-même. Avec notamment un livre et sa traduction, ils étaient parvenus à déduire les règles de l'italien et à les apprendre, en collaborant les uns avec les autres et non solitairement.
RépondreSupprimerJe perds régulièrement la référence de cette intéressante expérience. Mais en tout cas ici il y avait plusieurs points importants :
- l'effacement du pédagogue qui accepte avec humilité de faire connaître ses propres lacunes
- la collaboration entre les étudiants
- l'apprentissage par la recherche personnelle et non par la transmission d'autorité
à lire : http://www.cafepedagogique.net/lexpresso/Pages/2010/04/Ass_JHeutte.aspx
RépondreSupprimerIl y avait Joseph Jacotot http://fr.wikipedia.org/wiki/Joseph_Jacotot décris dans le livre de Jacques Ranciere "Le maître ignorant" (cinq leçons sur l'émancipation intellectuelle)
RépondreSupprimer