mardi, août 02, 2011

#Debtceiling : le tweetclash d’Obama a-t-til été une bonne opération ?


Comme je l'évoquais dans mon dernier billet, le débat sur la dette US a permis à Obama d’innover, une fois encore, en matière de communication politique, en organisant le plus grand Tweetclash de l’histoire.

Un à un, plus de 100 représentants Républicains au Sénat et au Congrès se sont vus interpeller devant plus de 9 millions de followers, qui ont pu à leur tour relayer le message.

Alors qu'un accord a été scellé hier soir, est-il possible d’évaluer la contribution de cette démarche à la résolution de la crise ? Est-il possible d'en tirer d'autres leçons en préparation de 2012 ?

Certes, ce n'est pas encore sur Twitter que se noue l'essentiel du débat politique. Cette crise a mobilisé l'ensemble des médias américains, et a lancé, aux Etats-Unis, un véritable débat national. Mais il est quand même intéressant d'analyser la séquence Twitter de cet immense affrontement.


Nous n'avons pas pris le temps d'extraire l'ensemble des retweets de ces messages. On trouve cependant quelques données sur Topsy, et on dispose de quelques commentaires de la presse et des blogs.

Concernant le nombre de followers d'Obama, il a été amplement souligné que cette opération lui en a coûté quelques-uns : 40.000 environ, ce qui n'était pas bien grave sur un total de 9 millions. Sauf que son regain de combativité a ensuite remobilisé son camp et que l'opération se solde par un gain net de 37.000 followers.
On a moins percu en revanche qu’en mettant en lumière les comptes des parlementaires Républicains, Obama leur a également apporté des followers. C’était à prévoir : je peux suivre le fil de Barack Obama et être intéressé de savoir ce que raconte mon propre représentant, même s’il est du bord opposé.
La leçon ? Dans un tweetclash, chacun apporte de la visibilité à l’autre, et l’algarade profite essentiellement à celui qui a le moins de followers.
Une opération de ce genre est donc toujours un investissement : on érode son capital et on en transfère une partie aux adversaires. Ce n’est pas grave, mais il faut l’intégrer dans ses plans de campagne...

Le succès direct de l'opération semble mitigé. D'après Topsy, les messages ont suscité en moyenne 200 à 300 retweets. Même si Topsy n'est pas exhaustif, même si il y a également eu des interpellations directes, on parle donc au total d'une mobilisation sur Tweeter ayant suscité entre 20.000 et 50.000 tweets. Certes, c'est énorme par rapport au nombre de lettres qui auraient été envoyées dans une opération uniquement épistolaire. Mais dans un pays qui compte 300 millions d'habitants, et sur un réseau qui enregistre 144 millions de tweets par jour, on est loin du raz de marée.
La leçon ? Twitter n'est pas fait pour ce genre d'opération coup de poing. Twitter est un lieu de petites conversations. Avec un équilibre très subtil, fait d'échanges rapides et de contributions asynchrones. Il faut s'immiscer dans la conversation, et la faire évoluer finement. Pas réclamer le silence pour imposer un seul thème.

Une petite polémique s’est également nouée autour de la paternité du hashtag #compromise. Cette paternité a été revendiquée à la fois par les Républicains et les Démocrates, tandis que d’autres sites Républicains tentaient de reprocher à une journaliste du NYT de l’avoir donné aux Démocrates.
Cette polémique n'est pas indifférente. Obama n'a pas utilisé Tweeter pour lancer une guérilla partisane. Il a appelé au compromis. Comme le souligne Maurice Ronai, il y a là une dimension particulière, qui avait été explorée dans la série The West Wing, dans une allusion à la crise traversée par Clinton en 1995, mais dans une mise en scène qui préfigure le destin du gouvernement Obama.
Qu'on en juge :


Il n'est pas certain que cette crise de la dette ait été pour Obama ce "Jed Bartlett moment" qu'espéraient les commentateurs. La plupart des analystes estiment aujourd'hui qu'il a plus reculé que les Républicains, et que ce compromis a des allures de défaite. Il n'empêche qu'Obama a perçu la puissante aspiration des Américains à l'obtention d'un compromis et qu'il s'est étroitement associé à cette demande. Comme le montre très bien Topsy, ce hashtag est presque toujours associé à son nom.
La leçon ? L'échec de la Tweetwar peut très bien se révéler une victoire de plus long terme s'il a réussi à associer l'image d'Obama à un système de valeurs approuvé par les Américains.


Reste ce qui me semble la principale faiblesse d'Obama, notamment dans l'utilisation des réseaux sociaux : la naissance d'une puissante opposition en ligne.
La stratégie de campagne d'Obama, cela a été amplement souligné, notamment par la Fondation Terra Nova, a conjugué community management et empowerment pour libérer des énergies militantes exceptionnelles. Le succès de son usage des réseaux sociaux repose sur cette option initiale.
Mais de même que la Révolution française, en inaugurant la mobilisation générale, a inauguré 150 ans de guerre totale sur le continent européen, de même cet armement des masses a suscité une riposte de la frange la plus populiste de la droite américaine. La lecture du fil Twitter concernant le #debtceiling est à ce titre éloquente. Le fanatisme du Tea Party est évident.

La campagne Obama a inauguré dans la vie politique américaine une ère de mobilisation de masse. Le charisme d'Obama lui a permis de triompher en 2008. Mais le charisme n'est pas toujours positif. Il peut aussi mobiliser les instincts les moins nobles. Et tout laisse entendre qu'ils seront libérés en 2012.


1 commentaire:

  1. juste une petite remarque sur la perte et le gain net.

    il n'y a qu'à regarder sur le mois entier ou sur 3 mois (avec twitter counter par exemple) : http://twitpic.com/60bbd1 et je ne suis pas tout à fait d'accord avec toi. BO gagne en gros 50k followers chaque semaine. Cette semaine, les Républicains lui ont fait perdre 80k à la la louche : les 50k qu'il aurait du avoir en plus cette semaine là et les 30 nets de pertes.

    Et dès la semaine suivante, il a repris son rythme de +50k par semaine.

    Au total, il a bel et bien perdu 80k (ce qui est, à son niveau, de l'ordre de la "sous-anecdote").

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